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Les inhibiteurs du SGLT2

Publié le 26 mars 2022
Par Maïtena Teknetzian
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La découverte de transporteurs tubulaires jouant un rôle dans l’homéostasie glycémique a conduit au développement d’une classe d’hypoglycémiants oraux, les inhibiteurs du SGLT2. Identifiés par leur DCI en « -gliflozine », ils inhibent la réabsorption rénale du glucose et diminuent la glycémie sans risque d’hypoglycémie. Cependant, la survenue d’effets indésirables rares mais graves nécessite une vigilance.

Mécanisme d’action

Inhibition de la réabsorption du glucose

• Les gliflozines agissent au niveau du rein, sur le tube contourné proximal en inhibant le cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2). Cela a pour effet d’empêcher la réabsorption tubulaire du glucose, lequel sera éliminé dans les urines, avec pour conséquences, une baisse de la glycémie et une perte de poids de 2 à 3 kg sur 1 à 2 ans. Ces médicaments permettent une diminution de l’hémoglobine glyquée d’environ 0,5 à 1 %. Leur efficacité sur la glycémie dépendant de la fonction rénale, ils sont peu ou pas efficaces si le débit de filtration glomérulaire est inférieur à 45 ml/min.

• Parallèlement à l’élévation de l’élimination urinaire du glucose, les gliflozines augmentent l’excrétion urinaire du sodium, entraînant une diurèse osmotique et une réduction de la volémie, d’où une diminution de la pression artérielle et de la charge cardiaque expliquant leur intérêt dans l’insuffisance cardiaque.

Indications

Diabète de type 2 et insuffisance cardiaque

• La dapagliflozine et l’empagliflozine sont indiquées dans le traitement du diabète de type 2 en monothérapie, quand la metformine est contre-indiquée ou mal tolérée, ou en association avec d’autres antidiabétiques. Ces médicaments ne sont remboursés actuellement qu’en bi ou trithérapie.

• Les gliflozines sont également indiquées dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection réduite. Seule la dapagliflozine est remboursée à ce jour dans cette indication en ajout à un traitement standard.

• La dapagliflozine a une indication dans la maladie rénale chronique (sans remboursement dans ce contexte).

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Pharmacocinétique

Métabolisme par glucuronidation

• Les gliflozines sont rapidement absorbées per os sans influence d’une prise alimentaire. Elles sont fortement métabolisées principalement par glucuronidation par les uridines 5’-diphosphoglucuronosyltransférases (UGT), notamment par l’UGT1A9, enzyme hépatique et rénale. La voie de métabolisation par les cytochromes P450 est mineure.

• Leur demi-vie plasmatique est d’environ 12 heures, autorisant une prise quotidienne.

Effets indésirables

Atypiques

• N’étant pas insulinosécréteurs, les inhibiteurs de SGLT2 ne sont pas en eux-mêmes pourvoyeurs d’hypoglycémie. En revanche, ils peuvent potentialiser ce risque en association à un hypoglycémiant insulinosécréteur ou à l’insuline.

• Du fait de leur mode d’action, ils ont la capacité d’induire une polyurie et une déplétion volémique avec un risque de déshydratation et d’hypotension, notamment orthostatique.

• Ils augmentent le risque d’infections urogénitales (pyélonéphrites, candidoses vaginales, vulvovaginites, balanites, etc.) et exposent à un risque rare mais grave de gangrène de Fournier, fasciite nécrosante périnéale potentiellement létale (voir encadré).

• Ils sont associés également à un risque de survenue d’acidocétose diabétique (au mécanisme non établi).

• Enfin, certaines études rapportent une augmentation des cas d’amputation des membres inférieurs (notamment de l’orteil) avec les gliflozines.

Principales interactions

Prudence avec les inducteurs d’UGT

• L’association de l’empagliflozine à des médicaments inducteurs des UGT (rifampicine, phénytoïne, etc.) n’est pas recommandée faute d’études. Le résumé des caractéristiques de la dapagliflozine spécifie, quant à lui, que ces associations n’ont pas d’effets cliniquement significatifs et ne nécessitent aucun ajustement posologique de la dapagliflozine.

• Par ailleurs, l’association à l’insuline ou à des antidiabétiques oraux insulinosécréteurs comme les sulfamides hypoglycémiants ou le répaglinide peut nécessiter de diminuer la posologie de ces derniers pour réduire le risque d’hypoglycémie.

• L’association aux diurétiques ou aux antihypertenseurs augmente le risque de déshydratation et d’hypotension.

Contre-indications

A éviter chez la femme enceinte ou allaitante

• Du fait d’un manque de données et de recul, les gliflozines ne doivent pas être employées pendant la grossesse ou l’allaitement.

• Leur utilisation n’est pas recommandée chez les patients présentant un début de filtration glomérulaire inférieur à 25 ml/min.

Surveillance

Bilan rénal

En raison de l’efficacité des gliflozines sur la glycémie conditionnée par le débit de filtration glomérulaire et de la diminution attendue de celui-ci avec l’évolution du diabète, un suivi régulier de la fonction rénale est nécessaire pendant le traitement. Celle-ci doit être évaluée avant de le démarrer puis au moins annuellement. Cette surveillance sera renforcée en cas de traitement concomitant pouvant diminuer le débit de filtration glomérulaire (diurétiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens) ou d’événements intercurrents susceptibles d’induire une déshydratation comme des diarrhées.

Sources : « Gliflozines (dapagliflozine et empagliflozine) : prévenir les risques d’acidocétose diabétique et de gangrène de Fournier (fasciite nécrosante périnéale) », information sécurité, ANSM, publié le 27/11/2020, actualisation le 1er décembre 2021 ; Menno Pruijm et coll., « Les inhibiteurs du cotransporteur SGLT2 comme nouveau traitement du diabète : aspects rénaux », Rev. Med. Suisse, 2015 ; « Médicaments du diabète de type 2 : la HAS actualise son évaluation des gliflozines », communiqué de presse du 16 décembre 2020 ; Inhibiteurs des SGLT2, Collège national de pharmacologie médical, pharmacomedicale.org ; base de données publique des médicaments.

Dépister l’acidocétose et la gangrène de Fournier

Ces effets indésirables rares mais graves liés aux gliflozines et identifiés par l’Agence européenne des médicaments à la suite de la remontée de cas de pharmacovigilance nécessitent d’éduquer les patients afin d’en repérer les signes.

Acidocétose. La survenue de nausées, de vomissements, d’anorexie, de douleurs abdominales, de soif intense, de dyspnée, de confusion ou de somnolence doit faire suspecter une acidocétose, et ce quelle que soit la valeur de la glycémie. De tels signes imposent l’arrêt du traitement et un avis médical immédiat pour confirmer le diagnostic.

Gangrène de Fournier. Elle est suspectée en cas de douleur intense, de sensibilité au toucher, d’érythème ou de gonflement de la région périnéale, accompagnée de fièvre ou de malaise. Une infection urogénitale ou un abcès périnéal peut précéder sa survenue. Les gliflozines doivent être arrêtées et une consultation médicale immédiate est impérative pour confirmer le diagnostic et envisager un traitement antibiotique, voire un débridement chirurgical.