Pas de liste, mais de bonnes pratiques de préparation

Publié le 25 février 2015
Par Christine Julien
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Il n’y aura sans doute pas de liste de substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Une réécriture de l’arrêté sur la liste des préparations à risque pour la santé est envisagée par le ministère. En attendant, il faut toujours déposer avant le 14 mai 2015 une demande d’autorisation pour les faire dans le respect des « bonnes pratiques de préparation » .

Nous l’annoncions le mois dernier (Porphyre n° 509, février 2015). La Direction générale de la santé concoctait une liste de substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Onze exactement (1). Il s’agissait « d’une piste de travail, sachant qu’aucune liste ne serait exhaustive » pour les pharmaciens souhaitant déposer une demande d’autorisation pour réaliser des préparations à risque pour la santé, dont l’une des catégories renferme ces fameux CMR (lire encadré p.8).
À la mi-février, la perspective de voir sortir cette liste est fortement remise en question par le ministère de la Santé, qui envisage même de modifier l’arrêté de novembre 2014 listant les préparations à risque. Un casse-tête pour les pharmaciens car le fait de devoir déposer avant le 14 mai 2015 une demande d’autorisation pour continuer à faire eau oxygénée boratée et consorts reste en vigueur.

Où sont donc rangés les CMR ?
« Cette pré-liste de CMR était prête à être soumise pour avis aux représentants de la profession (2), affirme un membre du ministère de la Santé. Nous avions privilégié les substances utilisées en pharmacie, en mettant de côté les anticancéreux que les hôpitaux reconstituent ». Problème, pourquoi prélister seulement onze substances ? Pour Fabien Bruno, sous-traitant de la pharmacie Delpech à Paris, « cela n’a aucun sens car il y en a davantage (3). Faire une liste empêcherait de se poser la question : est-ce que ce produit absent de la liste est un CMR ? » Et de poursuivre : « Il est de ma responsabilité, en tant que chef d’entreprise, de prévenir les risques pour les manipulateurs » (4). Un travail difficile car aucun document officiel ne liste spécifiquement les produits à risque du préparatoire.

Repérer et prévenir les risques
Pour chacune des substances, Fabien Bruno a établi le risque en se basant sur des données de sécurité et des classifications fournies par les fabricants, les propriétés physiques des produits et les quantités manipulées. Mais aussi sur les recommandations et documents divers émanant d’organismes de « sécurité santé et travail » comme l’INRS (3)(qui propose une liste des substances chimiques classées CMR dans la réglementation européenne. Car le fait que les risques varient selon les quantités utilisées est un autre obstacle à l’élaboration d’une liste par le ministère. C’est à chaque pharmacien d’établir ce risque

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(1) Lire la suite (réservé aux abonnés)
(2) Académie de pharmacie, conseils de l’ordre des pharmaciens et des médecins, syndicats de titulaires, laboratoires fabricants, sous-traitants, Leem (industriels), ANSM, ARS…
(3) Dossier Agents chimiques CMR sur www.inrs.fr, Inrs Agence santé et sécurité au travail. 971 agents cancérogènes sont recensés par l’International Agency for Research on Cancer.
(4) Décret n° 2001-97 du 1er février 2001 du Code du travail notamment.
(5) Application de la classification des substances et mélanges dangereux à la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, juin 2014, Ineris.

Chronologie
> Novembre 2007(1) :
les bonnes pratiques de préparation (BPP) imposent à toute pharmacie de respecter
un ensemble de procédures afin d’assurer traçabilité et qualité des préparatoires.
> octobre 2009(2) : l’autorisation d’exécution de préparations dangereuses mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 5125-1 du code de la santé publique doit être demandée au
directeur général de l’ARS par le titulaire de l’officine concernée, autorisation liée au respect des BPP.
Une liste non exhaustive de substances dangereuses circule et fait hurler la profession. Elle est retirée et les travaux reprennent.
> Décembre 2011 : l’article L. 5125-1-1 du CSP est modifié ; les préparations dangereuses cèdent le pas aux préparations pouvant présenter un risque pour la santé.
> Novembre 2014 : un arrêté fixe la liste des dites préparations (encadré p. 8).
(1) Journal officiel du 21 octobre 2007.
(2) Journal officiel du 24 octobre 2009.

Que disent le décret et l’arrêté de novembre 2014 ?
Le décret du 14 novembre 2014 (1)  impose à tout pharmacien (s’il ne l’a pas déjà) et aux établissements pharmaceutiques autorisés à soustraiter de déposer une demande d’autorisation auprès du directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) dont il dépend, s’il veut continuer à faire des préparations à risque pour la santé. La date butoir pour se mettre en conformité est le 14 mai 2015.
Voici la liste des préparations pouvant présenter un risque pour la santé (2).
1. Préparations stériles, sous toutes les formes. Remarque : elles sont exceptionnelles en officine.
2. Préparations, sous toutes les formes, à base d’une ou plusieurs substances mentionnées aux 12 à 14 de l’article L. 1342-2 du code de la santé publique. Il s’agit de celles par voies interne et externe, réalisées avec des substances CMR : cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégories 1, 2 et 3.
C’est cette liste qui est attendue par la profession.
3. Préparations destinées aux enfants de moins de 12 ans contenant des substances vénéneuses mentionnées à l’article L. 5132-1 du code de la santé publique, à l’exclusion des préparations destinées à être appliquées sur la peau contenant des substances mentionnées au 4 du même article.
Ce sont toutes les « pédiatriques » sauf les externes avec des listes I et II, réalisées avec des listes 1 et 2, des stupéfiants et des psychotropes.
Exemples : des gélules enfants d’oméprazole ou de spironolactone requerront une autorisation pour être exécutées à partir du 14 mai 2015.
(1) Décret n° 2014-1367 du 14 novembre 2014 relatif à l’exécution et à la sous-traitance des préparations magistrales et officinales.
(2) Arrêté du 14 novembre 2014 fixant la liste des préparations pouvant présenter un risque pour la santé mentionnées à l’article L. 5125-1-1 du code de la santé publique. Publié au Journal officiel du 16 novembre 2014.

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À lire dans Porphyre n°510 de mars 2015