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Traitement de l’ostéoporose : pourquoi la France est-elle si mauvaise élève ?
Année après année, les chiffres liés à la maladie continuent à s’aggraver en France : 500 000 fractures annuelles sont attribuées à l’ostéoporose, soit une fracture chaque minute. Moins de la moitié des personnes concernées réalisent une ostéodensitométrie, un chiffre qui diminue également chaque année – contrairement au nombre de ces patients vivant avec une fracture (1,3 million), qui pourrait croître de 26 % d’ici dix ans. Comme le souligne la Pre Karine Briot, rhumatologue à l’hôpital Cochin à Paris, « la France est aussi le dernier pays occidental en matière de prescription, avec moins de 10 % des patients ostéoporotiques sous traitement ».
Un problème franco-français ?
Pour la présidente du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (Grio), il y a trois causes principales derrière ce constat préoccupant : la première est liée aux modalités de prise en charge de l’examen de dépistage de la maladie. Car le remboursement de l’ostéodensitométrie ne concerne que les patients présentant un historique de fracture ou certains facteurs de risque, dans la population générale (maladie ou traitement pouvant provoquer une ostéoporose, antécédent de fracture non traumatique découvert lors d’une imagerie) ou chez les femmes ménopausées (antécédents familiaux de fracture de la hanche ou du col du fémur, indice de masse corporelle inférieur à 19 kg/m², ménopause avant 40 ans, traitement continu par corticoïdes oraux pendant au moins trois mois). « Ces conditions compliquent la prescription de l’examen par le médecin généraliste, commente la rhumatologue. On pourrait, par exemple, proposer le remboursement d’une ostéodensitométrie chez tous les sujets, a minima les femmes, autour de 65 ans. »
La seconde difficulté concerne le parcours de soins non formalisé des patients français : des filières fractures se sont développées partout dans le monde, qui permettent une prise en charge multidisciplinaire, coordonnée par une infirmière. Elles englobent la mise en route du traitement antiostéoporotique, la rééducation et la prise en charge des facteurs de risque associés (prévention des chutes, amélioration de l’état nutritionnel, etc.). Les études sur le sujet montrent que ces filières favorisent le rétablissement et la qualité de vie des patients, et permettent aussi des économies significatives, en regard des 7 milliards d’euros de dépenses liées aux fractures et à l’invalidité. Malheureusement, « en France, les filières fractures peinent à se structurer et à fonctionner par manque de moyens humains et financiers ». De nos jours, on dénombre moins d’une soixantaine de programmes de prise en charge. Un chiffre bien inférieur à celui de nos voisins européens.
Le troisième frein français concerne l’accès aux nouveaux médicaments : le dernier traitement autorisé par l’Europe, le romosozumab (Evenity), anticorps monoclonal antisclérostine qui favorise la formation osseuse et améliore la densité minérale osseuse, n’est pas remboursé en France. « Nous sommes le seul pays européen qui ne peut pas offrir l’accès à ce médicament à nos patients, déplore Karine Briot. Et nous craignons que les prochains médicaments, comme l’abaloparatide [Eladynos, NDLR] en cours d’évaluation par la Haute Autorité de santé, rencontrent le même obstacle. » Le regard porté par les autorités de santé sur l’ostéoporose pourrait-il être en cause ? « Il existe une idée reçue selon laquelle l’ostéoporose est une maladie normale chez la personne âgée, et les fractures font partie du vieillissement. Mais c’est faux. C’est une maladie grave qui augmente le risque de dépendance et peut accroître le risque de mortalité. »
Il faut de nouvelles molécules pour optimiser le traitement
Le choix thérapeutique est limité. Hormis les traitements hormonaux pour les femmes ménopausées ayant des symptômes associés, les options se résument aux traitements antirésorptifs (bisphosphonates, ou dénosumab en cas d’échec ou d’intolérance), qui réduisent la résorption osseuse, et aux traitements ostéoformateurs (tériparatide après deux fractures vertébrales, romosozumab), qui stimulent le gain de masse osseuse. Or l’évidence clinique montre qu’il est nécessaire d’alterner les séquences thérapeutiques tout au long de la vie : une phase initiale de traitement par ostéoformateurs pendant 12 à 18 mois, suivie d’une séquence d’antirésorptifs, aide à préserver la masse osseuse acquise. Cela peut permettre de normaliser la densité minérale osseuse chez les patients qui répondent le mieux aux traitements. Cependant, « bien que les options disponibles actuellement soient assez efficaces, elles ne sont pas suffisamment nombreuses pour les patients qui devront alterner les séquences sur quelques décennies, sachant que toutes n’offrent pas le même résultat selon le moment de la vie ». Les recommandations de l’European Society for Clinical and Economic Aspects of Osteoporosis, Osteoarthritis and Musculoskeletal Diseases (Esceo), parues en août dernier, vont dans ce sens et celles de la Société française de rhumatologie (SFR) seront éditées en 2025.
La perception erronée d’une efficacité jugée comme faible des médicaments antiostéoporotiques pourrait expliquer l’absence de motivation des pouvoirs publics à rembourser ces traitements, et celle des médecins à les prescrire. Le sujet est pourtant plus complexe qu’il n’y paraît, car ces spécialités ne donnent pas toujours des résultats optimaux, d’autant plus que des facteurs de risque de fracture sont souvent associés à l’ostéoporose : les chutes sont le premier facteur causal, et leur survenue dépend de nombreux autres paramètres comme la vision, l’état général et nutritionnel, les traitements concomitants, etc. Ainsi, une fracture sous médication ne constitue pas nécessairement un échec, elle peut être aussi un événement inévitable que la prise en charge aura retardé.
L’importance des approches non médicamenteuses
Le traitement médicamenteux n’est donc pas, seul, la panacée. L’an dernier, le Grio et la SFR ont publié des recommandations alimentaires dans le cadre de la prévention et de la gestion de l’ostéoporose. Il en ressort que certains régimes et habitudes alimentaires jouent un rôle clé dans le maintien de la santé osseuse. C’est notamment le cas du régime méditerranéen, qui couvre les besoins en calcium (1 g par jour) et en protéines de haute qualité, importants pour le squelette. À l’inverse, les régimes végans et, dans une moindre mesure, végétariens, n’apportent pas ces nutriments en proportions suffisantes et nécessitent à une supplémentation. Les régimes amaigrissants doivent, dans le même sens, reposer sur des apports calciques et protéiques suffisants, associés à des activités physiques en charge, afin de ne pas conduire à des carences. Dans tous les cas, et chez toutes les personnes dont l’alimentation ne permet pas d’atteindre les apports recommandés, une supplémentation en calcium peut être utile.
Reste l’activité physique, essentielle pour maintenir la masse osseuse. C’est elle qui a été au cœur de la Journée mondiale contre l’ostéoporose 2024. « Tous les sports en charge, comme la course à pied ou la danse, sont bénéfiques pour le remodelage osseux, en améliorant particulièrement la densité des os au niveau des hanches », précise Karine Briot. Les contraintes mécaniques non seulement la stimulent, mais agissent aussi sur la masse musculaire, réduisant ainsi le risque de sarcopénie, une pathologie souvent associée à l’ostéoporose. La qualité du muscle permet par ailleurs de prévenir les chutes, et donc de limiter les conséquences d’une perte de densité osseuse. Raison pour laquelle les sports comme la natation ou le cyclisme, qui n’ont pas d’effet direct sur l’os, peuvent toutefois être indirectement bénéfiques en développant la masse musculaire.
Chez les personnes âgées ou à risque de chutes, il est préconisé de se livrer à des efforts physiques appropriés, comme la marche active. Quant à celles présentant des antécédents de fractures vertébrales, l’activité adaptée aux limites de la douleur doit être complétée par une rééducation destinée à soutenir le rachis afin d’éviter l’apparition d’une cyphose (renforcement musculaire, marche nordique, natation sur le dos).
« Les outils sont là, les modes diagnostiques et thérapeutiques sont là. Il faut maintenant une volonté politique », insiste la rhumatologue. Il y a quelques mois, le Grio a agi en ce sens auprès d’élus politiques afin de leur démontrer que la France est le dernier pays de la classe quant à la gestion de l’ostéoporose et de ses conséquences. « Le message commençait à être entendu. » Malheureusement, les aléas politiques de ces derniers mois ont balayé ce travail de fond, qu’il reste à reconduire.
À retenir
- Moins de 10 % des patients ostéoporotiques sont sous traitement en France.
- Les modalités de dépistage, l’absence de filières fracture et le manque d’accès aux nouveaux médicaments sont autant de freins à une bonne prise en charge de la maladie.
- L’alimentation et la pratique sportive sont importantes pour le maintien de la masse osseuse.
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