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C’est légitime… s’il vous plaît !

Publié le 23 mai 2019
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Réclamer son dû. Demander ce à quoi on a droit semble parfois insurmontable. Pour franchir les obstacles, préparez vos arguments, choisissez le moment, soignez votre attitude et votre état d’esprit.

Le « dû », quèsaco ?

C’est objectif

Un dû est défini par « ce qu’on doit à quelqu’un, ce dont quelqu’un est tenu de s’acquitter, ce qu’une personne est en droit de réclamer ».

→ C’est légitime. Dans le domaine du travail, c’est ce qu’un salarié peut réclamer à son employeur dans le cadre d’obligations régies par le Code du travail et la Convention collective de la pharmacie d’officine.

→ Ce n’est pas subjectif. Ce n’est ni un souhait, ni un arrangement. Il diffère de toutes les situations non supportées par un cadre légal. Partir plus tôt n’est pas un dû…

De nombreux cas

Voilà quelques exemples de situations où réclamer son dû s’impose : un ou plusieurs jours de congé oubliés sur la dernière fiche de paie, une prime d’ancienneté qui semble avoir disparu cette année, la prime de blouse non versée, un coefficient qui ne correspond pas à vos années de pratique…

Oubli involontaire ou pas

L’employeur est tenu d’appliquer les dispositions de la convention collective. En général, il le fait pour le bon fonctionnement de son entreprise, mais parfois, le dispositif s’enraye. En cause ? Un « oubli », une méconnaissance des textes et de la législation, une négligence… Peu importe la cause, vous devez agir au risque de vous sentir frustré ou de ruminer, ce qui n’est pas souhaitable.

J’ai peur de réclamer

Un adulte est parfois bloqué à l’idée de demander quelque chose. Il juge cette démarche difficile, gênante, parfois effrayante, au point de préférer renoncer.

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→ Le rejet. La peur de réclamer sous-tend la peur du rejet de soi, de passer de l’image d’une salariée qui ne fait pas de vague à une revendicatrice, procédurière.

→ Le manque d’estime de soi. Ce concept psychologique renvoie au jugement global positif ou négatif qu’une personne a d’el le-même. L’estime de soi se construit durant l’enfance et évolue avec les expériences de réussite et d’échec, le regard des autres, l’éducation et la faculté d’adaptation à notre environnement. Une bonne estime de soi n’est ni trop haute, ni trop basse ou trop fluctuante. Ne laissez pas ces pensées perturber votre démarche : « Je ne devrais pas avoir à demander, c’est un dû, il doit savoir », « Je ne vais pas m’abaisser à demander quelque chose de légitime », « Que vont penser mes collègues si je demande ça ? » ou à l’inverse « Si je ne demande pas, ils vont penser que je ne m’affirme pas… ».

→ Un manque de confiance en soi. Conditionnée par l’estime de soi, la confiance en soi est l’auto-évaluation de nos ressources pour affronter une situation particulière : « Vais-je être capable de formuler ma demande ? » Pour en arriver à cette évaluation, il est nécessaire de faire l’expérience de notre capacité qui vient avec l’entraînement. Le sentiment de sécurité vient avec l’expérience.

Je dois oser

Être bien à son poste, se sentir à la fois sûr de soi et légitime se construit un peu chaque jour par une attitude professionnelle et en conservant les justificatifs qui permettront, le cas échéant, de disposer des arguments pour mettre le dialogue au centre de la demande.

La terre ne va pas s’écrouler

Que peut-il arriver si vous demandez et que votre titulaire refuse ? Est-ce la fin du monde ? Ressaisissez-vous, il y a de fortes chances que ce soit un oubli, et qu’il vous en soit reconnaissant s’il est honnête.

Évaluer ses ressources

Rester avec l’idée d’une situation injuste peut être délétère. Cet état risque de conduire à un sentiment de frustration sur le plan personnel avec perte accrue de confiance, et professionnel avec le sentiment de ne pas être reconnu, la démotivation, un décalage par rapport aux autres salariés… Donc, il faut oser !

S’affirmer

Il n’y a pas de recette miracle, mais une mise en confiance bien construite.

→ Quels sont mes atouts ? Un dû est avant tout légitime, du style « Moi aussi je le vaux bien ! » Oser demander est une démarche personnelle qui ne doit pas dépendre du jugement des autres.

→ Ai-je déjà vécu cette situation ? Si vos précédentes demandes ont toujours été bien accueillies, vous avez donc une manière de présenter les choses qui semble être bien acceptée.

Bien se préparer

→ Détendez-vous ! Inutile de vous creuser les méninges en vue de construire un argumentaire impeccable. Un dû est légal et reste peu discutable.

→ Vérifier la légitimité de votre demande est indispensable, afin de ne pas créer un conflit à partir de la méconnaissance de votre propre situation professionnelle. Relisez votre contrat de travail, le règlement intérieur de l’entreprise…

→ Votre requête peut aussi s’inscrire dans une démarche collective, si un oubli de prime ou d’heures de récupération a également concerné plusieurs de vos collègues. La démarche, dans ce cas, revêt alors un aspect collectif qui peut faciliter votre demande.

Trouver les textes de référence

Consultez le Code du travail via https://travail-emploi.gouv.fr ; la Convention collective sur www.legifrance.gouv.fr, Porphyre et www.lemoniteurdespharmacies.fr, ainsi que La Convention collective commentée d’Anne-Charlotte Navarro, éditions Le Moniteur des pharmacies.

Garder des traces

Afin de simplifier votre exposé et d’être le plus factuel possible, pensez par exemple à noter toutes vos heures supplémentaires, à garder vos justificatifs de trajets…

C’est décidé, je me lance

Identifier son interlocuteur

Celui-ci est le plus souvent le titulaire, voire un responsable des plannings, un chef d’équipe. C’est avec l’une de ces personnes que vous entamerez le dialogue.

Choisir le moment propice

Les heures d’affluence, la réception d’une énorme commande, l’issue d’une entrevue avec l’un de vos collègues… ne sont pas des moments opportuns !

Formaliser la demande

Le plus simple est une demande formulée à l’oral pour un entretien oral.

L’entretien se déroulera dans un lieu de la pharmacie, de manière formelle, de façon à conserver à chacun un espace neutre et à préserver la confidentialité.

L’heure de l’entretien sonne

→ Accordez le bénéfice du doute ! Il est toujours préférable de partir du principe qu’il s’agit d’une erreur ou d’un oubli. Tout le monde peut se tromper. Le plus souvent, le simple fait d’évoquer la demande peut désamorcer la situation. « En effet, votre décompte de jours de congé me semble faux, il peut y avoir une erreur du comptable, je vais le contacter dès demain. »

→ Abordez l’entrevue sans stress. Inutile de débarquer dans le bureau de votre supérieur les lèvres pincées et le regard crispé. Conservez votre sang-froid. Plus la demande est professionnelle, factuelle, mieux elle sera prise en compte. Parlez calmement, poliment, avec le sourire.

Je soigne la formulation

→ Ne vous excusez pas de demander ce qui est légitime ! Cependant, il peut être intéressant de préparer certaines phrases, car la forme est importante. « Vous me devez… » est à bannir. Évitez : « Puis-je récupérer mes heures supplémentaires ? », mais préférez : « Je note que je n’ai pas encore récupéré mes heures supplémentaires de telle date. À quel moment pourrai-je le faire ? ». Autres exemples : « Au fait, il semble qu’il y a eu une erreur sur le calcul de mes congés payés » ou « Tiens, je n’ai pas le droit à la prime de blouse cette année ? », ou encore « J’ai noté mes heures supplémentaires comme d’habitude sur le registre et je ne les vois pas sur ma paye de ce mois-ci… »

→ Demandez sans agressivité, en amenant votre interlocuteur à se rendre compte que vous avez été lésé sur le point discuté.

→ Diplomatie toute ! Utilisez des détours comme « Sauf erreur de ma part », « Le comptable a peut-être fait une erreur »

C’est « NON »

Si vous avez exposé vos droits calmement et de manière factuelle, votre employeur ne peut légitimement pas refuser ! Il le sait et en général, le bon fonctionnement de son entreprise reste son objectif. Il peut arriver malheureusement que celui-ci ne maîtrise pas certains droits du salarié.

→ Soyez plus ferme mais restez pro… Demandez un nouvel entretien pour rappeler vos droits si le refus est maintenu. Ces situations restent rares dans des contextes légitimes.

→ Donnez à votre demande un aspect plus formel si le refus persiste, avec envoi de courrier. Ce n’est pas souhaitable car cela compliquera les relations de travail durant la période intermédiaire, entre le refus et la tenue de la nouvelle entrevue.

Avec l’aimable collaboration d’Agnès Rettel, psychothérapeute

Avis de spé

Agnès Rettel Psychothérapeute, coach et formatrice en communication

• Observez et écoutez dans votre équipe ou, dans votre entourage, ceux qui osent demander et qui y arrivent !

Soyez attentif à leur ton, leurs arguments s’ils demandent devant vous, etc. et essayez de vous approprier leur manière de faire.

• Entraînez-vous à développer votre capacité à demander.

Au début, commencez à demander à votre titulaire de petites choses comme « Puis-je échanger mon samedi avec mon collègue ? il est d’accord… » ou « Mardi prochain j’ai un rendez-vous chez le médecin pour mon fils, puis-je partir un quart d’heure avant ? »… Toutes ces petites demandes vont vous apporter de l’entraînement et donc de la confiance, de l’expérience… Petit à petit, vos demandes vont pouvoir prendre de l’importance. Vous allez vous affirmer en osant demander, en osant même parfois dire non !