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L’EUROPE DANS LA SPIRALE DES PRIX
Avec la mesure « tiers payant contre générique », les médicaments génériques font l’objet en France d’une campagne sans précédent à l’échelle européenne. Une dynamique qui risque d’être compromise par la pression sur les prix prévue dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 et ses quelque 605 millions d’euros d’économies sur les génériques. En Europe, il y a autant de modèles de prix que de systèmes de santé. Et certains sont aussi vertueux que d’autres peuvent être instables.
Partout en Europe, le générique est devenu la principale variable d’ajustement des dépenses de médicaments. Du Nord au Sud, les politiques de santé mènent des batailles pour en étendre l’usage. Parallèlement, dans un contexte de maîtrise des coûts, elles actionnent le levier « prix » en exerçant de fortes pressions. Rares sont cependant les pays où la décote générique/princeps est aussi forte qu’en France : 60 % contre 30 % en Italie par exemple. La baisse chronique des prix ne touche pas que la France. Les deux pays « matures » que sont la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont eux aussi mis en place leur propre mécanisme de réduction des prix. Les pays du Sud, où le générique est moins bien établi, n’en ont pas moins revu leurs tarifs, crise économique oblige : – 30 % en avril 2010 en Espagne, – 35 % au Portugal la même année(1).
La France reste compétitive
Dans aucun autre pays européen, le générique n’a aussi mauvaise presse que dans l’Hexagone. Quand les prescripteurs, patients et autorités médicales ne mettent pas en doute sa qualité, ce sont les organismes payeurs qui mettent en cause son prix trop élevé. En 2012, une étude de l’Assurance maladie plaçait la France en tête des pays européens, juste devant l’Italie, avec un prix moyen de l’unité standard à 0,15 centime lorsqu’il n’atteignait que 0,12 en Allemagne et même 0,07 en Grande-Bretagne et aux Pays-bas. La CNAMTS soulignait que ces écarts de prix concernaient tout particulièrement trois classes thérapeutiques : les statines, les inhibiteurs de la pompe à protons et les antihypertenseurs. En mars dernier, le CEPS (Comité économique des produits de santé ) en remettait une couche en étayant les baisses de prix qu’il préconise sur les performances des taux de substitution mais aussi sur une comparaison avec les prix européens. Une étude récente d’IMS Health(2) vient pourtant de tordre le cou à ces croyances. Cette étude parue en juin et portant sur 128 des 289 molécules du Répertoire établit qu’il n’existe pas de différence de prix significative entre le marché français et son homologue britannique. Un patient allemand doit dépenser près de deux fois plus (48,8 %) pour acheter la même molécule. L’Italie et l’Espagne restent les deux pays européens où le générique est plus concurrentiel que dans notre pays (- 9,1 % en prix usine en Espagne, – 5,3 % en prix public).
Objectifs de prescription ou prix administrés
Dans la classe des « leviers sanction », le plus courant est celui de la « responsabilisation » du patient qui sera pénalisé en cas de non-substitution, par le déremboursement total ou partiel de la spécialité princeps. C’est le cas de la France avec le principe du TFR et de l’Allemagne, dans une moindre mesure. Certains pays comme la Grande-Bretagne préfèrent agir en amont sur le prescripteur formé très tôt à l’usage des molécules et décorréler totalement le recours au générique de la notion de prix. D’autres – ils sont une vingtaine en Europe – font usage d’un système de prix références ou de prix administrés qui privilégient les génériques(3). En France, où les médecins ne prescrivent que dans 40 % des cas dans le Répertoire, la solution d’une budgétisation individuelle revient régulièrement sur le devant de la scène. Elle forcerait les médecins à prescrire des génériques pour se maintenir dans un périmètre donné. « C’est un axe sur lequel nous travaillons, nous sommes en train de réfléchir à la question. Cela peut également passer par des objectifs de prescription qui établiraient que le taux des prescriptions dans le Répertoire passe progressivement de 40 à 50 puis à 60 % (en volume). Une autre solution pour agir sur le prescripteur serait d’étendre les classes thérapeutiques sur lesquelles porte la ROSP [rémunération sur objectifs de santé publique NdlR], limitées à cinq actuellement [antibiotiques, inhibiteurs de la pompe à protons, hypocholestérolémiants de type statines, antihypertenseurs et antidépresseurs, NdlR] », relève Catherine Bourrienne -Bautista, déléguée générale du Gemme, l’association des professionnels du médicament générique.
A noter que l’approche de la France, qui oblige les médecins à prescrire en DCI dès janvier 2015, n’intègre pas la notion de classe thérapeutique et s’apparente davantage au modèle britannique. En effet, les Anglais substituent au sein d’une même DCI alors que les Allemands substituent au sein d’une même classe thérapeutique. Enfin, d’autres modèles agissent par modes de convention entre fabricants et organismes payeurs portant sur une négociation sur les prix, comme aux Pays-Bas, par exemple. L’Allemagne a même poussé plus loin en autorisant les caisses d’assurance maladie à lancer des appels d’offres directs.
« Le juste prix du générique sera celui qui permettra aux usines européennes et françaises (près de 60 sites) de rester dans la compétition internationale tout en maintenant un modèle de laboratoires qui assurent, à travers des équipes de pharmaciens et de médecins, la sécurité sanitaire de leurs produits », définit Catherine Bourrienne-Bautista. Et elle tient à prévenir : « La France ne dispose plus de marge sur le prix du générique, déjà inférieur de 60 % au prix du princeps. Elle est parmi les pays dans lesquels le prix du médicament est administré, celui où la décote initiale par rapport au prix de la spécialité de référence est la plus importante. »
L’exemple allemand conduisant à terme à un dumping (en vendant à un prix inférieur au prix du marché ou au prix de revient) sur les prix lui donne raison. Représentant une menace pour la pérennité des structures industrielles en Europe, il peut également fragiliser l’accès aux soins. Un risque confirmé par Steven Simoens, professeur au Centre de recherches en soins pharmaceutiques et pharmacoéconomiques à l’Institut universitaire catholique de Louvain en Belgique : « Depuis 2006, les pays dont le marché est mature ont développé substantiellement les volumes de médicaments génériques mais à des prix très peu élevés, compromettant ainsi la fourniture durable des spécialités génériques. » Une image low-cost dont les génériques n’ont pas vraiment besoin aujourd’hui en France.
(1) Mark Pearson, AISS, juin 2012.
(2) Analyse des prix des génériques en Europe, Gemme, juin 2013.
(3) Dr Sabine Vogler, « Pharmazeutische Medizin », février 2012.
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