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Les inhibiteurs d’intégrase du VIH

Publié le 29 novembre 2018
Par Maïtena Teknetzian
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Actuellement, 4 inhibiteurs d’intégrase (INI) sont disponibles : bictégravir, dolutégravir, elvitégravir et raltégravir. Les molécules diffèrent par leurs propriétés pharmacocinétiques, en particulier leurs voies de métabolisation.

MECANISME D’ACTION

Inhibition de l’intégration au génome de l’hôte

Les INI bloquent sélectivement le transfert de brins d’ADN viral à l’ADN de la cellule hôte en inhibant l’intégrase, enzyme virale spécifique du VIH. Cela empêche la réplication virale et l’infection de nouvelles cellules.

INDICATIONS

En association antirétrovirale

Les INI sont indiqués dans le traitement du VIH en association à d’autres antirétroviraux.

L’elvitégravir est toujours utilisé boosté par le cobicistat, un inhibiteur puissant du CYP450.

PHARMACOCINÉTIQUE

Différentes voies de métabolisation

Le raltégravir peut être pris avec ou sans nourriture. Il n’est pas métabolisé par les CYP450, mais par glucurono-conjugaison par l’UGT1A1, et est éliminé en grande partie par voie biliaire.

Le bictégravir peut être pris avec ou sans nourriture. Il est métabolisé par le CYP3A4 et l’UGT1A1 et est éliminé principalement par voie hépatobiliaire.

L’elvitégravir s’administre au cours d’un repas (augmentation de son absorption). Il est métabolisé par les CYP3A4 et 3A5, et à moindre degré par l’UGT1A1. Il est éliminé à 95 % dans les matières fécales.

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Le dolutégravir peut être administré avec ou sans nourriture. Cependant, en cas de résistance aux INI, il doit être pris avec de la nourriture pour augmenter sa biodisponibilité. Le dolutégravir est métabolisé principalement par glucuronoconjugaison par l’UGT1A1. C’est également un substrat de l’UGT1A3, de l’UGT1A9 et du CYP3A4. Il est éliminé majoritairement dans les fèces sous forme inchangée.

EFFETS INDÉSIRABLES

Troubles digestifs

Les INI peuvent principalement être responsables de troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, douleurs d’estomac), de céphalées, de sensations vertigineuses, de rêves anormaux et d’insomnie, de réactions cutanées (éruptions, prurit, etc.).

Des atteintes musculaires avec augmentation des CPK (voire plus exceptionnellement des rhabdomyolyses) et des troubles hépatiques avec augmentation des transaminases sont également rapportés.

Plus rarement, le raltégravir et le dolutégravir peuvent être à l’origine de réactions d’hypersensibilité (éruption cutanée sévère ou avec augmentation des enzymes hépatiques, fièvre, douleurs musculaires ou articulaires, lésions buccales, œdème du visage, etc.), voire de nécrolyse épidermique toxique (raltégravir) imposant l’arrêt du traitement.

CONTRE-INDICATIONS

Grossesse pour le dolutégravir

Le dolutégravir ne doit pas être prescrit chez une femme envisageant une grossesse (risque d’anomalies du tube neural). Une contraception est nécessaire durant le traitement. Le raltégravir n’est pas non plus recommandé durant la grossesse (reprotoxicité chez l’animal).

INTERACTIONS

Avec inducteurs et inhibiteurs enzymatiques

Le dolutégravir et le bictégravir sont sensibles aux inducteurs enzymatiques (d’UGT ou de CYP450) : l’association du bictégravir au millepertuis et à la rifampicine est contre-indiquée (risque de diminution de ses concentrations plasmatiques) ; l’association du dolutégravir est déconseillée avec le millepertuis, et, en cas de résistance aux INI, à la carbamazépine, à l’oxcarbazépine, au phénobarbital, à la phénytoïne et à la rifampicine. En l’absence de résistance, l’interaction, classée en précaution d’emploi, nécessite une adaptation posologique du dolutégravir. Par ailleurs, le dolutégravir augmente les concentrations plasmatiques de metformine et majore le risque acidose.

L’elvitégravir, du fait de son association au cobicistat, est impliqué dans de nombreuses interactions (contre-indiqué avec amiodarone, pimozide, alfuzosine, midazolam, dérivés ergotés, certaines statines, etc.). Etant métabolisé par le CYP3A4, il est en outre contre-indiqué avec des inducteurs de CYP450 (millepertuis, rifampicine, carbamazépine, etc.) et interagit avec les inhibiteurs de celui-ci (notamment itraconazole et kétoconazole). Il diminue l’efficacité des contraceptifs œstroprogestatifs (ces derniers doivent renfermer au moins 30 µg d’éthinylestradiol).

Le raltégravir présente peu d’interactions. Son association à la rifampicine, puissant inducteur de l’UGT1A1, est toutefois déconseillée ou, sinon, nécessite un doublement de dose.

Enfin, les antiacides ainsi que les sels de fer, de calcium, de magnésium, d’aluminium et de zinc doivent être pris à distance des inhibiteurs d’intégrase (d’au moins 4 heures, voire 6 heures). 

  • Sources : «   Pharmacologie des inhibiteurs de l’intégrase du VIH   », Virologie, vol. 13, numéro spécial   2, mai   2009 ; «   Inhibiteurs de l’intégrase   », Les médicaments anti-VIH, 23   octobre 2014, aidsmap.com ; «   Autres antirétroviraux   », Collège national de pharmacologie médicale, pharmacomedicale.org ; Thesaurus des interactions médicamenteuses, ANSM, mai   2018 ; VIH, édition Doin, 2011 ; Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH, recommandations du groupe d’experts du CNS, sous la dir. du P r   Morlat, mise à jour avril   2018.

Concernant la surveillance

• du traitement par INI : un contrôle des CPK est souhaitable. De même, chez les patients ayant une atteinte hépatique préexistante, les transaminases doivent être régulièrement contrôlées ;

• de l’évolution de la maladie : afin de s’assurer de l’efficacité du traitement, la charge virale et le taux de lymphocyte TCD4 sont contrôlés tous les 3 mois, l’objectif étant de parvenir à une charge virale indétectable ( 500/mm3).