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Les inhibiteurs de tyrosine kinase ciblant BCR-ABL

Publié le 5 mai 2018
Par Maïtena Teknetzian
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Les inhibiteurs de tyrosine kinase ciblant BCR-ABL (tyrosine kinase dont la synthèse résulte d’une translocation génétique acquise) sont indiqués chez les patients atteints de leucémies à chromosome Philadelphie. Leurs effets indésirables imposent une surveillance rigoureuse.

MÉCANISME D’ACTION

Inhibition compétitive de BCR-ABL

Les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) ciblant BCR-ABL sont des antagonistes compétitifs, plus ou moins spécifiques, d’une tyrosine kinase dont la synthèse résulte d’une translocation entre les chromosomes 9 et 22 induisant la formation d’un chromosome nommé Philadelphie. Cette tyrosine kinase induit une accélération du cycle cellulaire et une résistance à l’apoptose des cellules hématopoïétiques.

L’imatinib est également inhibiteur de tyrosine kinase du récepteur du PDGF (plateled-derived growth factor receptor) et inhibe la prolifération des cellules de tumeur stromale gastro-intestinale.

INDICATIONS

Leucémies à chromosome Philadelphie

L’imatinib est indiqué dans la leucémie myéloïde chronique (LMC) et la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) à chromosome Philadelphie (Ph+), dans les syndromes myéloprolifératifs associés à des réarrangements du gène codant pour le récepteur au PDGF, et dans le traitement des tumeurs stromales gastro-duodénales.

Le dasatinib et le nilotinib sont indiqués dans la LMC nouvellement diagnostiquée ou en cas de résistance ou d’intolérance à l’imatinib. Le dasatinib est aussi indiqué dans la LAL en cas de résistance ou d’intolérance à l’imatinib.

Le bosutinib et le ponatinib sont indiqués dans la LMC et, pour le ponatinib, dans la LAL en cas d’intolérance ou de résistance à l’imatinib, au nilotinib ou au dasatinib.

PHARMACOCINÉTIQUE

Elimination hépatique via le CYP 3A4

Les ITK ciblant BCR-ABL sont de petites molécules liposolubles, ayant une bonne biodisponibilité per os. L’absorption digestive du dasatinib et du bosutinib est réduite par une inhibition prolongée de la sécrétion acide.

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Ces molécules subissent un métabolisme hépatique, principalement par l’isoforme 3A4 des cytochromes P450 (CYP 450) et sont éliminés dans les fèces (majoritairement).

EFFETS INDÉSIRABLES

Rétention hydrique et troubles cardio-vasculaires

Rétention hydrique (pouvant nécessiter un traitement diurétique) et troubles métaboliques (hyperlipidémies et hyperglycémie pournilotinib et ponatinib ou, au contraire, hypoglycémiepourimatinib).

Toxicité cardiovasculaire : augmentation de la tension artérielle (ponatinib notamment), risque de thrombose veineuse (ponatinib) et artérielle (nilotinib, ponatinib), possible allongement du QT (notamment sous dasatinib), aggravation d’une insuffisance cardiaque liée à une rétention hydrosodée et aux effets indésirables métaboliques, hypertension artérielle pulmonaire (dasatinib).

Toxicité cutanéomuqueuse : éruptions cutanées voire syndromes de Lyell ou de Stevens-Johnson, photosensibilisation, toxicité oculaire (œdèmes palpébraux) sous imatinib.

Autres : troubles généraux (fatigue, céphalées, douleurs musculaires), digestifs (nausées, vomissements, troubles du transit), toxicité hématologique (neutropénie augmentant le risque infectieux : des cas de réactivation de VHB ont notamment été décrits ; anémie ou encore thrombopénie, en particulier sous dasatinib), toxicités rénale, hépatique et pancréatique.

CONTRE-INDICATIONS

Grossesse

Faute de données suffisantes, les femmes en âge de procréer doivent utiliser une contraception efficace.

INTERACTIONS

Avec les inducteurs ou inhibiteurs du CYP 3A4

Association contre-indiquée avec le millepertuis et déconseillée avec les anticonvulsivants inducteurs enzymatiques et la rifampicine (risque de diminution de l’efficacité de l’ITK).

Association à de puissants inhibiteurs du CYP 3A4 (azolés, ritonavir, certains macrolides) déconseillée avec le bosutinib, le dasatinib et le nilotinib, et nécessitant des précautions d’emploi avec les autres ITK (majoration de leur toxicité).

Autres : prudence en association à d’autres médicaments allongeant le QT ; risque de diminution de la biodisponibilité du dasatinib et du bosutinib en cas d’association à un IPP ou un anti-H2 ; sous imatinib, attention aux fortes doses de paracétamol (risque potentiel d’augmentation de sa toxicité hépatique).

SURVEILLANCE

Dépistage d’une infection par le VHB

Dépistage du VHB avant l’initiation du traitement et surveillance des patients porteurs du VHB pendant le traitement et plusieurs mois après son arrêt.

NFS régulière en début de traitement et en cas de saignements ou de signes évocateurs d’infection (fièvre…).

ECG en cas de prise d’un médicament allongeant le QT et surveillance de la kaliémie en cas de vomissements, diarrhées, traitement hypokaliémiant.

Examen cardiopulmonaire en cas de prise de poids anormale.

Glycémie et bilan lipidique 1 à 2 fois par an et surveillance régulière des transaminases et de la créatininémie.

  • Sources : J. L. Merlin, Les inhibiteurs de tyrosine kinase en oncologie, La lettre du Cancérologue, vol. XVII- n° 7 – septembre 2008 ; Ledoux MP, Natarajan-Ame S. Leucémie myéloïde chronique : des réponses et des questions. mt 2013, 19 (2) : 128-38 ; leucemie-espoir.org, Fiche d’information rédigée par les médecins de la Société française d’hématologie (mars 2009), La leucémie myéloïde chronique ; pharmacorama.com, Inhibiteurs de protéines kinases ; Institut national du cancer, juin 2015, Médicaments ciblant BCR-ABL, informer, prévenir et gérer leurs effets indésirables .

ALLER PLUS LOIN

Traitement ITK ciblant BCR-ABL et vaccination
– Dans le cadre d’une hémopathie maligne traitée par chimiothérapie et pour tout patient présentant une immunodépression, le Haut Conseil de la santé publique* préconise, en plus de la mise à jour, le cas échéant, des vaccinations recommandées en population générale, les vaccinations antigrippale (vaccin inactivé) et antipneumococcique.
– Les vaccins vivants sont en revanche contre-indiqués en cas d’immunodépression. Ils doivent être réalisés au moins 2 à 4 semaines avant l’instauration du traitement.

* « Vaccination des personnes immunodéprimées ou aspléniques, Recommandations », Haut Conseil de la santé publique (HCSP), 2014.