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Les biosimilaires feront-ils muter l’ADN de l’officine ?
Les biosimilaires sauveront-ils l’officine (et les comptes publics) ? Ces thérapies, toujours très peu diffusées en France, permettraient de générer d’ici 2027, 7,4 milliards d’euros d’économies et, accessoirement, de galvaniser l’économie officinale. Comme l’ont fait les génériques 25 ans plus tôt. Sauf que les fabricants s’interrogent aujourd’hui sur la rentabilité de ces thérapies.
À l’horizon 2025, la diffusion des biosimilaires est amenée à devenir massive. Ces copies de médicaments biologiques dont le brevet est tombé dans le domaine public présentent un double avantage. Dans un contexte de pénurie, elles augmentent l’offre de médicaments biologiques disponibles, limitant ainsi les risques de tensions et les ruptures de stock. Et surtout, elles sont entre 15 à 30 % moins chères que les homologues de référence, d’où des économies substantielles pour les systèmes de santé. Selon une étude menée par le cabinet Iqvia en juin 2023, étendre le choix aux hybrides et aux biosimilaires permettrait d’éviter 7,4 milliards d’euros de dépenses d’ici à 2027. Une manne pour l’institution régulatrice dont le déficit clignote à plus de 11 milliards d’euros en 2024.
Actuellement, seules deux molécules, le filgrastim et le pegfilgrastim, peuvent être substituées à l’officine. Mais les possibilités de remplacement sont censées se multiplier. L’article 54 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 autorise enfin le pharmacien à « substituer un médicament biologique de référence prescrit par un médecin par son biosimilaire, deux ans après la commercialisation du premier biosimilaire du même groupe, sauf avis contraire de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ». Une décision saluée. Aucun arrêté du ministère de la Santé n’a toutefois encore été publié. De quoi s’inquiéter ? A priori, non. D’ici le 31 décembre, l’ANSM devrait publier sont avis sur de nouveaux groupes biosimilaires ouverts à la substitution par le pharmacien. Et les arrêtés d’application devraient suivre début 2025.
Un marché stagnant
En attendant, le marché des biosimilaires ne décolle pas. Si l’Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni affichent des taux de pénétration de 80 %, en France, ils stagnent à 30 %, loin, très loin des objectifs fixés en 2018 dans la feuille de route d’Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé. « Une des barrières au développement des biosimilaires est la réticence de certains patients et de prescripteurs, identiques à celle constatée pour les génériques. […] Pour ne pas perdre le marché, les laboratoires de princeps peuvent aussi aligner leurs prix de vente sur ceux des biosimilaires, lancer de nouvelles formes galéniques ou des versions présentant une amélioration par rapport au médicament original », relève Alexandre de Larrard, dans sa thèse de doctorat en pharmacie « Taux de pénétration des biosimilaires en France : exemple du trastuzumab », soutenue le 26 octobre 2021. Nécessité économique oblige : depuis deux ans, l’Assurance maladie est déterminée à déployer ces thérapies à grande échelle. « À la direction de la Sécurité sociale, nous souhaitons accroître la diffusion, la prescription des biosimilaires », avait déclaré en juin 2023 le directeur de la Sécurité sociale, Franck Von Lennep, invité par l’Association des journalistes de l’information sociale. Objectif visé par les autorités : substituer à hauteur de 80 % dans les groupes thérapeutiques où les biosimilaires existent.
La Sécu sort le carnet de chèques
Pour répondre à cette exigence, la Sécu a sorti le carnet de chèques. Au printemps, la nouvelle convention nationale signée avec les médecins libéraux prévoit ainsi un dispositif d’intéressement à la prescription de biosimilaires de 1,1 milliard d’euros. Ces derniers devront particulièrement cibler la pénétration des biosimilaires en ophtalmologie (traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, ou DMLA), gastroentérologie, rhumatologie et dermatologie (anti-tumor necrosis factor, ou anti-TNF).
Les pharmaciens sont loin de bénéficier de telles largesses mais, pour eux aussi, l’intérêt de la substitution se précise. Chaque année, ces thérapies pourraient rapporter entre 200 millions et 300 millions d’euros. Une manne, à l’heure où l’économie officinale vacille : les marges ont chuté de 5 % entre 2023 et 2024, et les génériques – bien que représentant toujours 30 % du résultat net d’une officine – rapportent de moins en moins. Autre argument en faveur de la substitution, la multiplicité des fournisseurs pour une même molécule. Résultat ? Le risque de rupture est largement diminué.
Partie remise
Si l’arrêté d’égalisation des marges a été publié en juillet dernier, quelques jours à peine après la dissolution, les yeux des officinaux sont désormais rivés vers le prochain PLFSS. Ce texte devra indiquer l’ampleur des remises dont les pharmaciens pourront bénéficier. « Dans le cadre des négociations de l’avenant économique, le ministre de la Santé s’était engagé à nous octroyer des montants de remises identiques à ceux des génériques », souligne Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officines (USPO), rappelle à son tour la nécessité pour le nouveau gouvernement de respecter les promesses antérieures : « Les pharmaciens ont besoin de ces remises pour garantir au réseau défaillant un souffle économique. Il nous semble également indispensable d’obtenir une rémunération sur objectifs de santé publique. Elle pourrait générer, elle aussi, entre 150 à 200 millions d’euros chaque année au réseau. Si nous devions ne pas obtenir ces nouvelles sources de financement pour l’officine, nous nous engagerions dans un sérieux bras de fer. »
Le gouvernement va devoir jouer serré
À peine nommée, Geneviève Darrieussecq, la nouvelle ministre de la Santé, va devoir adopter la bonne tactique. Il lui faudra d’un côté rasséréner les officinaux sur l’ampleur de ces remises mais aussi apaiser les relations du gouvernement avec les industriels. En trois ans, la clause de sauvegarde, taxe à laquelle les laboratoires pharmaceutiques sont assujettis sur leurs bénéfices, a été multipliée quasiment par trois, passant de 120 millions d’euros en 2021 à 300 millions en 2023. Dans le même temps, le prix des génériques n’a cessé de dégringoler. À plus ou moins longue échéance, beaucoup de génériqueurs redoutent un sort identique pour les biosimilaires. « Sur 130 biosimilaires potentiellement disponibles en 2030, 50 % pourraient ne pas voir le jour à cause de prix trop bas, ou d’une population cible trop étroite », expliquait Fabrice Moia, directeur des médicaments biologiques chez Sandoz France, au Figaro, le 16 septembre. Un discours dont les pharmaciens comme l’Assurance maladie doivent redouter le caractère performatif.
Toujours à l’étude à l’ANSM
Depuis février 2024, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a créé un comité scientifique temporaire visant à définir les conditions de la substitution. Composé d’associations de patients et de professionnels de santé, il associe des membres permanents aux compétences transversales et d’autres conviés spécifiquement pour l’examen de certains groupes de biosimilaires. Le 10 septembre dernier, l’agence a rendu un premier avis spécifique autorisant la substitution des groupes de médicaments biologiques similaires du ranibizumab (médicament de référence : Lucentis) et de l’aflibercept (Eylea). L’ensemble des autres avis sera rendu avant le 31 décembre 2024.
À retenir
– À partir de 2025, le nombre de biosimilaires substituables dans les officines est amené à augmenter fortement.
– Le déploiement de ces thérapies, commercialisées à un prix de 15 à 30 % moins cher que le médicament bioréférent, permettra à l’Assurance maladie de réaliser jusqu’à 7 milliards d’euros d’économies à l’horizon 2027.
– Ces thérapeutiques devraient aussi apporter un souffle salvateur à l’économie de l’officine, en générant pour le réseau 200 à 300 millions d’euros sous réserve pour les pharmaciens d’obtenir des remises identiques à celles des génériques.
– Reste à susciter l’envie des génériqueurs de poursuivre la fabrication de ces thérapeutiques : la clause de sauvegarde ne cesse de s’accroître depuis trois ans. Beaucoup redoutent aussi des prix baissiers, à l’instar de ceux pratiqués pour les génériques aujourd’hui.
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