« Fait maison » : éviter l’erreur qui fait tache d’huile

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« Fait maison » : éviter l’erreur qui fait tache d’huile

Publié le 2 novembre 2024 | modifié le 20 janvier 2025
Par Didier Pesoni
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Depuis près de 20 ans, les préparations maison, dites « do it yourself » ou DIY, à base d’huiles essentielles connaissent un essor important. Mais attention ! Leur réalisation et l’utilisation de ces mélanges complexes nécessitent des connaissances techniques.

Les ventes en ligne, les magasins spécialisés et les livres sur l’aromathérapie se multiplient de manière exponentielle. Crème de beauté, gel douche, shampooing, démaquillant…, les recettes circulent partout sur les réseaux sociaux. Mais lorsque l’on parle de préparations maison à base d’huiles essentielles (HE), il faut tout d’abord distinguer s’il s’agit de cosmétiques ou de médicaments. Les cosmétiques ont pour but de « nettoyer, parfumer, modifier l’aspect, protéger, maintenir en bon état ou corriger les odeurs corporelles des parties superficielles du corps humain » (article 2 du règlement cosmétique et article L. 5131-1 du Code de la santé publique). Un cosmétique ne peut donc pas être présenté́ comme ayant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines. Le produit relèverait, dans ce cas, de la définition du médicament. La concentration en HE et les propriétés recherchées vont ainsi déterminer le statut du produit préparé. On peut d’ailleurs s’interroger sur la présence, au sein de nombreux sites internet consacrés à la cosmétique, de recettes avec des allégations de santé (grippe, arthrose, herpès, etc.) et sur leur légalité. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) intervient régulièrement pour éviter les abus de ce genre.

Le choix des produits

La première chose à faire est de contrôler le choix des HE : leurs propriétés sont-elles cohérentes avec la préparation envisagée ? L’équipe officinale a ici un rôle important à jouer. Mieux vaut n’utiliser que des HE courantes, dont la toxicité et les vertus sont bien connues. Celles qui figurent dans les pharmacopées française et européenne et qui sont aussi normées par l’Association française de normalisation (Afnor) bénéficient d’une sécurité d’utilisation suffisante. Ce sont généralement les HE distribuées en officine.

Les HE photosensibilisantes ne doivent pas être non plus utilisées pour les préparations « do it yourself » (DIY). Certaines HE contiennent des molécules de la famille des furocoumarines qui réagissent fortement avec les rayons du soleil (bergaptène, citroptène, psoralène, etc.). Leur application topique peut déclencher de fortes réactions cutanées en cas d’exposition solaire. Il s’agit majoritairement des essences d’agrumes, en particulier la bergamote et le citron, mais aussi des HE de la famille des angéliques, issues des canneliers et des matricaires. L’huile végétale de millepertuis peut également être photosensibilisante, bien que ce sujet ne fasse pas consensus à ce jour.

Autres HE à écarter, celles qui sont dermocaustiques, extraites par exemple de l’origan, de la cannelle écorce, de la sarriette vivace, du clou de girofle, du thym à thymol. Elles possèdent de grandes propriétés anti-infectieuses mais la voie topique, si elle peut s’envisager dans certains cas, n’est pas recommandée pour le grand public car elles sont riches en molécules de la famille des phénols qui sont fortement irritantes cutanées.

D’une manière plus générale, l’utilisation d’HE par voie cutanée est déconseillée chez les personnes à risque (asthmatiques, épileptiques) et contre-indiquée en cas de grossesse ou d’allaitement, ainsi que chez les nourrissons de moins de 30 mois. « La sécurité́ d’emploi pendant la grossesse et l’allaitement n’a pas été établie pour les mélanges d’HE destinés à une application cutanée. En l’absence de données suffisantes, ils ne doivent pas être utilisés chez la femme enceinte, chez la femme allaitante, dans la population pédiatrique », indique l’ANSM.

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Certaines molécules présentes dans les flacons peuvent être sensibilisantes pour des patients allergiques (citral, géraniol, limonène, etc.). La liste des allergènes soumis à l’étiquetage compte, depuis 2023, 80 molécules au lieu de 26, selon le règlement (UE) n° 2023/1545 du 26 juillet 2023. La mention de ces molécules sur les étiquettes est obligatoire afin de permettre le contrôle et d’éviter l’usage chez les patients allergiques. Toutefois, elle n’est requise que pour les flacons d’HE avec un statut cosmétique (Cosmétique » ou « Ingrédient cosmétique » indiqué sur le boîtage).

Un test de tolérance cutanée peut être effectué par les patients « réactifs » ou sensibles, en particulier ceux souffrant d’eczéma ou d’allergies diverses : appliquer une petite quantité du mélange sur une partie du corps où la peau est saine (épaule, par exemple), une fois par jour durant une semaine. En l’absence de réaction, de rougeur, d’éruption ou de démangeaison, on peut considérer que la tolérance est bonne et appliquer le mélange d’HE.

Contrôler le dosage

La concentration en HE varie selon l’objectif et l’usage. Dans les produits cosmétiques, elle est d’environ 1 à 2 % alors qu’en thérapeutique elle peut aller de 5 à 50 %. Les doses préconisées pour les adultes seront supérieures à celles employées pour les enfants. Plus la zone à traiter est étendue, moins le pourcentage d’huile doit être élevé. Enfin, la concentration en HE du mélange est plus élevée dans les produits rincés, tels que le savon et le shampoing (environ 1 à 5 %), que dans ceux conservés sur la peau.

La sécurité de ces préparations DIY est plus complexe qu’il n’y paraît. Le conseil de professionnels est la clé pour garantir la sécurité du patient : choix des HE adaptées, doses, zones d’applications, précautions d’emploi et contre-indications, mais aussi la réalisation du mélange. Si cette vague du DIY a un peu échappé à la pharmacie à ses débuts, le circuit officinal à l’opportunité de se repositionner dans ce ce domaine. Car à la suite de la publication au Formulaire national, en janvier 2023, de monographies concernant les mélanges d’HE, les préparations officinales et hospitalières à partir de ces substances sont relancées. Les trois monographies générales permettent la préparation de mélanges d’HE destinés à une application cutanée, à la voie orale et à l’inhalation en tant que préparations officinales et hospitalières. Certaines contraintes sont naturellement à respecter : bonnes pratiques de fabrication, certificat de conformité des HE, etc. Mais il y a là de quoi écrire un nouveau chapitre de l’aromathérapie en pharmacie.

– proposer des matières premières de bonne qualité ;

Cas particulier des enfants

Pour les enfants de 3 à 6 ans, la concentration doit être contrôlée dans les mélanges pour le camphre, l’eucalyptol (ou 1,8-cinéole) et le menthol. Les concentrations maximales dans les préparations sont, d’après une recommandation Afssaps/ANSM de 2008 :

– Camphre : 0,15 %,

– Eucalyptol : 1,12 %,

– Menthol : 4,5 %,

– Somme de ces substances inférieure ou égale à 4,5 %.

À retenir

Le rôle des équipes officinales en aromathérapie est de :

– proposer des matières premières de bonne qualité ;

– conseiller les patients ;

– vérifier et sécuriser l’usage des huiles essentielles.