Voyage au coeur des cellules

Aujourd’hui, plus de 50 % des malades atteints d’un cancer guérissent. C’est considérable, mais pas suffisant car les cas ne cessent d’augmenter (+ 63 % au cours des vingt dernières années). A tel point qu’un Français sur deux sera personnellement touché au cours de sa vie. C’est sur ce chiffre très marquant pour les esprits que l’Institut Curie, mondialement connu pour sa recherche dans le domaine de la cancérologie, vient de bâtir une campagne de mobilisation mais aussi d’appel aux dons (http://www.curie.fr/campagne2007).

Les besoins augmentent et les moyens doivent également augmenter pour atteindre trois objectifs phares : identifier de nouveaux marqueurs biologiques, extrêmement sensibles et spécifiques permettant un diagnostic précoce ; mettre au point des techniques ouvrant la voie aux « traitements à la carte », tenant compte des caractéristiques de chaque tumeur et de celles de chaque malade (les traitements seront alors plus efficaces et surtout moins toxiques) ; inventer de nouvelles classes de médicaments, qui s’appuieront sur la connaissance des mécanismes moléculaires de la progression tumorale.

« L’espoir réside désormais dans le décryptage des mécanismes biologiques et moléculaires de la cancérogénèse », confirme le Pr Daniel Louvard, directeur du centre de recherche de Curie. Ses chercheurs étudient donc le fonctionnement des cellules, qu’elles soient normales ou pathologiques, pour faire progresser la prévention, le diagnostic et le traitement des cancers.

Voici quelques-uns de leurs travaux, comme si vous étiez derrière le microscope !

Séparation impossible

Connaître de manière très intime les mécanismes de la division cellulaire est au coeur des recherches de l’Institut Curie. Logique, elles ouvrent la voie à de nouvelles thérapeutiques dont le but est de bloquer la prolifération des cellules cancéreuses. Sur cette image, les chercheurs ont inactivé un gène indispensable au processus de mitose chez la drosophile, rendant impossible toute séparation. Les cellules se retrouvent avec de multiples noyaux. L’actine colorée en rouge visualise le contour de la cellule ; l’ADN est en bleu et l’enveloppe des noyaux en vert.

Corps à corps fatal

Un lymphocyte T humain se colle à une cellule infectée par un virus pour mieux l’éliminer. Des vésicules bourrées d’enzymes lytiques se rassemblent près de sa membrane. Leurs contenus vont bientôt être déversés à l’intérieur de la cellule cible. Mort assurée.

Nettoyage cellulaire

Florence Niedergang, de l’équipe de Philippe Chavrier, a pu mettre au jour la fonction précise d’un acteur clé du nettoyage cellulaire, la protéine ARF6. Pour se débarrasser des agents pathogènes comme des bactéries ou des déchets cellulaires nocifs, les globules blancs les repèrent, les ancrent à leur membrane puis les enrobent progressivement jusqu’à les absorber : c’est la phagocytose, essentielle à la réponse immunitaire et inflammatoire. Observé au microscope électronique à balayage, ce globule blanc, qui exprime une forme mutante de ARF6, a commencé à entourer de sa membrane un intrus. Mais l’absorption n’aura pas lieu en raison de la présence de la protéine défaillante. Une déficience d’ARF6 peut donc provoquer des dysfonctionnements importants (infections, inflammations) voire compromettre l’intégrité de l’organisme (apparition de tumeur).

Embouteillage intracellulaire

Une cellule, ce n’est pas simplement une membrane, un noyau et un cytoplasme ! C’est aussi un réseau de communication extrêmement sophistiqué constitué de microtubules qui, tels des rails, permettent aux molécules de se déplacer au sein de la cellule. Pour le visualiser, les chercheurs de Curie ont procédé à un marquage fluorescent de son composant : la tubuline. D’où cet aspect solaire… L’objectif final étant d’identifier les moteurs moléculaires qui permettent une telle dynamique intracellulaire. Avec à la clé des pistes pour de nouveaux traitements.

Mobilisation générale

Nous sommes en pleine conversation entre une cellule dendritique et trois lymphocytes T, étroitement mêlés. Ces derniers sont en train de recevoir leur « ordre de mission » pour éliminer une cible qui a été identifiée par la cellule dendritique. Cette dernière transmet ses messages d’attaque par l’intermédiaire de vésicules contenant des molécules spécifiques. Stimulés, les lymphocytes T vont bientôt se diviser et faire passer à leur tour les signaux de la « curée » à d’autres cellules.

Mieux comprendre les métastases

L’un des défis de la cancérologie est de mieux comprendre la formation des métastases pour pouvoir les éviter. L’équipe de Lionel Larue a montré que l’activation en continu d’une protéine-kinase, l’AKT, entraîne une perte d’adhésion entre les cellules. Elles peuvent alors aller envahir d’autres tissus et former des métastases.

Sentinelle inlassable

Une cellule dendritique, aux allures de diablesse rouge échevelée, patrouille inlassablement dans les tissus à la recherche de tout élément pathogène (virus ou bactéries par exemple). Au moindre doute, elle lance ses dendrites en reconnaissance. Elle a repéré un intrus qu’elle donne en pâture à des lymphocytes T.

Sur la piste des cellules

Les chercheurs ont besoin de comprendre le fonctionnement intime des cellules normales et d’identifier les processus moléculaires en jeu. Ici, ils ont observé le tissu épithélial d’un intestin de souris. En vert fluo, la villine, une protéine essentiellement localisée en bordure des villosités ; en noir, la lumière intestinale. Cette villine, que l’on retrouve aussi bien chez l’homme que chez le ver, est un précieux marqueur car toute cellule qui la fabrique a obligatoirement une origine intestinale. Il est donc possible de pister ces cellules à toutes les étapes de leur évolution, y compris dans des tissus pathologiques comme ceux issus d’un cancer du colon.

Une tumeur à l’oeuvre

Sur la première photo, les cellules tumorales (dont une protéine marquée se colore en vert fluorescent sous l’oeil du microscope) sont en pleine expansion. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Sur la seconde photo, le système immunitaire de la souris a repris le dessus. Les cellules malignes sont mortes, laissant place à d’épaisses fibres de collagène (en bleu). Les vaisseaux sanguins sont en rouge. La comparaison dans le temps de ce type d’images permet de suivre l’évolution de la maladie.

Etonnantes cellules

Catherine Bousquet, journaliste scientifique, a demandé à des chercheurs de l’Institut Curie de sélectionner les plus belles images qu’ils ont produites et de les commenter. Résultat : Cellule, étonne-moi !, un livre magnifique qui nous plonge dans l’infiniment petit, au coeur des cellules et du vivant. Plusieurs images de ce portfolio en sont d’ailleurs extraites.

Une partie du produit de la vente de Cellule, étonne-moi !, dont le prix est de 25 euros, sera reversée par les éditions Belin au profit de la recherche à l’Institut Curie.