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Les androgènes

Publié le 5 octobre 2013
Par Denis Richard
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Cibler la voie des androgènes supplée à l’action de la testostérone physiologique (hypogonadisme) ou inhibe leur action sur certains tissus cibles (prostate).

• Les androgènes sont des hormones stéroïdiennes naturelles ou synthétiques.

• Les androgènes physiologiques sont la testostérone et la dihydrotestostérone (DHT = androstanolone). Déhydroépiandrostérone (DHEA), androstènediol, androstènedione et androstérone, de par leur action physiologique secondaire, n’intéressent pas la thérapeutique.

• Les androgènes de synthèse (nandrolone, trenbolone, noréthandrolone, etc.) ont moins d’effet sur les caractères sexuels mais ils possèdent une action anabolisante plus puissante. Leur usage – illicite – pour développer la musculature ou améliorer la performance sportive entraîne notamment des troubles hormonaux (virilisation de la femme) et une addiction.

Quel est leur métabolisme ?

• La testostérone est produite, sous contrôle hypothalamohypophysaire, à partir de la progestérone :

– chez l’homme, par les cellules de Leydig du testicule ;

– chez la femme, en faible quantité, par l’ovaire et le cortex surrénal.

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• Cette hormone est transformée en DHT, médiateur de la plupart des actions androgènes, par une 5-alpharéductase de type 1 (peau, foie) ou 2 (prostate, vésicules séminales). Elle est directement active dans les tissus dépourvus de réductase (muscles, hypophyse).

• Une faible partie de la testostérone est transformée en estradiol par une aromatase (testicule, foie). Cette aromatisation, significative surtout en cas de cirrhose et d’hyperthyroïdie, explique la gynécomastie parfois observée avec une forte dose d’androgènes. Les médicaments antiaromatase indiqués dans le traitement du cancer du sein (anastrozole, exémestane, létrozole) inhibent la production physiologique d’estrogènes à partir des androgènes.

Quel est leur impact physiologique ?

• Testostérone et DHT agissent sur la transcription de nombreux gènes, après fixation sur un récepteur. Leur action a de multiples cibles physiologiques :

– Virilisation de l’embryon. Le phénotype masculin est sous la dépendance de la sécrétion de testostérone par le testicule fœtal dès la 8e semaine (d’où risque de virilisation du fœtus femelle par administration d’androgènes à la femme enceinte).

– Différenciation sexuelle pubertaire. Testostérone et DHT provoquent le développement des caractères sexuels masculins primaires (verge, glandes séminales, prostate) et secondaires (pilosité, comportement, morphologie), puis maintiennent leur intégrité et favorisent la spermatogenèse. Le cancer de la prostate est androgénodépendant (d’où l’usage de médicaments antiandrogènes).

– Métabolisme protéique. Les androgènes exercent un effet anabolisant (d’où augmentation pondérale et développement musculaire) mais accélèrent la soudure des cartilages de conjugaison (arrêt de croissance s’ils sont administrés au jeune enfant).

– Os. La testostérone augmente la minéralisation osseuse. Une déficience entraîne ostéopénie et ostéoporose.

– Hématopoïèse. Testostérone et DHT stimulent l’érythropoïèse et augmentent l’hématocrite (risque de thrombose).

– Métabolisme de l’eau et des ions. La testostérone augmente la rétention sodée (prise de poids) et élève la calcémie.

– Métabolisme lipidique. Les androgènes inhibent l’accumulation lipidique dans l’adipocyte. La multiplication des glandes sébacées explique l’apparition d’acné chez le garçon à la puberté.

– Système nerveux central. Les androgènes sont impliqués dans la régulation de l’agressivité et de la libido.

• Ces effets expliquent que les médicaments androgènes sont contre-indiqués chez l’enfant (troubles de la croissance), chez la femme enceinte (anomalies de la différenciation sexuelle), chez l’homme en cas de tumeur androgénodépendante (prostate) et en cas de thrombose. Leur administration chez la femme entraîne des signes de virilisation (acné, hirsutisme, raucité de la voix, etc.).

Qu’est-ce qu’une dysandrogénie ?

• Hypoandrogénisme. L’hypoandrogénisme associe diminution ou absence de libido, dysfonction érectile, fatigue, bouffées de chaleur, dépression, anémie, faiblesse musculaire, gain de poids, ostéopénie, ostéoporose. La pilosité corporelle est longtemps conservée. Il a une origine hypothalamohypophysaire ou testiculaire (traumatisme, infection virale, syndrome de Klinefelter, etc.) ; dans certains cas, la transformation de la testostérone en DHT ne s’effectue pas (déficit en 5-alpha-androstane-réductase). Il peut aussi avoir une étiologie iatrogène (administration chronique d’opioïdes induisant une baisse des gonadotrophines…) ou être lié à l’âge (andropause).

• Hyperandrogénisme. L’hyperandrogénisme, concernant la femme, associe hyperpilosité de type masculin, acné précoce et sévère et, dans les cas extrêmes, virilisation. Il est associé à la maladie des ovaires polykystiques.

Quels sont les substituts androgènes physiologiques ?

• Testostérone et DHT sont prescrites dans le déficit androgène. La supplémentation dans l’hypogonadisme lié à l’âge reste discutée en raison du risque probable d’hypertrophie bénigne ou de cancer de la prostate et de trouble thrombotique (augmentation de l’hématocrite).

• La DHT (androstanolone) traite par voie locale :

– le lichen scléroatrophique, lié à l’absence de métabolisation locale de la testostérone (défaut de 5-alpharéductase cutanée) ;

– une gynécomastie idiopathique : non « aromatisable », la DHT ne livre pas d’œstrogènes à l’origine de gynécomastie.

 La testostérone bénéficie de diverses modalités d’administration (voie transdermique mais aussi injectable ou orale) : elle est indiquée en suppléance chez un sujet masculin hypogonadique.

Quels sont les autres androgènes ?

• Le danazol (Danatrol gélule 200 mg) est indiqué notamment dans le traitement de l’endométriose (réduction de la sécrétion des gonadotrophines).

• La noréthandrolone (Nilevar cp 10 mg à prescription initiale hospitalière), le seul anabolisant encore commercialisé en France, est indiquée dans le traitement de l’aplasie médullaire.

Quels sont les antiandrogènes ?

Les antiandrogènes, qui inhibent la production physiologique d’androgènes ou l’action des androgènes sur leur récepteur, ont quatre indications essentielles.

• Hypertrophie bénigne de la prostate (HBP). Les inhibiteurs de la 5-alpharéductase réduisent l’action de la DHT dans les tissus où elle est produite, sans affecter le métabolisme protidique ou le rétrocontrôle des gonadotrophines hypophysaires. Finastéride (Chibro-Proscar) et dutastéride (Avodart) sont indiqués dans le traitement symptomatique de l’HBP.

• Cancer de la prostate hormonodépendant. Le traitement antihormonal réduit l’effet des androgènes sur ce cancer hormonodépendant :

– antagonistes des récepteurs androgènes : cyprotérone (Androcur), bicalutamide (Casodex, Ormandyl), flutamide (Eulexine), nilutamide (Anandron), enzalutamide (Xtandi, prochainement commercialisé).

– inhibiteurs sélectifs de la synthèse des androgènes : abiratérone (Zytiga).

– agonistes de la LH-RH hypothalamique : buséréline (Bigonist, Suprefact), goséréline (Zoladex), leuproréline (Eligard, Enantone), triptoréline (Décapeptyl, Gonapeptyl). Ils induisent une élévation transitoire de la LH et de la FSH hypophysaires et donc un pic de testostérone (effet « flush ») avant que cette dernière ne s’effondre en 2 à 3 semaines lorsque les récepteurs hypophysaires, saturés, deviennent insensibles à toute stimulation (d’où l’association en début de traitement d’un antagoniste des récepteurs androgènes, immédiatement actif).

– antagoniste de la LH-RH : dégarélix (Firmagon). Il inactive illico le récepteur de la LH-RH hypophysaire ; la privation androgène est atteinte en 3 jours sans besoin d’un antagoniste direct.

• Réduction des pulsions sexuelles dans les « déviations sexuelles ». Indication de la cyprotérone (Androcur) et de la triptoréline (Salvacyl).

• Alopécie androgène. Indication du finastéride (Propecia).

Sources : Hardman J.G., Limbird L.E. et al. (1998, 9e éd.), « Les bases pharmacologiques de l’utilisation des médicaments », McGraw-Hill ; Nigro N., Christ-Cain M. (2012), « Testostérone treatment in the aging male : myth or reality ? », Swiss Med. Weekly, 142.