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Les inhibiteurs des tyro sines kinases (ITK) ciblant l’EGFR

Publié le 6 octobre 2016
Par Denis Richard
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Notamment indiqués dans le cancer du poumon, les inhibiteurs de tyrosine kinase ciblant l’EGFR méritent une attention particulière en raison des effets indésirables auxquels ils exposent.

MÉCANISME D’ACTION

Blocage d’une voie métabolique de la cellule cancéreuse

Les tyrosines kinases sont des enzymes intramembranaires catalysant des phosphorylations indispensables à divers processus métaboliques cellulaires. Elles sont souvent associées à des récepteurs membranaires.

Parmi les ITK, certains ciblent la tyrosine kinase associée au récepteur du facteur de croissance épidermique humain de type 1 (Epidermal growth factor receptor = EGFR, connu aussi comme HER1). Des mutations de l’EGFR peuvent, en effet, activer des voies de signalisation bloquant l’apoptose (mort cellulaire programmée) et entraînant la prolifération du clone cellulaire. En bloquant l’activité enzymatique associée à l’EGFR, ces ITK empêchent la prolifération des cellules cancéreuses.

L’EGFR, fortement exprimé sur les kératinocytes, joue un rôle important dans les mécanismes contrôlant l’homéostasie de la peau, d’où les effets indésirables cutanés observés.

INDICATIONS

Essentiellement le cancer du poumon

Les ITK anti-EGFR sont indiqués dans le traitement du cancer bronchique non à petites cellules localement avancé ou métastatique avec mutations activatrices de l’EGFR.

L’erlotinib est aussi indiqué pour le cancer du pancréas métastatique.

PHARMACOCINÉTIQUE

Une prise orale quotidienne

Les ITK anti-EGFR sont de petites molécules non protéiques, stables, bien adaptées à un usage oral, contrairement aux anticorps monoclonaux, dégradés dans le tube digestif (voir p. 39 « Aller plus loin »). Ils s’administrent à raison d’une dose quotidienne.

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L’afatinib doit être pris à distance de toute nourriture (3 heures après ou 1 heure avant un repas) ; de même pour l’erlotinib (1 heure avant ou 2 heures après un repas). La prise de nourriture est sans effet sur l’exposition au géfitinib.

EFFETS INDÉSIRABLES

Surtout cutanéomuqueux

Dénués des effets cytotoxiques directs des traitements anticancéreux conventionnels, les ITK anti-EGFR présentent toutefois un risque iatrogène.

Signes cutanés et unguéaux (exacerbés par l’exposition au soleil) : éruptions cutanées (folliculite, acné, éruptions bulleuses), sécheresse cutanée avec fissuration et prurit, alopécie, hirsutisme, paronychies et autres altérations de l’ongle et de son assise, etc.

Signes oculaires : sécheresse oculaire avec irritation conjonctivale ou de la cornée (utilisation systématique de substituts lacrymaux), inflammation avec troubles de la vision, larmoiement, photophobie, allongement des cils.

Signes digestifs et mucites : diarrhées sévères ou persistantes (surtout avec l’afatinib), dyspepsies, dysgueusies ; stomatites et mucites (imposant une bonne hygiène dentaire) sont possibles.

Signes pulmonaires : des atteintes pulmonaires sont rapportées.

Autres signes : asthénie, anomalies rénales et hépatiques, toxicité cardiaque.

CONTRE-INDICATIONS

Ne pas utiliser chez la femme enceinte

Seule une hypersensibilité aux molécules contre-indique l’utilisation d’ITK. Par mesure de précaution, les femmes en âge de procréer doivent utiliser une contraception efficace pendant le traitement et jusqu’à 2 semaines à un mois après l’arrêt.

SURVEILLANCE

Reconnaître les signes évocateurs d’une iatrogénie

L’apparition de signes évocateurs d’un effet indésirable doit être rapidement signalé au médecin : conjonctivite, éruption cutanée, inflammation évoquant une mucite, diarrhée, toux, dyspnée, œdème des membres inférieurs.

Surveillance régulière de la fonction hépatique.

INTERACTIONS

Prudence avec les inducteurs et inhibiteurs enzymatiques

L’association aux inducteurs enzymatiques du CYP3A4 risque de diminuer l’efficacité de l’ITK. Le Thesaurus de l’ANSM contre-indique l’association au millepertuis ; il la déconseille avec les anticonvulsivants inducteurs enzymatiques (phénytoïne, carbamazépine, alcool en prise chronique…), la rifampicine…

L’association aux inhibiteurs enzymatiques puissants majore les effets indésirables de l’ITK et impose la prudence : azolés, clarithromycine, inhibiteurs de protéase, érythromycine…

Certains médicaments sont par ailleurs à prendre à distance de l’afatinib (6 à 12 heures) : ritonavir, ciclosporine, itraconazole, vérapamil, quinidine, tacrolimus, nelfinavir, saquinavir, amiodarone.

Les antisécrétoires (IPP, anti-H2) peuvent diminuer la biodisponibilité de l’ITK ; préférer des topiques antiacides pris à au moins 2 heures de l’ITK.

  • Sources : INCA (2016), Médicaments ciblant l’EGFR : erlotinib, géfitinib, afatinib (e-cancer.fr) ; ANSM, Thésaurus des interactions médicamenteuses, août   2016.

ALLER PLUS LOIN

– La voie de signalisation de l’EGFR est également la cible d’anticorps monoclonaux : le cétuximab (Erbitux) et le panitumumab (Vectibix). Ces molécules protéiques, utilisées par voie injectable, bloquent l’accès à la partie extra-cellulaire du récepteur et donc la fixation du ligand (EGF) sur le récepteur.
– Ne pas confondre cette classe de médicaments avec ceux (ITK ou Ac monoclonaux) ciblant le VEGF (Vascular endothelial growth factor), impliqué dans l’angiogenèse.