ENJEU de santé publique - Solutions - Le Moniteur des pharmacies.fr

Papillomavirus humains (HPV),
la pharmacie au cœur de la prévention

Cet espace vous est proposé avec le soutien institutionnel de MSD

ENJEU de Santé publique

La lutte contre les papillomavirus constitue un enjeu de santé publique majeur. En effet, on estime que près de 80% des individus sexuellement actifs seront un jour infectés par ce virus pouvant causer l’apparition de condylomes, de lésions précancéreuses mais aussi de cancers (1). Malgré les mesures de prévention, la prévalence des cancers induits par les papillomavirus reste trop élevée avec en 2015 plus de 2900 cancers du col de l’utérus, tous causés par les papillomavirus ou plus de 1700 cas de cancers de la sphère ORL (1). Ainsi, avec l’appui des acteurs sociaux, la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 a été décidée afin de réduire ces cancers évitables (2).

Reconduite à la rentrée 2024, la vaccination en milieu scolaire va être associée à une campagne de communication grand public et à destination des professionnels de santé*. Les pharmaciens devront alors se tenir prêt afin de sensibiliser et informer mais aussi prescrire et vacciner puisque, comme en 2023, une partie importante de la vaccination passera sans doute par la ville*.

https://www.senat.fr/questions/base/2024/qSEQ24041206S.html, consulté le 11/06/2024

Campagne anti-HPV : de la vaccination au dépistage, quel bilan retenir ?

Alors que la campagne de vaccination en milieu scolaire a débuté à la rentrée 2023, l’heure est maintenant au bilan. Quelles sont les retombées de cette campagne ? A-t-elle permis d’étendre la vaccination ? L’écart entre le taux de couverture vaccinal entre filles et garçons a-t-il diminué ? Par ailleurs, le programme de dépistage du col de l'utérus a-t-il atteint ses objectifs ?

Lancée à la rentrée 2023, la campagne de vaccination scolaire contre le papillomavirus pour les élèves de cinquième a permis l’accès à la vaccination gratuite pour tous. Sur la base du volontariat, une campagne de sensibilisation, pour les enfants et les parents, a été menée de concert afin de vacciner le plus grand nombre. Les derniers chiffres nous permettent de documenter la première phase de la campagne vaccinale s’étendant du 30 septembre au 31 décembre 2023. Alors que l’année scolaire touche à sa fin, quel bilan peut-on tirer de cette première partie ?

Evolution de la couverture vaccinale contre les HPV parmi les adolescents de 12 ans sur la première phase de la campagne vaccinale (30/09/2023 – 31/12/2023) :

  • Filles : +17% en 2023 contre +4% sur la même période en 2022
  • Garçons : +15% en 2023 contre +4% sur la même période en 2022

Une augmentation de la vaccination anti-HPV

Une hausse notable de la couverture vaccinale contre les infections à papillomavirus a été observée entre le 30 septembre et le 31 décembre 2023. Cette hausse se traduit par les chiffres suivants :

  • 48% des adolescents, filles et garçons, de 12 ans vaccinés
  • 55% des filles de 12 ans vaccinées
  • 41% des garçons de 12 ans vaccinés

Ces chiffres méritent d’être détaillés puisqu’on estime que plus de 117 000 élèves de cinquième ont reçu leur première dose de vaccin en milieu scolaire et que plus de 313 000 enfants de 12 ans ont été vaccinés en ville. La campagne de vaccination scolaire a donc eu un bénéfice pour la vaccination aussi bien à l’école qu’en ville par le pharmacien dans son rôle de prescripteur.

Une seconde dose étant prévue 6 mois après la première, à l’issue de la seconde phase de la campagne de vaccination, il sera possible d’évaluer le nombre d’adolescents présentant un schéma vaccinal complet.

Qu’en est-il des autres classes d’âge ?

De la même façon, on observe une augmentation de la couverture vaccinale parmi les autres classes d’âge :

  • Chez les filles âgées de 15 et 16 ans : la couverture vaccinale 2023 pour une dose chez les filles de 15 ans est de 55%. Elle était de 48% en 2022. Ce chiffre s’élève à 45% pour un schéma complet chez les filles âgées de 16 ans contre 41% en 2022 et 37 en 2021.
  • Chez les garçons âgés de 15 et 16 ans : la couverture vaccinale 2023 est de 26% pour une dose à 15 ans contre 13% en 2022. Le schéma complet est atteint pour 16% des garçons de 16 ans contre 8.5% l’année précédente.

L’écart entre filles et garçons peut en partie s’expliquer par le fait que la vaccination contre les infections à HPV n’est recommandée que depuis le 1er janvier 2021 pour les garçons contre 2007 pour les filles.

Une couverture vaccinale inégale selon le territoire

S’inscrivant dans une tendance à la hausse, la couverture vaccinale est pourtant bien loin des 80% espérés par la Stratégie décennale de lutte contre les cancers pour 2030. Les estimations département par département montrent que certaines régions ont du retard par rapport à la moyenne nationale.

Par exemple, l’Ile-de-France avec 36% est bien loin des 45% de jeunes filles âgées de 16 ans ayant complété leur schéma vaccinal. Idem pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur avec 37% ou encore la Guyane (16%), la Martinique (14%) ou la Réunion (16%).

Une même tendance s’observe chez les garçons puisqu’avec une moyenne nationale à 16% pour ceux présentant un schéma vaccinal complet à 16 ans, 8% le sont en Corse, 14% en Ile-de-France ou encore 11% en Provence-Alpes-Côte d’Azur. De plus, les chiffres restent particulièrement faibles dans les DROM avec 3% pour la Guadeloupe, 2 pour la Martinique et 3 pour la Réunion.

Dépistage du cancer du col de l’utérus : un taux de participation trop faible

Afin de réduire l’incidence et la mortalité par cancer du col de l’utérus de 30% en 10 ans, les autorités ont estimé qu’un taux de 80% de participation au dépistage parmi la population cible permettrait de remplir cet objectif. Bien qu’en augmentation constante depuis 2017-2019, le taux de couverture estimé à 59,5% reste inférieur aux objectifs fixés.

A l’image de la couverture vaccinale, le taux de participation au dépistage reste inégal selon les régions. Par exemple, les chiffres à Mayotte (15,1%), en Guyane (31,7%) ou encore en Ile-de-France (53,1%) sont inférieurs à la moyenne nationale.

Toutefois, il convient de souligner l’importance des tests effectués à la suite d’une invitation. Alors que les chiffres n’étaient que de 3,3% en 2018-2020, 11,6% des tests ont été réalisés grâce à ce dispositif, soulignant la montée en charge progressive du programme de dépistage organisé.

Sources
-  Santé Publique France – Bulletin Vaccination – 26 avril 2024 [consulté le 10/06/2024]
-  Santé Publique France. Bulletin : Participation au programme de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus – Période 2014-2023. [consulté le 04/07/2024]

L'histoire du HPV au fil du temps (3, 4, 5, 6)

  • 1933
    Le virologue allemand Richard Shope isole un papillomavirus à partir de tumeurs cutanées de lapins (3).
  • 1970-1980
    Le virologue allemand Harald zur Hausen suggère un lien entre papillomavirus et cancer du col de l’utérus (4).
  • 2006
    Un premier vaccin contre le papillomavirus obtient l’autorisation de mise sur le marché (5).
  • 2007
    Vaccination HPV recommandée chez les jeunes filles âgées de 11 à 14 ans avec rattrapage jusqu’à 19 ans.
  • 2008
    Harald zur Hausen obtient le Prix Nobel de médecine pour ses travaux sur les papillomavirus.
  • 2014
    Le Plan Cancer 2014-2019 annonce un objectif de 60% en termes de couverture vaccinale.
  • 2018
    Mise en place du programme national de dépistage du cancer du col de l’utérus adressée à toutes les femmes entre 25 et 65 ans.
  • 2019
    Objectif de 60% de la couverture vaccinale anti-HPV non atteint.
  • 2021
    Annonce de l’objectif d’une couverture vaccinale de 80% à l’horizon 2030.
  • Janvier 2021
    Vaccination HPV recommandée chez les jeunes garçons âgés de 11 à 14 ans avec rattrapage jusqu’à 19 ans.
  • Novembre 2022
    Les pharmaciens sont autorisés à vacciner les patients de plus de 16 ans sur prescription médicale.
  • Janvier 2023
    Délivrance de préservatif sans prescription en pharmacie pour les moins de 26 ans.
  • Août 2023
    Parutions des décrets et arrêtés qui étendent les compétences des pharmaciens en matières d’administration et/ou de prescription des vaccins prévus au calendrier vaccinal, pour les personnes âgées de 11 ans et plus.
  • Septembre 2023
    Ouverture de la campagne scolaire vaccinale.

La lutte contre les HPV : un défi mondial

Portugal (12)

Taux de couverture vaccinale *
89.48%
80.3%
  • 2010
    Programme de dépistage du cancer du col de l’utérus dans la région Açores.
  • 2017
    Programme de dépistage du cancer du col de l’utérus dans la région de Lisbonne et la région Norte.
  • 2019
    Programme de dépistage du cancer du col de l’utérus dans la région Algarve et la région Centro.
  • 2020
    Programme de dépistage du cancer du col de l’utérus dans la région Alentejo.

Suède

Taux de couverture vaccinale *
83.2%
77.6%
  • 2010
    Programme de vaccination contre le HPV chez les femmes.
  • 2015
    Campagne de sensibilisation pour le dépistage du cancer du col de l’utérus.
  • 2020
    Programme de vaccination contre le HPV chez les hommes.

Australie

Taux de couverture vaccinale *
80.27%
76.69%
  • 2007
    Programme de dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis cervicaux.
  • 2013
    Campagne de sensibilisation pour le dépistage du cancer du col de l’utérus.
  • 2017
    Promotion de l’utilisation du préservatif.

Royaume-Uni

Taux de couverture vaccinale *
67.32%
62.38%
  • 2004
    Programme de dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis cervicaux.
  • 2008
    Campagne de sensibilisation pour le dépistage précoce du cancer du col de l’utérus par frottis cervical.
  • 2020
    Promotion de l’éducation sexuelle.

Allemagne

Taux de couverture vaccinale *
54%
17%
  • 2007
    Programme de dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis cervicaux.
  • 2020
    Campagne de sensibilisation pour le dépistage précoce du cancer du col de l’utérus par frottis cervical.
  • 2021
    Campagne de sensibilisation à la réduction du risque de transmission des papillomavirus.

France

Taux de couverture vaccinale *
41.5%
8.5%
  • 2018
    Mise en place du programme national de dépistage du cancer du col de l’utérus adressée à toutes les femmes entre 25 et 65 ans.
  • Janvier 2023
    Promotion de l’usage du préservatif.
  • Février 2023
    Annonce présidentielle en faveur de la généralisation de la vaccination HPV pour tous les élèves de 5ème volontaires pour la rentrée 2023.
  • Septembre 2023
    Ouverture de la campagne scolaire vaccinale pour les enfants de 12 ans.
* Schéma vaccinal complet

Les associations et les sociétés savantes se mobilisent

Le collectif Demain sans HPV lancé par Imagyn regroupe une dizaine d’associations de patients militant pour la santé sexuelle et la lutte contre les cancers (Actions Traitements, Akuma, CléliAline, Corasso, Courir Pour Elles, Crips Ile-de-France, Imagyn, The NWC, No Taboo, Vaincre PRR). Ce collectif a pour but de sensibiliser au sujet des maladies liées au HPV et proposer des pistes d’amélioration de la prévention et du dépistage (8).

La Ligue contre le Cancer se démarque également grâce à son engagement dans la prévention des cancers liés aux HPV. Outre les campagnes de sensibilisation menées par l’association, la Ligue contre le Cancer met à disposition un serious game à destination des 11-14 ans, des 15-19 ans, des adultes et parents. Ce jeu intitulé Papillomavirus : L’Escape Game (9) permet, de manière ludique, de s’informer sur le papillomavirus et ses modes de transmission, ses maladies et ses méthodes de prévention, ou encore les risques de cancers et leurs conséquences. Des outils téléchargeables sont mis à disposition afin de sensibiliser et d’informer. En outre, afin de lever la barrière financière, la Ligue contre le Cancer propose de prendre en charge le coût résiduel du vaccin pour les personnes sans complémentaire santé (10).

La SFCPCV composée de gynécologues et de pathologistes s’intéressant à la pathologie du col utérin, considère que la campagne de vaccination scolaire est une « mesure efficace et attendue ». En effet, la société savante souligne la difficulté à atteindre la population cible des 11-14 ans qui aujourd’hui consulte moins souvent les médecins généralistes et les pédiatres. Elles sont donc moins sensibilisées aux maladies liées aux HPV et à ses méthodes de prévention. Ainsi, proposer cette vaccination en milieu scolaire contribue à renforcer la couverture vaccinale auprès de cette population (11), d’autant plus que le frein financier sera levé grâce à la gratuité du vaccin.

Le collectif Appel des 50, composé d'académies, de collèges, de sociétés et de syndicats médicaux, vise à promouvoir un dépistage et une vaccination universelle contre le papillomavirus, avec le soutien de personnalités médicales et de six associations de parents et de dépistage (13).

Sources
(2) Institut National du Cancer, Stratégie décennal de lutte contre les cancers 2021-2030, Juin 2021, p.250.
(3) Richard Shope, A transmissible tumor-like condition in rabbits, pp.793-802. Editeur : Journal of experimental medicine. 1932
(6) Haute Autorité de Santé. Recommandation vaccinale : Elargissement de la vaccination contre les papillomavirus aux garçons, Décembre 2019, p.177.
(11) Société Française de Colposcopie et de Pathologie Cervico-Vaginale, Communiqué de presse du 28 février 2023 : Proposer la vaccination anti-HPV au collège : Une mesure efficace et attendue, 28 février 2023