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Les agonistes de la GnRH

Publié le 6 novembre 2021
Par Nathalie Belin
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Permettant de diminuer la synthèse d’œstrogènes ou de testostérone par les gonades, les agonistes de la GnRH sont principalement utilisés en cancérologie dans le traitement des cancers hormonodépendants ou en gynécologie, notamment dans le cadre de la procréation médicalement assistée.

Mécanisme d’action

Saturation des récepteurs hypophysaires

• La gonadolibérine ou GnRH (gonadotropin releasing hormone), encore appelée LHRH (pour luteinizing hormone releasing hormone), sécrétée de façon pulsatile par l’hypothalamus, régule les sécrétions hypophysaires de LH (luteinizing hormone) et de FSH (follicle-stimulating hormone), qui stimulent la synthèse des hormones gonadiennes.

• Administrés en continu via des injections quotidiennes ou une forme à libération prolongée, les agonistes de la GnRH provoquent, dans un premier temps, une stimulation transitoire de la synthèse des hormones sexuelles (effet « flare-up »). Puis après 2 à 4 semaines, un rétrocontrôle négatif met au repos l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadien. Cela permet de freiner le développement pubertaire, de maîtriser le « timing » d’un protocole de fécondation in vitro ou d’obtenir une atrophie du tissu endométriale ou des tissus tumoraux hormonodépendants. Cette « castration chimique » est toutefois réversible, généralement en 2 mois après l’arrêt du traitement.

• Plus rarement, une administration pulsatile est recherchée dans le but de stimuler les sécrétions de FSH et de LH et d’induire l’ovulation. Seule la gonadoréline est employée de cette façon (Lutrelef).

Indications

En gynécologie et en cancérologie

• Les principales indications des agonistes de la GnRH sont le cancer de la prostate et du sein, l’endométriose, l’infertilité en association aux gonadotrophines (LH, FSH et hCG, pour human chorionic gonadotropin) dans le cadre des protocoles de fécondation in vitro, le traitement préopératoire des fibromes utérins et les pubertés précoces chez les filles ou les garçons.

• La triptoréline à libération prolongée a une indication pour diminuer les pulsions sexuelles chez l’homme ayant des déviances sexuelles sévères (Salvacyl LP 11,25 mg). La gonadoréline a une indication à visée diagnostique (LHRH Ferring) pour l’exploration des fonctions gonadotropes (précocité sexuelle, retard pubertaire, anovulations, etc.).

Pharmacocinétique

Administration injectable ou nasale

• Les agonistes de la GnRH s’administrent par voie injectable (sous-cutanée ou intramusculaire) ou par pulvérisation nasale dans le cas de la nafaréline. Les formes à libération prolongée assurent, après quelques jours, une libération régulière du principe actif permettant d’espacer les administrations tous les mois, tous les 3 mois ou tous les 6 mois. Les rhinites ne semblent pas modifier l’absorption de la nafaréline.

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• Les données concernant leur métabolisme (indépendant des cytochromes P450) expliquent qu’ils ne soient pas impliqués dans des interactions d’ordre pharmacocinétique.

Leur élimination se fait par voie fécale ou rénale selon les molécules.

Effets indésirables

Liés à la privation hormonale

• En début de traitement, du fait de l’augmentation transitoire des taux d’œstrogènes ou de testostérone, il existe un risque d’exacerbation des symptômes de l’endométriose ou d’activation initiale de la tumeur avec un risque de rétention urinaire dans le cas du cancer de la prostate (justifiant l’association aux antiandrogènes comme le bicalutamide ou le nilutamide) ou d’exacerbations de douleurs osseuses en cas de métastases.

• Une fois la castration induite, les principaux effets indésirables sont des bouffées de chaleur, une diminution de la libido, une impuissance, une prise de poids, une aménorrhée (recherchée dans l’endométriose) et une sécheresse vaginale. Au long cours, il existe un risque accru de perte osseuse et d’ostéoporose, de modification métabolique (diabète ou aggravation d’un diabète) et d’accidents cardiovasculaires (infarctus, accident vasculaire cérébral). Dans l’endométriose, pour limiter ces effets indésirables et améliorer la qualité de vie, une add-back thérapie (traitement substitutif par œstrogène) est recommandée.

• Céphalées, troubles de l’humeur (dont des dépressions) sont également rapportées. Par ailleurs, les traitements par privation androgénique allongent parfois l’intervalle QT.

• Les molécules injectables peuvent induire des réactions transitoires au site d’injection et la nafaréline par voie intranasale, des signes de rhinite.

Contre-indications

Grossesse et allaitement

• Les agonistes de la GnRH utilisés dans le but d’obtenir une privation hormonale sont contre-indiqués en cas de grossesse et d’allaitement.

• La gonadoréline (Lutrelef) est contre-indiquée en cas d’affection pouvant être aggravée par les hormones gonadiques (tumeur hormonodépendante, kyste de l’ovaire, adénome hypophysaire, etc.).

• L’utilisation chez les patients présentant un risque particulier d’obstruction des voies urinaires ou de compression médullaire (en cas de métastases prostatiques) doit être prudente.

Interactions

Prudence avec les torsadogènes

• Les agonistes de la GnRH doivent être associés avec prudence aux médicaments connus pour allonger l’intervalle QT ou induisant des torsades de pointes (antiarythmiques, dompéridone, hydroxyzine, escitalopram, etc.).

• L’utilisation d’un décongestionnant nasal réduit l’efficacité de la nafaréline par voie nasale. Si besoin, il doit être administré au moins 30 minutes après la nafaréline.

Surveillance

Densité minérale osseuse

• Un traitement prolongé nécessite une surveillance de la masse osseuse et du risque cardiovasculaire, en particulier de la glycémie.

• Des erreurs de manipulation des spécialités à base de leuproréline à libération prolongée ayant été commises, il n’est pas recommandé que les patients s’injectent ces médicaments eux-mêmes. La spécialité Eligard nécessite un dosage de la testostéronémie tous les 3 mois. Le prescripteur doit mentionner sur l’ordonnance que ce dosage a été réalisé.

Le traitement par nafaréline ne doit pas être interrompu en cas de rhume.

Sources : « Agonistes et antagonistes de la LHRH », pharmacomedicale.org ; Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), « Information de sécurité », « Leuproréline injectable (Eligard, Enantone LP, Leptoprol) : injections à réaliser exclusivement par des professionnels de santé » ; base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr ; ANSM, Thésaurus des interactions médicamenteuses, octobre 2020 ; « Hormone hypothalamique : gonadoréline », pharmacorama.com ; Guide Prescrire des interactions.

Les antagonistes de la GnRH

– A la différence des agonistes, les antagonistes de la GnRH bloquent directement les récepteurs hypophysaires de la GnRH. D’où une suppression rapide des sécrétions de FSH et de LH sans stimulation initiale (donc sans effet « flare-up »).

– Trois molécules sont disponibles, indiquées dans l’infertilité – cétrorélix (Cetrotide), ganirélix (Orgalutran et Fyremadel) – et le cancer de la prostate – dégarélix (Firmagon). Elles s’administrent par voie sous-cutanée de façon quotidienne (Cetrotide, Orgalutran, Fyremadel) ou mensuelle (Firmagon). Contrairement aux agonistes, elles sont contre-indiquées ou s’utilisent avec prudence en cas d’atteintes hépatiques ou rénales.

– Les effets indésirables les plus fréquents sont liés à la privation hormonale dans le cancer de la prostate (bouffées de chaleur, fatigue, prise de poids, dysfonction érectile, baisse de libido, dépression, ostéoporose).