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Le rayon fait le dos rond

Publié le 1 décembre 2023
Par Carole De Landtsheer
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Les ceintures lombaires souffrent d’une mauvaise image et les chiffres du marché s’en ressentent. Une plus grande visibilité donnée à ces produits, associée au conseil du pharmacien, pourraient leur apporter un nouveau souffle.

Segment clé du secteur orthopédie, les ceintures lombaires répondent au mal du siècle : le mal de dos. Poids lourd de la pharmacie avec un chiffre d’affaires évalué à 69,8 millions d’euros*, il affiche, toutefois, une légère involution depuis plusieurs années : – 1,5 % en valeur*. Celle-ci est symptomatique du sort annexe que lui réservent les instances de santé – la Haute autorité de santé (HAS), l’Assurance maladie – qui, de leur côté, prônent l’activité physique pour se remettre d’une lombalgie. Le message du spot TV de l’Assurance maladie est très clair : « Mal de dos ? Le bon traitement, c’est le mouvement ». Or, cette orientation thérapeutique pourrait laisser entendre que le port d’une ceinture lombaire serait contre-productif puisqu’il affaiblirait les muscles du dos. Une erreur d’interprétation, estime Samir Saad, responsable marketing au sein des laboratoires Lohmann & Rauscher, en charge de la marque Velpeau : « les ceintures lombaires permettent de bouger tout en évitant les mouvements délétères ». Mais, le fait est qu’elles sont aujourd’hui moins prescrites. « Les nouvelles générations de praticiens prescrivent plutôt des séances de kinésithérapie pour remuscler le dos, associées à des traitements médicamenteux », indique Claire Vandroy, directrice marketing opérationnel France au sein du laboratoire Thuasne.

Gagner en visibilité

Cet état de fait est défavorable au marché, « en dépit d’une étude clinique du groupe Thuasne (Spine), qui démontre, depuis 2009, que le port d’une ceinture lombaire permet de diminuer significativement les douleurs et accélère la récupération », argumente Claire Vandroy. Pour elle, « il est donc nécessaire que ces produits bénéficient d’une plus grande visibilité en pharmacie, car leur existence reste assez méconnue ». Ainsi, en juin dernier, Thuasne a mené en officine une campagne de communication portée par le slogan « Attachez vos ceintures, ça va bouger ». Le dispositif incluait des vitrophanies, panneaux et cubes pour les vitrines, ainsi qu’un balisage cross-merchandising en rayons pour développer les ventes sur des produits connexes, tels que les compléments alimentaires pour les articulations. Autre exemple : le corner retail spécialisé en orthopédie Orthoshop de Cizeta Medicali. A fortiori, le conseil du pharmacien peut également contribuer à faire bouger les lignes. Et les laboratoires s’emploient à le rendre plus pertinent. À l’image du groupe Enovis qui a créé en 2022 pour sa marque Donjoy le site djoselect. fr afin d’aider les professionnels de santé à sélectionner le produit le mieux adapté aux pathologies du patient.

Une baisse des prix

Les ceintures remboursées par l’Assurance maladie représentent 99,8 % de parts de marché* en valeur. « Avec l’inflation et la crise économique qui en découle, les patients sont moins enclins à prendre en charge un dépassement et nous assistons à une montée en puissance des ceintures sur la liste des produits et prestations (LPP) », constate Claire Vandroy. Les produits « entrée de gamme », remboursés intégralement, figurent parmi les meilleures ventes du secteur à l’instar de la ceinture LombaStart (9,3 % de parts de marché en valeur*) de Thuasne, laboratoire leader et historique du secteur (39,5 % de parts de marché en valeur*). Belle performance également pour la ceinture Porostrap sous la marque Donjoy (9,2 % de parts de marché en valeur*). Quant à la société Cizeta Medicali, elle enregistre la plus forte croissance du secteur (+ 11,9 % en valeur*). Plus largement, les fabricants, pour répondre aux contraintes budgétaires des consommateurs, ont revu leur stratégie commerciale et ont été contraints de baisser leur prix à l’image du laboratoire Gibaud, à l’occasion de la relance de sa gamme de ceintures : « cette baisse de prix, de l’ordre de 2 à 3 %, assure une meilleure marge pour le pharmacien et un plus faible reste à charge pour le patient », indique Emmanuel Perrenx, ancien chef de gamme chez Gibaud (groupe Innothera).

Une offre produits dynamique

En dépit de l’involution mentionnée plus haut, le secteur démontre une réelle énergie eu égard au nombre de lancements récents. À commencer par la nouvelle gamme de ceintures Sigvaris, qui a investi le marché français de l’orthopédie en 2022. Signe que les ceintures lombaires restent une catégorie de produits-clés en pharmacie, mais qu’elles doivent aussi savoir se renouveler. « En cinq ans d’existence sur le marché suisse, notre gamme courte composée de trois ceintures Mobilis (LumboIntense, LumboSupport et LumboSupport Evo), positionnée sur l’efficacité, est devenue numéro 2 du segment », affirme Pierre-Nicolas Vives, chef de produits chez Sigvaris. Parmi les autres lancements, citons chez Gibaud, les ceintures Lombogib ProgressiV, tout-terrain, à double serrage amovible et réglable en hauteur pour s’adapter à toutes les morphologies. Ou encore la ceinture lombaire en coton bio Salva du laboratoire Cooper, discrète et à effet seconde peau, qui joue la carte de l’écoresponsabilité. Quant au laboratoire SM Europe, il a opté pour la couleur avec sa récente gamme Orliman Mouv’N Fit, déclinée dans des tons pop (bleu, orange ou vert). « En France, le design des produits a une grande importance », souligne Samir Saad. Annoncée pour 2024 : une nouvelle gamme en over the counter (OTC) signée Velpeau, tournée vers l’achat d’impulsion.

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Vers une refonte globale des gammes

Nombre de gammes font l’objet d’un remaniement. Objectif visé : optimiser les produits (maintien, confort, esthétique) et clarifier l’off re avec des articles parfaitement identifiés et ciblés. Ainsi, la ceinture Dorsamix Classic, meilleure vente de la gamme Velpeau, va être relancée en avril 2024 : sans coutures sur les bords pour un plus grand confort et dotée d’un passemain plus maniable. Une sixième taille (135-155), pour les personnes en surpoids, s’ajoute aux tailles existantes, pour la Dorsamix 26 cm. De son côté, la société Cizeta Medicali France remplace le modèle SL 350, qui se distingue par sa légèreté, par la SL Activity, à la fois plus légère et plus respirante. Et chez Gibaud, la refonte de la gamme, vieillissante, va se poursuivre : « Nous voulons repositionner chacune de nos ceintures face à des cas patients bien précis », précise Emmanuel Perrenx. En 2024, de nouveaux modèles remplaceront les ceintures Lombogib Evolution, Double Action et Maternity. Par exemple, la ceinture Lombogib Evolution, qui s’adresse aux personnes fragiles qui manquent de force (seniors, patients arthrosiques…), verra son système de fermeture amélioré.

Les femmes, une nouvelle cible prometteuse

La ceinture unisexe : une hérésie ? C’est ce que semble penser une poignée d’acteurs qui a lancé un modèle spécial femmes pour s’adapter à la morphologie féminine : une off re récente et constitutive d’une nouvelle segmentation de marché. « Retravaillée il y a trois ans, notre ceinture SL Lady fait partie de nos meilleures ventes, derrière la SL 500, dotée d’une sangle amovible. Sa découpe anatomique incurvée, qui épouse la taille, améliore l’efficacité de la compression et libère les côtes flottantes, évitant toutes gênes en position assise. La doublure en lycra fleuri, qui se rapproche de la dentelle, une matière fine et respirante, a été choisie pour favoriser l’acceptation du produit », explique Jérôme Dewaghe, responsable médical et market access au sein des laboratoires Cizeta Medicali. De son côté, la société Enovis, autre acteur incontournable du secteur, a lancé, en 2022, la ceinture Donjoy LadyStrap, « légère et esthétique, avec son tissu en dentelle, pour apporter une touche de féminité. Elle possède un design spécifique permettant de prendre en charge les douleurs dont l’origine est une hyperlordose lombaire, caractéristique des femmes présentant une cambrure prononcée », résume Sandra Paquignon, responsable marketing orthopédique au sein de cette entreprise. Autre exemple : le lancement, en mai 2023, du modèle Lombogib Finesse (Gibaud), à simple serrage pour un port à même la peau, destiné à un public féminin. De toute évidence, le marché des ceintures lombaires se segmente et, plus largement, clarifie son off re. L’innovation parviendratelle à le relancer ? À suivre…

*Source : Gers data, en cumul annuel mobile à juillet 2023.

– 1,4 %

12,4 M d’unités vendues

Cette baisse relative n’entrave pas le dynamisme du marché des ceintures lombaires, impulsé par de nombreuses nouveautés et des relancements de gammes.

– 1,5 %

69,8 M€

Le secteur affiche une légère involution, symptomatique du sort secondaire que les instances de santé réservent aux ceintures lombaires.

*Source : Gers data, en cumul annuel mobile à juillet 2023.

Les ceintures de maternité, une future poche de croissance

Proposées par l’ensemble des acteurs, les ceintures de maternité constituent un segment de niche en officine : pas plus de 5 % en volume, selon les estimations de nos interlocuteurs. « Seulement 10 % des femmes enceintes s’équipent d’une ceinture lombaire », constate Samir Saad, responsable marketing au sein des laboratoires Lohmann & Rauscher. « C’est un produit encore peu connu, généralement prescrit par les sages-femmes et également distribué dans les magasins de puériculture », ajoute Claire Vandroy, directrice marketing opérationnel France au sein du laboratoire Thuasne. Mais cette offre pourrait constituer une poche de croissance, à deux chiffres, dans un futur proche, estime Emmanuel Perrenx, ex-chef de gamme chez Gibaud (groupe Innothera). « Les entretiens femmes enceintes permettent déjà aux pharmaciens d’évoquer les risques liés à la prise de médicaments et de proposer des solutions alternatives. De plus, comme les femmes enceintes ont pris l’habitude de mieux prendre soin d’elles tout en essayant d’éviter les douleurs liées à la grossesse, lorsqu’elles prennent conscience qu’un dispositif médical peut les aider à mieux supporter leur état, elles sont capables d’aller acheter le produit sans qu’on le leur ait prescrit ». Ainsi, la ceinture de maintien du bassin Physiomat Confort, non remboursable, a fait le buzz et ses ventes ont explosé. Soulignons également la performance de la ceinture Lombamum, chez Thuasne, à la deuxième place du Top 5 produit*.

Spécial femme. L’arrivée récente des ceintures lombaires réservées aux femmes a permis l’émergence d’une nouvelle segmentation de marché.