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Le valproate de sodium et ses dérivés
Outre des modalités d’emploi à préciser et des effets indésirables à surveiller, le valproate de sodium et ses dérivés font l’objet de modalités de délivrance particulières en raison d’un risque tératogène élevé.
De quoi s’agit-il ?
• Les termes valproate et acide valproïque sont couramment utilisés pour désigner le valproate sodique – ou de sodium -, et ses dérivés. Parmi les dérivés, on trouve le divalproate de sodium, ou valproate semisodique, composé d’une molécule de valproate de sodium et d’une molécule d’acide valproïque, ainsi que le valpromide. Ces dérivés n’ont pas les mêmes indications.
• Après métabolisme hépatique, toutes ces molécules se retrouvent dans l’organisme sous forme d’acide valproïque. Ce dernier exerce ses effets pharmacologiques essentiellement au niveau du système nerveux central. Il possède des propriétés anti-convulsivantes et thymorégulatrices, c’est-à-dire régulatrices de l’humeur. Elles seraient liées à une augmentation de la concentration en acide gamma-amino-butyrique (GABA), principal neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central.
Quelles sont leurs indications ?
• Épilepsie et convulsions fébriles. Les spécialités de valproate de sodium, telles que Dépakine, Micropakine et Dépakine Chrono, sont indiquées chez l’adulte, l’enfant et le nourrisson dans les épilepsies généralisées ou partielles, en monothérapie ou associées à un autre antiépileptique.
Les spécialités Dépakine et Dépakine Chrono (comprimés, sirop, etc.) sont aussi indiquées chez l’enfant en prévention des récidives de convulsions fébriles compliquées, en l’absence d’efficacité d’une benzodiazépine.
• Troubles bipolaires. Le divalproate de sodium (Depakote) et le valpromide (Dépamide) sont indiqués chez l’adulte (≥ 18 ans) dans le traitement des troubles bipolaires en cas de contreindication ou d’intolérance au lithium.
• Hors AMM dans la migraine : le valproate et le divalproate de sodium sont aussi employés hors autorisation de mise sur le marché dans le traitement de fond de la migraine.
Pourquoi en parler ?
Parce que le valproate est un puissant tératogène et induit des troubles du développement chez l’enfant à naître. En fait, ce n’est pas le valproate lui-même, mais son produit de métabolisation, l’acide valproïque, qui entraîne un risque lors de la grossesse.
• L’acide valproïque est un puissant tératogène. Le risque de malformations congénitales est de 10,73 %, contre 2 à 3 % dans la population générale. Il s’agit d’anomalies du tube neural, de dysmorphies faciales, de fentes labiales et palatines, de malformations cardiaques, rénales, urogénitales et des membres…
• Il induit des troubles neuro-développementaux chez 30 à 40 % des enfants d’âges préscolaires exposés in utero : retards dans l’acquisition de la parole et de la marche, capacités intellectuelles diminuées…
À noter : selon le Centre d’études sur les agents tératogènes (Crat), son utilisation est possible au cours de l’allaitement.
Depuis quand est-ce connu ?
• Le valproate de sodium est commercialisé depuis 1967, d’abord dans l’épilepsie, puis dans les troubles bipolaires. Ses effets tératogènes sont connus depuis le début des années 1980, notamment les anomalies de fermeture du tube neural (spina bifida).(1)
• À compter des années 2000, sont observés des retards de développement et des troubles du spectre de l’autisme. Étant donné la gravité des risques, la femme doit être informée, notamment par la notice soumise par le laboratoire à l’autorité en charge du médicament, aujourd’hui l’ANSM, et par les prescripteurs via les résumés des caractéristiques des produits (RCP). La notice patiente doit être conforme aux RCP. Oui, mais la communication a tardé, sans compter que les détenteurs de l’AMM ont également changé au fil du temps.
• Un rapport de l’Igas de 2016 (1) souligne qu’« en 2004, l’accumulation des signaux justifiait des mesures d’information à l’attention des prescripteurs et des patients ». Or, en France, les RCP ne mentionnent ces risques qu’en 2006, contre 2003-2004 pour d’autres pays, et l’uniformisation de l’information pour les génériques du valproate n’est effective que depuis 2015.
• Ce n’est qu’au printemps 2015 que l’actualisation des RCP et notices et que des restrictions de conditions de prescription et de délivrance en mai 2015(2) sont mises en place en France, dont la carte patiente en février 2017.
• À partir du 7 juillet 2017, le valproate indiqué dans les troubles bipolaires (Depakote et Dépamide) est interdit durant la grossesse et ne doit plus être prescrit aux filles, adolescentes et femmes en âge de procréer.(3) Idem dans l’épilepsie à la fin juin 2018, sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux alternatives thérapeutiques. Depuis la fin de 2017, l’apposition de pictogrammes sur les boîtes de médicaments tératogènes ou foetoxiques est obligatoire.
En juin 2018, la mise en garde « Valproate + grossesse = interdit » est étendue aux spécialités à base de valproate indiquées dans l’épilepsie (voir encadré en page de gauche).
Qu’est-ce que cela induit ?
En raison de leurs effets tératogènes, le valproate et dérivés font l’objet de recommandations de prescription et de délivrance chez les femmes.
• Restrictions. Valproate et dérivés sont contreindiqués chez les femmes en âge de procréer, sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux autres traitements. Ils sont contre-indiqués pendant la grossesse, sauf dans l’épilepsie s’il n’y a pas d’alternative.
• Prescription. Elle nécessite une prescription initiale d’un spécialiste, neurologue ou pédiatre dans l’épilepsie, psychiatre dans les troubles bipolaires. Le renouvellement peut être effectué par tout médecin dans la limite d’un an.
• Délivrance. Elle se fait seulement sur présentation :
→ d’une prescription initiale d’un spécialiste datant de moins d’un an ;
→ du formulaire d’accord de soins signé par la patiente et le spécialiste. Ce formulaire mentionne la nécessité de réaliser et d’obtenir un test de grossesse négatif à l’initiation du traitement, puis à intervalles réguliers, et d’utiliser une contraception efficace jusqu’à un mois après l’arrêt du traitement.
• À chaque dispensation, l’officinal doit :
→ remettre à la femme la « carte patiente » résumant les informations sur le risque tératogène et la contraception. Elle est présente sur les conditionnements ou à l’intérieur de la boîte ;
→ y mentionner le nom de la patiente et la date de délivrance ;
→ s’assurer que le médecin a remis à la patiente une brochure reprenant ces explications en détail.
Au besoin, brochure et « carte patiente » sont téléchargeables sur ansm.sante.fr > Activités > Surveiller les produits de santé > Surveillance des médicaments > Mesures additionnelles de réduction du risque. L’apposition d’un QR code sur les boîtes de valproate et les notices renvoyant vers une page d’information dédiée sur le site de l’ANSM seront effectives d’ici fin 2020.
• Selon deux études en 2016 et 2017 (3), le niveau global de respect des conditions de prescription et de délivrance est très insuffisant en 2017, même s’il a progressé depuis 2016 : 47 % en 2017, contre 31 % en 2016. La majorité des patientes montre l’ordonnance d’un spécialiste (81 % en 2017 et 75 % en 2016), mais le formulaire d’accord de soins n’est présenté que pour 50 % des dispensations en 2017, contre 33 % en 2016.
Quels effets indésirables ?
La tolérance du valproate et dérivés est globalement bonne, mais certains effets indésirables nécessitent une surveillance et de consulter.
• Effets indésirables fréquents à l’initiation : nausées, tremblements, vomissements, douleurs épigastriques. Sont également observés : diarrhées, prise de poids, céphalées, somnolence, convulsions, troubles de la mémoire, confusion, agressivité, hyperplasie gingivale, fatigue, vertiges, chute de cheveux passagère, irrégularités menstruelles…
• Certains impliquent une surveillance clinique et/ou biologique : des troubles hématologiques, avec anémie, thrombopénie, voire leucopénie, des hépatopathies dans les six premiers mois de traitement, pancréatites, augmentation du risque suicidaire, syndromes extrapyramidaux et troubles cognitifs réversibles à l’arrêt du traitement, avec syndromes parkinsoniens, états confusionnels notamment.
Y a-t-il des interactions ?
• Le valproate, métabolisé au niveau hépatique, est inhibiteur enzymatique, avec un risque d’augmenter les concentrations plasmatiques des médicaments associés.
• Son efficacité peut diminuer s’il est associé à des inducteurs enzymatiques : aztréonam, rifampicine, carbamazépine… Les œstrogènes peuvent diminuer les concentrations sériques du valproate – mais pas l’inverse -, d’où une surveillance renforcée à l’initiation ou à l’arrêt d’une contraception. Un dosage sanguin de l’acide valproïque peut être réalisé.
• Son association est contre-indiquée avec le millepertuis et la méfloquine.
• Il est déconseillé avec : les antibiotiques de la famille des pénems, au risque de voir son efficacité diminuer ; la lamotrigine, en raison d’un risque accru de réactions cutanées sévères par augmentation des concentrations plasmatiques de la lamotrigine; l’alcool, car il est hépatotoxique et inducteur enzymatique en prise chronique.
• Chez l’enfant en particulier, éviter les dérivés salicylés en raison des risques d’hépatotoxicité et hémorragiques.
Quel est le suivi ?
• En raison d’une grande variabilité individuelle, la hausse des doses est progressive et adaptée à la réponse clinique. Le dosage du taux plasmatique d’acide valproïque a un intérêt en cas de maladie mal contrôlée ou de suspicion d’inobservance. La fourchette thérapeutique se situe entre 40-50 et 100, voire 150 mg/l.
• Une surveillance hépatique est recommandée avant le début du traitement, puis régulièrement les six premiers mois de traitement. Un bilan hématologique, avec numération de la formule sanguine (NFS), plaquette, temps de saignement, bilan de coagulation, est recommandé avant le début du traitement, à quinze jours et en fin de traitement, voire plus en cas de signes d’alerte, tels qu’hématomes, saignements inhabituels…
• L’apparition de troubles neurologiques doit être signalée au médecin.
• Des signes d’hépatotoxicité ou de pancréatites imposent un avis médical en urgence : ictère, vomissements répétés, douleurs abdominales et signes généraux d’apparition soudaine, tels qu’asthénie, anorexie, abattement, somnolence.
Quels conseils donner ?
• La prise se fait de préférence au cours des repas pour limiter les effets indésirables digestifs.
• La prise de poids est prévenue via des conseils nutritionnels et d’hygiène de vie appropriés.
• Si une grossesse est envisagée ou en cours, ne pas cesser le traitement mais consulter rapidement son médecin.
(1) Enquête relative aux spécialités pharmaceutiques contenant du valproate de sodium, Inspection générale des affaires sociales (Igas), février 2016.
(2) Exposition in utero à l’acide valproïque et aux autres traitements de l’épilepsie et des troubles bipolaires et risque de malformations congénitales majeures (MCM) en France, Assurance maladie, juillet 2017.
(3) Évaluation auprès des pharmaciens d’officine des mesures de minimisation du risque consistant en des nouvelles conditions de prescription et de délivrance (CDP) du valproate, enquête réalisée par Sanofi Aventis France (avril-juillet 2017), ANSM, octobre 2017.
→ Pictogramme « interdit » : il signale aux patientes en âge de procréer que le médicament ne doit pas être utilisé.
Info +
→ Des enfants encore exposés.
Entre 2013 et 2019, l’exposition au valproate des femmes enceintes a diminué de près de 80 %.
Au deuxième trimestre de 2019, 32 736 femmes en âge d’avoir des enfants étaient traitées par valproate, la moitié pour épilepsie et l’autre moitié (16 214) pour des troubles bipolaires.
En 2018, il y a eu 124 naissances d’enfants nés vivants exposés in utero au valproate, dont 32 chez des femmes avec des troubles bipolaires.
Source : ANSM, 4 février 2020.
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