Oncologie et cardiologie :  ces passerelles entre santé humaine et santé animale

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Oncologie et cardiologie :  ces passerelles entre santé humaine et santé animale

Publié le 2 novembre 2023
Par La rédaction
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Santé humaine et santé animale sont interconnectées sur bien des plans. En oncologie comme en cardiologie, des passerelles existent pour faire avancer la recherche et optimiser le parcours thérapeutique.

La septième table ronde du cycle de conférences « une seule santé », organisé par le groupe de médias 1Health (dont fait partie Le Moniteur des pharmacies) et le magazine L’Obs, s’est déroulée le 21 septembre à Bordeaux (Gironde). Elle a été une nouvelle occasion de rappeler que des liens existent entre la santé humaine et la santé animale, en particulier en oncologie et en cardiologie, et que l’environnement a aussi une influence dans ces domaines.

En oncologie, thème de la première table ronde animée par Elodie Lepage, journaliste à L’Obs, des passerelles existent pour vaincre la maladie. Les deux santés s’alimentent pour améliorer la prise en charge du malade. « Le cadre de prise en charge est identique quand on parle de cancérologie humaine ou vétérinaire. Idem pour les expositions, les résultats auxquels cela aboutit, la nourriture, les polluants auxquels nous sommes confrontés… Certaines options thérapeutiques sont applicables chez l’être humain et chez les animaux », indique Lambros Tselikas, radiologue à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif, Val-de-Marne).

Le chien sentinelle

« L’être humain est un animal comme les autres. Les chiens et les chats sont des sentinelles de l’environnement. Ils partagent le même environnement que nous et développent les mêmes maladies », souligne David Sayag, oncologue vétérinaire à Toulouse (Haute-Garonne). L’espérance de vie d’un chien étant plus courte, le cancer va se développer plus rapidement chez l’animal de compagnie. Ainsi, l’approche « une seule santé » trouve toute sa place en oncologie, d’autant que l’animal, en particulier le chien, est le meilleur modèle pour l’étude de cette maladie. Les cancers des animaux sont comparables à ceux de l’être humain et certaines techniques parfaitement transposables. « Les chiens sont traités de la même façon que l’être humain. Nous avons, par exemple, utilisé des techniques d’ablation par microondes, acquises au centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy », poursuit David Sayag. Le spécialiste partage aussi sa satisfaction d’apprendre qu’une molécule connue depuis deux ans en médecine vétérinaire pourrait bientôt être utilisée en santé humaine.

De l’animal à l’humain

En cardiologie, thème de la seconde table ronde animée par Marine Neveux, rédactrice en chef de La Semaine Vétérinaire (groupe 1Health), des passerelles existent aussi entre santé humaine et santé animale. Pierre Menaut, vétérinaire et spécialiste en cardiologie animale au centre hospitalier vétérinaire AniCura Aquivet d’Eysines (Gironde), explique qu’il garde toujours un œil sur la médecine humaine : « Des modèles spontanés de maladie cardiaque peuvent intéresser les chercheurs comme la cardiomyopathie hypertrophique fréquente chez le chat. La maladie valvulaire dégénérative est la maladie numéro 1 chez le chien, qui s’apparente beaucoup au prolapsus mitral chez l’humain. Les maladies sont les mêmes mais pas la fréquence» « C’est tout à fait pertinent, notamment en matière d’insuffisance cardiaque, d’étudier ces chiens pour pouvoir progresser. Les aspects métaboliques de la cellule cardiaque sont très intéressants à explorer », surenchérit Pierre Jaïs, cardiologue, professeur à l’université de Bordeaux et directeur général de l’institut hospitalo-universitaire des maladies du rythme cardiaque Liryc à Pessac (Gironde).

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L’un des sujets phares de l’Institut est la mort subite. Un modèle a été utilisé aux Etats-Unis chez de jeunes bergers allemands qui subissaient des arythmies ventriculaires et des crises cardiaques. « Un certain parallèle pouvait être fait avec les morts subites des nourrissons ; tout le mécanisme de ces arythmies a été étudié chez le berger allemand », relate Pierre Menaut. Autre exemple : la cardiomyopathie arythmogène ventriculaire droite est une préoccupation importante en médecine humaine. Or, chez le chien, quelques races sont prédisposées et présentent des mutations identifiées, notamment le boxer et le bouledogue anglais. « On peut imaginer trouver des mécanismes différents, ou qui peuvent se rapprocher de ce que l’on constate en médecine humaine. »

Sans aller jusque-là, une étude montre que les lésions bronchopulmonaires sur des clichés radiographiques sont multipliées quasiment par trois chez les chiens vivant dans une ville industrielle américaine (Philadelphie), par comparaison avec ceux vivant dans une ville universitaire sans complexe industriel comme Ithaca (New York). Donc, le chien « semble constituer une sentinelle pertinente d’un environnement inapproprié pour la santé cardiovasculaire, mais cette sentinelle est actuellement sous-utilisée », prétend Valérie Chetboul, professeure agrégée à l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort (Val-de-Marne), spécialiste en cardiologie vétérinaire.

De l’humain à l’animal

La synergie de recherche s’applique dans les deux sens. « Les traitements que l’on développe pour l’humain vont bénéficier aux animaux », déclare Pierre Jaïs. Concernant la maladie valvulaire dégénérative, depuis quelques années apparaissent chez l’humain des traitements mini-invasifs qui passent par les artères et les veines, et qui à distance vont permettre de réparer la valve. « Nous projetons d’employer ce type de chirurgie sur nos “patients” canins. Des chiens atteints de malformations congénitales sont traités par cardiologie interventionnelle. A ce titre, nous avons collaboré avec l’équipe de l’unité pédiatrique du centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Si cela s’adapte à des animaux – de petits formats –, la médecine pédiatrique, qui ne dispose pas de dispositifs équivalents pour les enfants, pourrait en profiter », entrevoit Pierre Menaut.

Pierre Jaïs pointe la nécessité de la considération du vivant dans sa globalité : « Quand 50 % de la biodiversité disparaît, ce sont potentiellement 50 % de médicaments qui disparaissent. Les traitements contre le sida ont énormément progressé ces dernières années, en partie grâce aux molécules que l’on trouve dans le sperme de harengs. Le jour où il n’y a plus de hareng, on perd un traitement contre le sida. » En outre, « des trésors d’imagination sont dépensés pour améliorer la santé des patients et, dans le même temps, la France s’apprête à dire oui au glyphosate dont on sait qu’il est cancérigène. Détecter un cancer plus tôt, mieux le soigner, maintenant grâce aux immunothérapies, sont des prouesses. Mais cela serait pertinent de mettre un peu de bon sens à vivre dans un milieu que l’on rendrait moins hostile. » Il invite aussi tous les acteurs de la médecine à réfléchir à la manière de réduire leur impact sur l’environnement.