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Économie officinale : croissance au moins jusqu’en 2029 pour les médicaments

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Économie officinale : croissance au moins jusqu’en 2029 pour les médicaments

Publié le 18 mars 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Le marché pharmaceutique français présente une dynamique paradoxale : les projections d'Iqvia jusqu'en 2029 anticipent une croissance annuelle moyenne de 4 % en valeur, tandis que les volumes de médicaments délivrés poursuivent leur baisse. Cette dissociation entre valeur et volume s'explique par plusieurs facteurs structurels et conjoncturels.

« Nous observons une déconnexion entre la valeur du marché et les volumes vendus, notamment en raison des politiques publiques et des changements structurels de la consommation », analyse Yann Rateau de Meursac, principal consulting analytics pour Iqvia.

La baisse démographique, les mesures de maîtrise des dépenses de santé, l’accent sur la prévention et l’observance thérapeutique contribuent à cette tendance baissière. Les ruptures d’approvisionnement, bien que difficiles à quantifier précisément, pèsent également sur la distribution.

Parallèlement, l’accès aux innovations thérapeutiques reste problématique, avec un délai moyen de 475 jours entre la demande de remboursement et la disponibilité effective pour les patients. Le dispositif d’accès précoce, conçu comme solution transitoire, devient de plus en plus restrictif, avec 52 % des demandes rejetées en 2024, principalement en raison de l’existence d’alternatives thérapeutiques.

« L’intérêt pour l’accès précoce se maintient, mais avec des critères plus stricts », observe Delphine Houzelot, senior principal market access chez Iqvia.

La dichotomie ville-hôpital s’accentue

Le marché officinal subit les effets combinés des restrictions budgétaires et de la promotion accrue des génériques et biosimilaires. « La substitution par les génériques et biosimilaires s’intensifie, sous l’effet des politiques tarifaires de l’Assurance maladie », souligne Delphine Houzelot.

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Ces politiques affectent particulièrement la valeur du marché, via des réductions tarifaires et l’accélération des expirations de brevets prévue d’ici 2027. Néanmoins, le marché officinal devrait connaître une croissance de 4 à 5 % annuellement en valeur, malgré l’impact modérateur des baisses de prix.

« Il est clair que la dynamique du marché officinal est contrainte par des baisses de prix récurrentes et une pression continue sur les marges des pharmacies », indique Yann Rateau de Meursac.

En contraste, le secteur hospitalier présente une trajectoire différente. Si les volumes demeurent stables, la valeur progresse significativement (6 à 7 % par an), portée principalement par les traitements spécialisés.

« La croissance du marché hospitalier est soutenue par l’adoption de thérapies ciblées, qui génèrent des coûts plus élevés mais apportent des bénéfices thérapeutiques indéniables », précise Delphine Houzelot. Toutefois, les difficultés d’accès aux soins et les contraintes budgétaires hospitalières limitent le développement des prescriptions.

L’analyse des ventes révèle une segmentation de plus en plus prononcée entre le marché de ville, sous pression constante, et le secteur hospitalier, qui concentre l’essentiel de la croissance. Cette dualité se reflète également dans la structure des prix : tandis que le marché officinal subit une politique de compression tarifaire et une généralisation des génériques, le secteur hospitalier bénéficie d’une valorisation plus élevée.

« Nous sommes face à une dichotomie du marché qui tend à s’accentuer, avec un marché officinal sous tension et un secteur hospitalier en pleine expansion », constate Yann Rateau de Meursac.

L’oncologie, moteur de l’innovation et de la croissance

Sans surprise, les médicaments antinéoplasiques et immunomodulants constituent la classe thérapeutique qui connaît la plus forte progression, avec une croissance annuelle de 13,5 % entre 2019 et 2024. Cette tendance devrait se poursuivre, portant la part de marché de cette classe à 42 % d’ici 2029.

Les innovations à venir en 2025 confirment cette orientation, avec notamment des anticorps bispécifiques pour le cancer des voies biliaires et les premiers vaccins thérapeutiques personnalisés à ARN messager en association avec des immunothérapies existantes.

Implications pour l’économie officinale

Si la diversification vers de nouveaux services (vaccination, dépistage, accompagnement des patients chroniques) représente une réponse stratégique, l’enjeu fondamental demeure la dépendance du modèle économique officinal aux volumes de vente.

Un système où la rémunération du pharmacien resterait indexée aux quantités de médicaments dispensés risquerait de fragiliser l’économie des officines. À la lumière des données récentes d’Iqvia, la redéfinition du positionnement et de la valorisation du rôle du pharmacien au sein du système de santé apparaît comme une nécessité.