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Délivrances sous haute surveillance

Publié le 5 juin 2010
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Médicaments dont l’utilisation se banalise, toxicité élevée de certaines nouvelles molécules, population cible de plus en plus âgée et de plus en plus nombreuse sont autant de facteurs propices à la survenue de problèmes de pharmacovigilance. Outre les mesures prises par les autorités de santé pour minimiser les risques, qui mieux que les pharmaciens peut contribuer à un meilleur usage des médicaments et limiter les accidents ?

Tous les médicaments étant, par définition, à risque, difficile d’établir une « liste noire » répertoriant ceux qui posent le plus de problèmes de pharmacovigilance. Cependant, certaines molécules ou classes émergent du lot du fait de la potentielle gravité de leurs effets indésirables, déjà connus et qui ressortent de manière récurrente (les antivitamines K par exemple) ou, comme l’indique Céline Villiers, du centre régional de pharmacovigilance de Grenoble, « en raison des signaux relevés actuellement par le système de pharmacovigilance et qui s’appliquent à des médicaments anciens ou récents, y compris les génériques ».

Les signalements concernent des médicaments, parfois très anciens, dont l’usage se banalise, avec pour conséquence une baisse de vigilance de la part des médecins et des patients. Au centre régional de pharmacovigilance de Bordeaux, « la colchicine engendre des inquiétudes en raison des risques liés au surdosage. De même, l’isotrétinoïne pose des problèmes d’utilisation, lesquels ne se sont pas améliorés au cours des années, bien au contraire, et on observe toujours un taux important de grossesse, en dépit des informations délivrées », signale le Dr Françoise Haramburu, pharmacologue. De plus, la part des malades âgés et polymédiqués augmentant, le risque d’apparition d’effets indésirables avec des médicaments comme la colchicine ou les diurétiques croît, avec des conséquences potentiellement graves pour cette catégorie de population (hospitalisation, décès). « En raison d’une large prescription et d’une fréquente association, la metformine est également mise en avant dans notre centre pour son risque d’acidose lactique, un accident potentiellement grave », rapporte Françoise Haramburu.

Alertes, mises en garde et informations inefficaces

D’autres types de produits sont concernés, tels ceux pour lesquels les cas d’accidents graves continuent d’être rapportés malgré les mises en garde, les actions d’information et le rappel des recommandations au cours des années passées de la part des autorités sanitaires et des laboratoires. C’est le cas de Lamictal, « pour lequel les problèmes cutanés ont été très tôt mis en évidence et qui a fait l’objet d’une enquête de pharmacovigilance démontrant les risques liés à l’administration d’emblée de la dose efficace », indique le Dr Elisabeth Polard, qui exerce au centre régional de pharmacovigilance de Rennes. De la même manière, le bufexamac ou le kétoprofène gel, en dépit des mesures prises pour minimiser les risques, sont toujours associés à un nombre important d’effets cutanés.

Par ailleurs, les nouvelles molécules issues des biothérapies sont particulièrement suivies du fait de la gravité de leurs effets indésirables, sur une population généralement limitée. Le natalizumab (Tysabri, à l’hôpital) a fait ainsi l’objet de récents signalements : 31 cas de leucoencéphalopathie multifocale progressive recensés à fin janvier 2010 parmi 66 000 patients atteints de sclérose en plaques. « L’utilisation des anti-TNF nous préoccupe également en raison des risques d’infections sévères et de tumeurs malignes », souligne Céline Villiers. Plus précisément, ce sont des études épidémiologiques qui ont fait émerger ces problèmes.

Le pharmacien demeure la principale vigie

Comme le fait observer Elisabeth Polard, « un signal en pharmacovigilance permet une remise en perspective des problèmes, qui retentit sur le bon usage et la prise en charge au travers des recommandations qui sont ensuite formulées ». « Par son rôle d’information, de conseil et d’éducation sur le bon usage des traitements, le pharmacien peut contribuer à éviter ou minimiser les problèmes, il a toute sa place dans la chaîne », poursuit Françoise Haramburu.

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Mieux encore : le pharmacien joue un rôle en amont dans la prévention du risque. Par exemple, la demande d’un médicament comme Alli, déjà particulièrement surveillé dans les centres régionaux de pharmacovigilance, doit retenir l’attention « pour dépister les terrains à risque, les contre-indications, rappeler les conseils de bon usage », conclut Françoise Haramburu. Pour ce type de médicament en vente libre, mais dont la délivrance doit être encadrée, il est le seul à pouvoir le faire au travers d’un interrogatoire minutieux de toute personne en demande de traitement.

Sondage directmedica

Sondage réalisé par téléphone entre les 6 et 7 mai 2010 sur un échantillon représentatif de 100 pharmaciens titulaires, en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

Avez-vous déjà contacté le service de pharmacovigilance et d’information médicale d’un laboratoire ?

Avez-vous déjà contacté un centre régional de pharmacovigilance ?

L’un de vos patients a-t-il déjà été hospitalisé à cause d’un problème médicamenteux ?

Avez-vous déjà effectué une déclaration de pharmacovigilance ?

Sinon, quelle en est la raison principale ?

Avez-vous déjà rencontré un problème de pharmacovigilance avec les génériques ?