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Les patients deviendront-ils pharmacovigilants ?
Une expérience incitant les patients prenant des antirétroviraux à déclarer les effets indésirables vient de démarrer. Le ministre de la Santé relance ainsi le débat qui entoure les notifications de pharmacovigilance.
L’Afssaps vient de lancer une expérience pilote de notification des effets indésirables directement par les patients sous antirétroviraux. La question de la notification des malades se pose donc concrètement. Mais les spécialistes ont des avis partagés selon qu’ils appartiennent au système officiel de pharmacovigilance ou aux laboratoires pharmaceutiques. Les patients rempliront eux-mêmes un questionnaire qui sera relu par le médecin traitant ou le pharmacien hospitalier puis transmis au centre régional de pharmacovigilance. Les formulaires seront disponibles dans les services hospitaliers et dans les centres de soins.
Le revirement de l’Afssaps
Cette première expérience est menée avec une population qui connaît généralement bien son traitement et sa pathologie, en particulier grâce aux associations de malades qui ont collaboré à la mise en place du système. Cette étude va durer six mois. « L’objectif est de voir si en impliquant directement le patient on peut augmenter de manière quantitative mais aussi qualitative les connaissances sur les effets secondaires des traitements contre le sida », a expliqué à l’Agence de presse médicale François Meyer, directeur adjoint de l’évaluation du médicament à l’Afssaps. L’appréciation plus précise de l’incidence et de la fréquence des effets secondaires pourrait permettre une meilleure utilisation des traitements, espèrent les associations de patients.
« Pourtant l’Agence ne voulait pas entendre parler de « cas patients » jusqu’à il y a peu, mais elle admet finalement que cela pourrait constituer un signal, commente Lynn Moati, chargée de pharmacovigilance chez AstraZeneca. Mais ce n’est pas du « patient pur » car le médecin repasse derrière. »
« Ce test est intéressant s’il conduit à la responsabilisation du patient , estime Frédéric Bassi, responsable des affaires pharmaceutiques chez Bayer, mais il faut accomplir un travail d’éducation pour que les données soient utilisables. » Sur les antirétroviraux les conditions sont bonnes car les patients connaissent très bien les traitements.
En revanche, Jacques Caron, président de la Commission nationale de pharmacovigilance, reste prudent : « L’étude mérite d’être menée, mais, pour moi, la notification d’un effet indésirable repose sur un dossier clinique qui ne peut être complet qu’après discussion avec le prescripteur. Je crains qu’une notification basée sur la seule notification du patient multiplie de façon inutile les signaux. De toute façon cette étude est réalisée dans une pathologie spécifique nécessitant des traitements lourds, fréquemment générateurs d’effets indésirables, et elle s’accompagne d’un contrôle de la notification par le médecin ou le pharmacien. »
Plus optimiste, Haleh Bagheri, du centre régional de pharmacovigilance de Toulouse, estime que cela permettra d’éviter la sous-notification. Bruno Toussaint, directeur de la rédaction de Prescrire, est plus enthousiaste : « Quand les patients s’y mettent ils notifient beaucoup de choses. »
Une étude menée aux Pays-Bas montre que lorsque l’on incite soignants et patients à notifier les effets indésirables rencontrés, les malades exercent une surveillance plus attentive et plus complète que les professionnels de santé.
Les patients sont aussi associés au suivi des nouveautés thérapeutiques au Royaume-Uni, où un triangle noir figure à la suite du nom de la spécialité pendant deux ans après l’apparition de la nouveauté (nouveau principe actif mais aussi nouvelles association, voie, indication). Ce pictogramme a pour objectif de susciter une vigilance accrue face aux médicaments pour lesquels on manque encore de recul.
La crainte d’une montagne de notifications
Même s’il y a beaucoup de travail de validation derrière la notification des patients, cela permettra de voir plus vite les signaux. Mais c’est bien ce surcroît de données qui inquiète tous les praticiens des centres régionaux de pharmacovigilance. Comment gérer un afflux de notifications à moyens constants ? Ce sera d’autant plus aigu si l’expérience est étendue à d’autres pathologies. Des pathologies dans lesquelles les patients sont très bien informés et pour lesquelles des associations de malades pourraient être concernées : sclérose en plaques, hépatite C, asthme, maladie de Crohn, cancers…
« Un des risques potentiels serait lié à l’extension de cette pratique à tous les patients quel que soit le produit, soit des millions de personnes. Cela entraînerait un volume de remontées qui pour la plupart ne seraient pas pertinentes car déjà bien connues », prévient Frédéric Bassi.
Tous sont unanimes quant à leur curiosité de connaître les résultats. « Si cette expérience nous montre que ce système enrichira considérablement les informations sur les effets indésirables, nous pourrons alors l’étendre à d’autres pathologies », indique François Meyer. Mais cette décision ne sera pas prise avant 2003.
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