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Éditorial

La Covid-19 paraît loin derrière nous, mais pas si loin !

Les dernières recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) du 10 juillet 2023 confirment celles du printemps qui étaient de proposer l’administration concomitante des vaccins contre la Covid-19 et contre la grippe saisonnière, dès lors qu’une personne est éligible aux 2 vaccinations, quel que soit son âge. Si les vaccins contre la grippe et contre la Covid-19 ne sont pas administrés au même moment, la HAS rappelle qu’il n’y a pas de délai à respecter entre les 2 vaccinations et que, de façon générale, il n’est pas nécessaire de respecter un délai minimum entre un vaccin contre la Covid-19 et tout autre vaccin du calendrier vaccinal.

Début juin, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et l'Agence européenne des médicaments (EMA) ont publié une déclaration conjointe recommandant de mettre à jour les vaccins pour cibler les souches XBB (un sous-groupe d'Omicron), qui sont devenues dominantes en Europe et dans d'autres parties du monde. Ces nouveaux vaccins monovalents adaptés (ciblant une seule souche comme XBB.1.5) sont désormais disponibles pour fournir une protection contre les souches dominantes et émergentes actuelles. On attend avec impatience (qui peut durer !), un jour, les vaccins 2 en 1 Covid-19 et grippe.

Le plus important est de vacciner, vacciner, vacciner… Nous avons besoin de vous dans l’application des recommandations. Restons vigilants et prudents !

Coordination : Pr Valérie Pourcher,
Service des maladies infectieuses, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Rédaction : Dr Jean-Philippe Madiou, Paris.

Populations particulières : immunodéprimés et sujets âgés

Chez les sujets très âgés et les sujets immunodéprimés, la diminution de la protection vaccinale en fonction du temps est plus sensible qu’en population générale, ce qui justifie d’autant plus la nécessité d’une vaccination de rappel dans cette population. Dans une analyse poolée de cohorte prospective menée au Royaume-Uni chez plus de 16 millions de patients, U. Agrawal et al. [21] ont rapporté, pendant la période Omicron, que les patients très âgés (≥ 80 ans), ceux avec plusieurs comorbidités ou certains facteurs de risque (sous immunosuppresseurs ou avec une maladie rénale chronique) restaient à risque de Covid-19 sévère malgré un premier rappel d’ARNm.

Réponse à la vaccination chez des patients immunodéprimés

L’étude prospective COVICS s’est intéressée de façon spécifique à la réponse humorale post-vaccination Covid-19 chez des patients immunodéprimés (transplantés d'organe solide (TOS), hémopathies malignes, cancers solides, maladies auto-immunes, PVVIH) en comparaison avec des professionnels de santé non immunodéprimés (HCW) [22]. Le critère de jugement principal était la proportion de personnes ayant obtenu un test réactif (séropositif) pour l'immunoglobuline G contre le domaine de liaison au récepteur du coronavirus 2 du SARS-CoV-2. Au total, 1 271 participants ont été inclus : 1 099 immunodéprimés et 172 professionnels de santé. Par rapport à ces derniers (92,4 % de séropositifs), la séropositivité était plus faible chez les participants TOS (30,7 %), atteints d'hémopathies malignes (50 %), de maladies auto-immunes (79,1 %), de tumeurs solides (78,7 %) ou infectés par le VIH (79,8 %) (p < 0,01). Les facteurs associés à une faible séropositivité comprenaient l'âge, une immunosuppression plus importante, le temps écoulé depuis la vaccination, un traitement par anticorps monoclonaux anti-CD20 et la vaccination avec le BNT162b2 ou les vaccins à vecteur adénovirus par rapport au mARN-1273. Ce dernier était associé à des taux d'anticorps plus élevés que le BNT162b2 ou les vaccins à vecteur adénovirus après ajustement en fonction du temps écoulé depuis la vaccination, de l'âge et de la pathologie sous-jacente. Sur le même type de population, une méta-analyse de type GRADE (Grading of Recommendations, assessment, developemnt and evaluation) a évalué l'efficacité clinique de l’ARNm-1273 (50 ou 100 µg/dose) en comparaison au BNT162b2 (30 µg/dose) dans des populations spécifiquement immunodéprimées [23]. Au total, 17 études ont été incluses avec près de 400 000 participants. Comparé au BNT162b2 (n=187 813), l’ARNm-1273 (n=190 643) a été associé à une réduction significative du risque d'infection par le SARS-CoV-2 (RR=0,85, IC95 : 0,75-0,97 ; p=0,0151 ; I2=67,7 %), d'hospitalisation associée à la Covid-19 (RR=0,88, IC95 : 0,79-0,97 ; p=0,0009 ; I2=0 %) et de mortalité liée à la Covid-19 (RR=0,63, IC95 : 0,44-0,90 ; p=0,0119 ; I2=0 %) (figure 6). (figure 6).

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Figure 6. Résultats d’efficacité de la méta-analyse de Wang et al., 2023 [23].

Les sujets âgés de plus de 65 ans demeurent bien protégés par les doses “booster”

Une étude a été réalisée chez des vétérans américains ayant reçu 3 doses de vaccins ARNm-1273 ou BNT162b2 (1er juillet 2021-30 mai 2022) [24]. Les populations étaient à risque moyen et à risque élevé ; les sous-groupes à risque élevé étaient l'âge ≥ 65 ans, ceux présentant des comorbidités ou une immunodépression. Sur 1 703 189 participants, 10,9 pour 10 000 personnes sont décédées ou ont été hospitalisées pour une pneumonie à Covid-19 sur 32 semaines (IC95 : 10,2, 11,8). Bien que les risques relatifs de décès ou d'hospitalisation pour pneumonie à Covid-19 aient été similaires dans tous les groupes à risque, le risque absolu a varié lors de la comparaison des 3 doses de BNT162b2 avec l'ARNm-1273 entre les populations à risque moyen et à risque élevé. La différence de risque de décès ou d'hospitalisation pour pneumonie Covid-19 pour les populations à haut risque était de 2,2 (0,9-3,6). Les effets n'ont pas été modifiés par le variant prédominant. Dans cette étude, le risque de décès ou d'hospitalisation pour pneumonie à Covid-19 sur 32 semaines était plus faible dans les populations à haut risque ayant reçu 3 doses de vaccin ARNm-1273 en comparaison au vaccin BNT162b2 (figure 7) : aucune différence n'a été en revanche observée dans la population à risque moyen et dans le sous-groupe des personnes âgées de plus de 65 ans.

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Figure 7. Incidence cumulée sur 32 semaines des décès ou des hospitalisations pour pneumonie Covid-19 après vaccination et rappel avec BNT162b2 ×3 et ARNm-1273 ×3, limitée aux personnes présentant un état d'immunodépression.

Si l’âge en soi ne constitue donc pas une raison de moindre réponse à un schéma complet de vaccination, l’impact des comorbidités associées demeure important. Une étude Britannique parue dans le Lancet en 2022 [21] a cherché à identifier les facteurs de risque de formes graves d’infection à Covid-19 (hospitalisation ou décès) chez des personnes avec une primo-vaccination complète et ayant reçu le 1er vaccin de rappel. Entre le 8 décembre 2020 et le 28 février 2022, 16 208 600 personnes ont eu une primovaccination complète et 13 836 390 personnes ont reçu une dose de rappel. Entre le 20 décembre 2021 et le 28 février 2022, 59 510 (0,4 %) du groupe primovaccination et 26 100 (0,2 %) ayant reçu une dose de rappel ont présenté une forme grave d’infection à Covid-19. Ce risque a diminué après avoir reçu le rappel (réduction de 8,8 événements pour 1 000 personnes-années à 7,6 événements pour 1 000 personnes-années). Les adultes plus âgés (≥ 80 ans versus 18-49 ans ; RRa = 3,60 (IC95 : 3,45-3,75)), ceux présentant des comorbidités (≥ 5 comorbidités versus aucune ; RRa = 9,51 (IC95 : 9,07-9,97)), les hommes (hommes versus femmes ; RRa = 1,23 (IC95 : 1-20-1-26)), ceux sous immunosuppresseurs (oui versus non ; RRa = 5,80 (IC95 : 5,53-6,09)) et les insuffisants rénaux chroniques (stade 5 versus non ; RRa = 3,71 (IC95 : 2,90-4,74)) sont demeurées à risque élevé de forme grave malgré le 1er “booster”. Les personnes ayant des antécédents d'infection par Covid-19 présentaient en revanche un risque réduit (infectées ≥ 9 mois avant la dose de rappel versus pas d'infection antérieure ; RRa = 0,41 (IC95 : 0,29-0,58)). Les auteurs en concluent que les personnes très âgées, celles présentant de nombreuses comorbidités et celles qui ont des problèmes de santé sous-jacents spécifiques demeurent exposées à un risque accru d'hospitalisation et de décès après le 1er rappel du vaccin Covid-19 et devraient donc bénéficier en priorité de rappels supplémentaires, y compris de nouvelles versions optimisées (cf. précédemment).

V. Pourcher déclare avoir des liens d’intérêts avec Moderna.

Sources
(21) Agrawal U et al. Severe COVID-19 outcomes after full vaccination of primary schedule and initial boosters: pooled analysis of national prospective cohort studies of 30 million individuals in England, Northern Ireland, Scotland, and Wales. Lancet 2022;400:1305-20.
(22) Haidar G et al. Prospective evaluation of coronavirus disease 2019 (COVID-19) vaccine responses across a broad spectrum of immunocompromising conditions: the COVID-19 vaccination in the immunocompromised study (COVICS). Clin Infect Dis 2022;75(1):e630-e644.
(23) Wang X et al. Comparative effectiveness of mRNA-1273 and BNT162b2 COVID-19 vaccines in immunocompromised individuals: a systematic review and meta-analysis using the GRADE framework. Front Immunol 14:1204831. doi: 10.3389/fimmu.2023.1204831
(24) Kelly JD et al. Comparative mRNA booster effectiveness against death or hospitalization with COVID-19 pneumonia across at-risk US Veteran populations. Nat Commun 2023;14(1):2976.