Recherche et innovation Réservé aux abonnés

Les bisphosphonates

Publié le 28 avril 2023
Par Nathalie Belin
Mettre en favori

Ralentissant le remodelage osseux, les bisphosphonates sont des traitements de première ligne de l’ostéoporose. Expliquer leur intérêt et la façon de prévenir leurs effets indésirables favorise l’observance.

De quoi s’agit-il ?

Les bisphosphonates, anciennement appelés diphosphonates, ralentissent le remodelage osseux. Cette classe thérapeutique regroupe plusieurs molécules utilisées :

→ par voie orale : alendronate ou acide alendronique ou clodronique (Fosamax et génériques), clodronate (Clastoban, Lytos), ibandronate (Bonviva) et risédronate (Actonel) ;

→ par voie injectable en perfusion intraveineuse : ibandronate (Bonviva ; Bondronat à l’hôpital), acide zolédronique (Aclasta, Zometa) et pamidronate (pamidronate de sodium Hospira à l’hôpital).

Comment agissent-ils ?

• Le tissu osseux se renouvelle constamment sous l’action des ostéoclastes, qui détruisent l’os ancien (= résorption osseuse), et des ostéoblastes, qui assurent la formation d’une nouvelle trame osseuse.

• Les bisphosphonates ont une forte affinité pour l’hydroxyapatite, un phosphate de calcium, principal composant de l’os. Ils se fixent sur les sites de résorption osseuse et agissent sur les ostéoclastes en inhibant des enzymes essentielles à leur activité et en induisant leur apoptose. Ce qui enraye la dégradation osseuse. Cette action anti-ostéolytique réduit par ailleurs les taux sériques de calcium.

• Après administration, une partie de la dose est éliminée dans les urines, l’autre « séquestrée » dans le tissu osseux. Cette particularité permet, selon les molécules, dosage et voie d’administration, des rythmes de prises à intervalle plus ou moins prolongé et explique l’effet rémanent (= persistant) à l’arrêt du traitement.

Publicité

Quelles indications ?

L’ostéoporose est la principale indication des bisphosphonates.

• Ostéoporose post-ménopausique. Trois molécules sont indiquées pour réduire le risque de fractures vertébrales et de la hanche : alendronate, risédronate et acide zolédronique (Aclasta). Certaines spécialités les associent au calcium et/ou à de la vitamine D (voir tableau). L’ibandronate a une AMM dans cette indication (Bonviva, comprimé et solution injectable) mais, faute d’efficacité démontrée sur les fractures du col du fémur, il n’est ni recommandé, ni remboursé.

→ Stratégie. Les bisphosphonates sont recommandés en première intention dans l’ostéoporose post-ménopausique(1). Si un antécédent personnel de fracture ostéoporotique sévère (hanche, vertèbres, bassin, humérus) justifie un traitement anti-ostéoporotique, son instauration se discute dans les autres cas selon la densité minérale osseuse (DMO, voir Dico+), mais aussi selon d’autres facteurs de risque : âge, faible poids, ménopause précoce, fracture de fragilité survenue après un traumatisme minime, tabagisme, consommation d’alcool…

• Ostéoporose cortisonique. AMM pour le risédronate 5 mg et l’acide zolédronique (Aclasta).

→ Stratégie. La corticothérapie au long cours induit une baisse rapide de la masse osseuse. Un traitement préventif par bisphosphonate peut être indiqué en fonction d’autres facteurs de risque individuel d’ostéoporose, en cas de corticothérapie de plus de trois mois à une dose d’au moins 7,5 mg d’équivalent prednisone par jour. Le tériparatide (Forsteo et génériques ou biosimilaires) est aussi indiqué dans ce cas.

• Ostéoporose masculine. Le risédronate 35 mg et l’acide zolédronique (Aclasta) sont indiqués.

→ Stratégie. La décision d’instaurer un traitement dépend des antécédents de fractures et des facteurs de risque. Outre un âge supérieur à 70 ans, les causes les plus fréquentes d’ostéoporose sont une corticothérapie, une BPCO, l’alcool et des causes iatrogènes, tels les analogues de la GnRH dans le cancer de la prostate.

• Autres. Le clodronate (Clastoban, Lytos), l’ibandronate, l’acide zolédronique (Zometa) et le pamidronate sont indiqués dans le traitement des hypercalcémies et/ou des ostéolyses d’origine maligne sans hypercalcémie. Aclasta et le risédronate 30 mg sont indiqués dans la maladie de Paget (voir Dico+) et réservés aux formes douloureuses ou compliquées.

Quelle administration ?

• La biodisponibilité des bisphosphonates par voie orale est faible, et diminuée en cas de prise alimentaire (voir Précautions). Une prise à jeun, au moins 30 minutes avant le premier repas et avant toute autre prise médicamenteuse, est recommandée, excepté pour la forme gastrorésistante de risédronate 35 mg (voir tableau).

• Du fait d’effets indésirables digestifs, leur prise orale doit se faire debout ou assis, sans s’allonger dans les 30 à 60 minutes qui suivent.

Quels effets indésirables ?

• Il s’agit de troubles gastro-intestinaux, surtout avec les formes orales : nausées, dyspepsies, constipation, diarrhée, œsophagite, voire rares ulcères œsophagiens. Douleurs ostéo-articulaires et musculaires et céphalées sont fréquentes et des troubles visuels, possibles. L’acide zolédronique peut induire un syndrome pseudo-grippal, surtout lors de la première injection, et des altérations de la fonction rénale.

• Les bisphosphonates sont à l’origine de rares ostéonécroses de la mâchoire (voir Dico+), le plus souvent avec les molécules injectables utilisées dans les complications osseuses des cancers, et de fractures atypiques du fémur, lors de traitements au long cours (≥ 5 ans).

Quelles précautions ?

• Interactions. Les sels de fer, calcium, magnésium, zinc et les anti-acides peuvent diminuer l’absorption digestive des bisphosphonates et doivent être pris au moins deux heures après.

• Contre-indications : hypocalcémie, grossesse et allaitement, insuffisance rénale sévère, et, pour les formes orales, troubles de l’œsophage ralentissant le transit œsophagien ou l’incapacité à se tenir assis 30 minutes après la prise.

Quels conseils ?

• Normaliser les apports en vitamine D et en calcium est indispensable et nécessaire à l’efficacité des bisphosphonates, hormis le traitement des hypercalcémies. En cas d’ostéoporose, l’arrêt du tabac et la diminution de la consommation d’alcool le cas échéant, le maintien d’un poids normal et l’activité physique, bénéfique sur la masse osseuse, sont recommandés.

• Améliorer l’observance médiocre car l’ostéoporose est une maladie silencieuse considérée peu grave, et/ou par peur des effets indésirables. L’adhésion réduit le risque de fracture.

• Expliquer les effets indésirables. Les œsophagites sont rares si l’on respecte les modalités de prise. Le risque d’ostéonécrose de la mâchoire est très rare. Il peut être prévenu par un bilan bucco-dentaire avant la mise en route du traitement, avec deux brossages par jour, avec un dentifrice fluoré et une brosse souple, et deux visites de contrôle dentaire par an(2). Douleur ou faiblesse dans la cuisse, la hanche ou l’aine doivent amener à consulter ; ces signes sont évocateurs d’une fracture atypique du fémur très rare(3).

• Sensibiliser les personnes à risque. La brochure « Courez-vous un risque d’ostéoporose ? », élaborée par le Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (Grio), s’adresse aux femmes et aux hommes et permet d’évaluer son risque via un questionnaire sur le site cespharm.fr

(1) Fiche Bon usage des médicaments de l’ostéoporose, Haute Autorité de santé, janvier 2023.

(2) Risque d’ostéonécrose médicamenteuse de la mâchoire par bisphosphonates, denosumab et apparentés…, Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD), juin 2021.

(3) Biphosphonates et fractures atypiques du fémur, point d’information, ANSM, 2011.

Dico +

→ Le résultat de la densité minérale osseuse (DMO), déterminé lors d’une ostéodensitométrie, est exprimé en T-score : nombre d’écarts-types (ou déviations standard) séparant la DMO du patient de celle d’une population de référence. T-score > – 1 = DMO normale ; – 2,5 < T-score ≤ - 1 = ostéopénie ; T-score ≤ - 2,5 = ostéoporose.

→ Maladie de Paget : maladie caractérisée par un remodelage osseux (résorption et formation) accéléré, induisant des os plus gros et parfois des déformations.

→ Ostéonécrose de la mâchoire : mise à nu de l’os mandibulaire, le plus souvent avec risque d’infection.