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Les antalgiques : codéine et tramadol

Publié le 10 juillet 2021
Par Maïtena Teknetzian
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La codéine et le tramadol sont utilisés comme antalgiques de palier 2 dans le soulagement des douleurs modérées à intenses, souvent en association au paracétamol. Ces opiacés faibles exposent au même profil d’effets indésirables (éventuellement moins marqués) que les opiacés forts.

Mécanisme d’action

Agonistes enképhalinergiques

→ La codéine et le tramadol sont des agonistes partiels des récepteurs µ enképhalinergiques (récepteurs aux opiacés physiologiques), dont l’efficacité maximale est inférieure à celle des morphiniques qui sont des agonistes entiers.

→ Outre son effet agoniste µ, le tramadol inhibe la recapture neuronale de la sérotonine et de la noradrénaline. Cette action monoaminergique contribue à l’effet analgésique, mais l’implique dans de potentielles interactions médicamenteuses.

Indications

Douleurs modérées à intenses

→ Les opiacés faibles sont indiqués dans les douleurs noci­ceptives d’intensité modérée à intense ou ne répondant pas à l’utilisation d’antalgiques de palier 1 utilisés seuls.

→ Le tramadol est indiqué chez l’adulte et l’enfant à partir de 3 ans (solution buvable).

→ La codéine est indiquée chez l’adulte et l’enfant de plus de 12 ans. Son utilisation en postamygdalectomie ou post­adénoïdectomie n’est pas recommandée chez les moins de 18 ans (risque majoré de complications et de décès).

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Pharmacocinétique

Transformation de la codéine en morphine

→ La codéine et le tramadol sont métabolisés par le foie, puis majoritairement éliminés par voie rénale.

→ La codéine, principalement métabolisée par glucuroni­dation, subit aussi une transformation par le cytochrome P450 (CYP) 2D6 en morphine. Le tramadol est métabolisé par le CYP 2D6 en O-desméthyltramadol dont l’effet opioïde est plus puissant que celui du tramadol. Or l’activité de ce cytochrome est conditionnée par la génétique (métaboliseurs lents, rapides voire ultra­rapides). La codéine et le tramadol sont donc moins efficaces chez certains patients et la codéine entraîne des détresses respiratoires (voire des décès), notamment chez l’enfant métaboliseur rapide.

Effets indésirables

Dépression du système nerveux central

→ En raison d’une action dépressive sur le système nerveux central, la codéine et le tramadol exposent à un risque de somnolence somnolence diurne, de vertiges, d’altération de la vigilance somnolence diurne, vestiges, altération de la vigilance (déconseiller la conduite automobile) voire de confusion (en particulier chez le sujet âgé).

→ Leur action sur la musculature lisse, notamment au niveau du tube digestif, est à l’origine de nausées, de vomissements et de constipation (conseiller une hydratation suffisante et la consommation de fibres). Des troubles mictionnels, dus à une augmentation de la contraction du sphincter lisse, sont également possibles.

→ La codéine aux doses usuelles et le tramadol en cas de surdosage peuvent être responsables de détresse respiratoire.

→ En cas d’utilisation prolongée à fortes doses, une pharmaco­dépendance peut s’observer avec un risque de syndrome de sevrage à l’arrêt brutal (anxiété, nervosité, agitation, tremblements et troubles digestifs).

→ Le tramadol peut être responsable de convulsions épilepti­formes (surtout en cas de doses élevées et d’association aux antidépresseurs imipraminiques ou aux neuroleptiques qui abaissent le seuil épileptogène). Il expose en outre à un risque d’hypoglycémie.

Contre-indications

Insuffisance respiratoire sévère

→ La codéine et le tramadol sont contre-indiqués chez les insuffisants respiratoires et la codéine chez l’asthmatique également.

→ La codéine est contre-indiquée chez la femme allaitante tout comme l’utilisation chronique de tramadol (prise unique ponctuelle possible).

→ Le tramadol est contre-indiqué chez les épileptiques non contrôlés par un traitement.

Interactions

Tramadol et risque de syndrome sérotoninergique

→ L’association aux autres dépresseurs du système nerveux (anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs sédatifs, certains antihistaminiques H1, alcool, etc.) majore le risque de dépression centrale ou respiratoire.

→ Le tramadol est contre-indiqué avec les inhibiteurs de monoamine oxydase (IMAO) en raison d’un risque majoré de syndrome sérotoninergique. Son association aux inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS), à la venlafaxine ou aux anti­dépresseurs tricycliques doit prendre en compte ce même risque.

→ L’association de la codéine aux agonistes-antagonistes morphiniques (buprénorphine) est contre-indiquée (diminution de l’efficacité de la codéine).

Sources : « Opiacés faibles », pharmacomedicale.org ; « Prise en charge médicamenteuse de la douleur chez l’enfant », fiche mémo de la Haute Autorité de santé (HAS), janvier 2016 ; Point d’information de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), 17 juillet 2017 ; « Introduction à la physiopathologie de la douleur », em-consulte.com ; « Tramadol : augmentation de la mortalité ? », Prescrire, mars 2020 ; « Etat des lieux de la consommation des antalgiques opioïdes », ANSM, février 2019.

À NOTER

– Depuis le 15 avril 2020, la durée maximale de prescription des médicaments antalgiques contenant du tramadol (voie orale) est réduite de 12 mois à 3 mois. Le tramadol est le premier antalgique opioïde rapporté dans les notifications d’usage problématique du réseau d’addictovigilance et la première molécule impliquée dans les décès liés aux antalgiques en France.

– Depuis juillet 2017, la délivrance de codéine, quelle que soit sa dose, nécessite une prescription médicale, y compris lorsqu’elle est utilisée comme antitussif.

Autre usage de la codéine

La codéine est également utilisée pour ses propriétés antitussives. A l’instar des spécialités antal­giques, la délivrance n’est autorisée que sur prescription médicale (Dinacode, Néo-codion, Padéryl, Polery, etc.), les sirops étant depuis juillet­?2017 inscrits sur la liste II et les comprimés sur la liste I. Les autres antitussifs opiacés (dextro­méthorphane, éthylmorphine, noscapine, pholcodine) sont également délivrés sur prescription.