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Les antifongiques azolés

Publié le 23 mars 2018
Par Maïtena Teknetzian
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Les antifongiques azolés sont utilisés par voie locale ou générale dans diverses infections fongiques. En inhibant une enzyme des cytochromes P450, ils interfèrent avec le métabolisme hépatique de nombreux médicaments dont ils augmentent les concentrations plasmatiques.

MÉCANISME D’ACTION

Inhibition de la synthèse de l’ergostérol

Les antifongiques azolés inhibent la 14-a-déméthylase, isoenzyme appartenant aux cytochromes P450 des cellules fongiques et impliquée dans la synthèse de l’ergostérol, constituant principal de la membrane des champignons. Ils provoquent ainsi une accumulation de lanostérol, précurseur toxique de l’ergostérol, qui lèse la membrane fongique. Ils agissent aussi sur les CYP450 des cellules de l’hôte.

En règle générale, les antifongiques azolés sont fongicides sur les champignons filamenteux (Aspergillus notamment)et fongistatiques sur les levures (Candida et Cryptococcus).

INDICATIONS

Mycoses invasives

Le fluconazole est principalement utilisé dans les cryptoccoses neuro-méningées et les candidoses systémiques, œsophagiennes ou oropharyngées chez l’immunodéprimé. Du fait de son élimination rénale sous forme active, il est également utilisé dans les candidoses urinaires.

L’itraconazole a un large spectre d’activité et est notamment indiqué dans le traitement des mycoses invasives, des dermatophytoses cutanées, mais aussi des candidoses orales et/ou œsophagiennes des patients VIH positif.

Le miconazole est indiqué sous forme buccale dans le traitement des candidoses buccales (gel) et oro-pharyngées chez les immunodéprimés (comprimé muco-adhésif).

Par voie locale, les azolés sont indiqués dans le traitement d’infections superficielles à Candida, Pitysporum ou dermatophytes (éconazole, kétoconazole, miconazole…).

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PHARMACOCINÉTIQUE

Inhibiteurs de CYP450

Le miconazole est peu absorbé au niveau du tractus digestif (biodisponibilité orale de 25 %) et est de ce fait utilisé par voie locale (buccale, cutanée ou vaginale). La plus grande partie du miconazole absorbé est métabolisée par le foie.

Le fluconazole, hydrophile, est éliminé par voie rénale sous forme inchangée (nécessité d’adapter les posologies à la clairance de la créatinine). Il diffuse bien au niveau du liquide céphalorachidien, du tissu pulmonaire, et passe dans le lait maternel.

L’itraconazole, lipophile, est métabolisé par le CYP450 3A4.

Du fait de leur mode d’action, les antifongiques azolés sont inhibiteurs des cytochromes, de l’isoforme 3A4 en particulier. Le fluconazole et le miconazole sont aussi inhibiteurs du 2C9.

EFFETS INDÉSIRABLES

Digestifs et hépatiques

Les effets indésirables les plus fréquents sont des troubles gastro-intestinaux. Sont également rapportées des atteintes hépatiques avec élévation des transaminases, généralement réversibles à l’arrêt du traitement, et des atteintes hématologiques à type de leucopénie et thrombopénie (rares).

Des réactions cutanées sont possibles incluant syndromes de Lyell ou de Stevens-Johson.

Le fluconazole peut allonger l’intervalle QT et être à l’origine de torsades de pointe.

L’itraconazole peut (très rarement) induire une insuffisance cardiaque congestive. Il est par ailleurs fréquemment hypokaliémiant.

Le fluconazole et l’itraconazole sont potentiellement tératogènes.

CONTRE-INDICATIONS

Grossesse

L’utilisation de fluconazole, d’itraconazole et de miconazole pendant la grossesse est réservée aux situations mettant en jeu le pronostic vital maternel.

L’itraconazole est contre-indiqué en cas d’insuffisance cardiaque congestive (ou antécédents) et de dysfonction ventriculaire. Le miconazole est contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique.

PRINCIPALES INTERACTIONS

Par inhibition enzymatique

Les formes buccales de miconazole sont contre-indiquées avec les AVK, les sulfamides hypoglycémiants et la dihydroergotamine.

L’itraconazole est, entre autres, contre-indiqué avec les dérivés ergotés vasoconstricteurs, l’atorvastatine et la simvastatine, la mizolastine, l’alfuzosine, l’ivabradine, le vardénafil (si le patient a plus de 75 ans) et le dabigatran.

L’association d’itraconazole ou de fluconazole à l’apixaban, au rivaroxaban ou à la colchicine est déconseillée du fait d’un risque d’une diminution de leur métabolisme par les azolés. Leur association aux AVK impose de renforcer la surveillance de l’INR. Il en est de même chez les patientes sous AVK traitées par ovules d’antifongiques azolés.

Des inducteurs enzymatiques (comme la rifampicine) sont déconseillés avec l’itraconazole ; l’association millepertuis/itraconazole est, elle, contre-indiquée.

Du fait d’un risque majoré de torsades de pointe, le fluconazole et l’itraconazole sont contre-indiqués ou déconseillés avec de nombreux médicaments : pimozide, halofantrine, dompéridone…

  • Sources : pharmacomédicale.org, Antifongiques : les points essentiels ; Pharmacorama.com : Antifongiques agissant sur la membrane des champignons, inhibiteurs de la synthèse d’ergostérol ; Le Guide Prescrire : Patients atteints de mycose invasive, patients sous antifongique azolé.

Le voriconazole (Vfend), le posaconazole (Noxafil) et le kétoconazole oral (Kétoconazole HRA) sont soumis à prescription restreinte.
– Le voriconazole est contre-indiqué avec de nombreux substrats du CYP450 3A4 dont il est un puissant inhibiteur, ainsi qu’avec le ritonavir (> 400 mg deux fois/j) et les inducteurs enzymatiques qui diminuent ses concentrations plasmatiques. Il peut induire des anomalies de la fonction hépatique, une insuffisance rénale aiguë, des troubles visuels, des troubles du rythme cardiaque, une photosensibilisation, des hallucinations et une confusion.
– Le posaconazole inscrit sur la liste de rétrocession, est contre-indiqué avec de nombreux substrats du CYP450 3A4 et expose principalement aux risques de toxicité hépatique et d’allongement du QT.
– Le kétoconazole oral n’a plus d’indication antifongique depuis 2013, en raison de sa forte hépatotoxicité. Il est désormais réservé au traitement du syndrome de Cushing (du fait de son mode d’action perturbant le métabolisme des stéroïdes, il est en effet capable d’inhiber la synthèse du cortisol et de l’aldostérone). Sa prescription est restreinte aux endocrinologues. Il est contre-indiqué avec de nombreux substrats du CYP450 3A4.