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Le microbiote intestinal : un allié thérapeutique ?
L’implication du microbiote intestinal dans nombre de maladies chroniques est de mieux en mieux documentée. En quoi ces connaissances se traduisent-elles par des avancées thérapeutiques ? Quel rôle peuvent – ou pourront – jouer les probiotiques ? Eléments de réponse.
Pas moins de 1013 microorganismes colonisent notre système digestif. Près d’un millier d’espèces y sont représentées, principalement des bactéries. Le lien entre les déséquilibres de ce microbiote intestinal et diverses pathologies ouvre la voie à de nouvelles perspectives de prise en charge. Certaines déjà applicables, d’autres en cours d’analyse.
La simple comparaison des microbiotes de sujets malades et de sujets sains permet de conclure à une association entre une dysbiose et la pathologie concernée. « Cela a été observé dans un très grand nombre de contextes, mais ne prouve pas un lien de causalité », explique Joël Doré, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) et chercheur au sein des unités Micalis et MetaGenoPolis. L’unité MetaGenoPolis de l’Inrae est à l’initiative d’un projet de science participative appelé Le French Gut, visant à accélérer la science du microbiote. Son objectif : collecter des échantillons de microbiote intestinal de 100 000 participants d’ici 2027. « L’étape suivante nécessite de transférer du microbiote de patient vers des animaux de laboratoire élevés sans germe. Si ce transfert conduit à mimer les symptômes de la maladie, c’est bien le signe que le microbiote est un élément central dans son apparition, son entretien ou sa vitesse de progression. »
Le chercheur en écologie microbienne intestinale détaille : « Un lien de causalité est aujourd’hui clairement établi entre des dysbioses intestinales et l’obésité, la stéatose hépatique non-alcoolique (Nash), la cirrhose, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici) – principalement la maladie de Crohn –, des maladies neurologiques comme l’autisme, la dépression majeure et la sclérose en plaques ». De récents travaux semblent également aussi apporter la preuve d’un lien de cause à effet entre l’état de la symbiose, les maladies de Parkinson et d’Alzheimer et la réponse aux immunothérapies anticancéreuses.
Les probiotiques classiques, un effet modéré
Pendant longtemps, les recherches se sont concentrées sur l’effet de bactéries et de levures issues de l’environnement ou de l’alimentation pour améliorer la santé du microbiote. « Ces probiotiques, essentiellement des lactobacilles et des bifidobactéries, n’ont démontré qu’une efficacité modérée dans de rares indications, essentiellement la prévention des diarrhées liées aux antibiotiques et les diarrhées du nourrisson d’origine infectieuse », développe le Pr Harry Sokol, gastroentérologue et coresponsable de l’équipe Microbiote, intestin et inflammation du centre de recherche Saint-Antoine à Paris. Les souches concernées : Saccharomyces boulardii et Lactobacillus rhamnosus GG.
Un autre probiotique présente un intérêt chez certains patients dans l’amélioration des symptômes du syndrome de l’intestin irritable, Bifidobacterium longum 35624. « Dans le cadre de cette pathologie, nous pouvons proposer de tester un probiotique pendant quelques semaines et, s’il n’y a pas d’amélioration, d’en essayer un autre », reconnaît le gastroentérologue. Ce temps d’observation n’est pas possible pour d’autres Mici, où les patients peuvent développer des poussées inflammatoires graves sans traitement approprié.
Place à la nouvelle génération
Ce sont désormais les probiotiques dits de « nouvelle génération » qui intéressent la médecine, soit « des microorganismes qui vivent habituellement dans l’intestin humain et pour lesquels des effets biologiques ont été démontrés », précise Harry Sokol.
Quelques noms émergent, à l’image de Faecalibacterium prausnitzii. Présente en quantité importante chez les sujets sains, son abondance diminue fortement chez les patients atteints d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Un essai de phase IIa est en cours en Pologne et en Belgique pour tester l’effet de cette bactérie chez des personnes souffrant de la maladie de Crohn.
« D’autres essais récents à succès ont porté sur une bactérie bien documentée pour son action sur le syndrome métabolique et sur le diabète de type 2 », complète Joël Doré. Akkermansia muciniphila produit de nombreux métabolites associés à un renforcement de la barrière intestinale, à une meilleure sensibilité à l’insuline et à une diminution de l’inflammation métabolique. Cette bactérie est déjà proposée comme complément alimentaire dans ces indications en Belgique et « probablement rapidement » dans le reste de l’Europe.
D’autres possibilités s’ouvrent dans la prise en charge du syndrome métabolique et de l’obésité cette fois-ci, par l’intermédiaire des travaux sur Hafnia alveii. Grâce à la production d’une protéine qui mime une hormone impliquée dans la satiété, la bactérie a démontré chez l’homme une efficacité dans la réduction de la prise alimentaire, du poids et de la masse grasse. Plusieurs compléments alimentaires déjà présents sur le marché la proposent (Symbiosys Satylia, EnteroSatys, etc.).
Au-delà des espèces bactériennes, des recherches s’orientent en parallèle sur leurs fonctions : « Plusieurs bactéries peuvent jouer un rôle similaire. C’est le cas de nombreuses bactéries à Gram positif qui régulent les réponses immunitaires à travers la production de butyrate », illustre le chercheur Joël Doré. Cet élément chimique, modulateur de l’inflammation chronique, est un exemple parmi d’autres de l’intérêt des molécules actives produites par les bactéries intestinales. Les études sur ces fameux « postbiobiques », bien qu’encourageantes, en sont encore à un stade balbutiant.
Transfert de microbiote et traitements combinés
Autre moyen largement éprouvé d’agir favorablement sur la santé : le transfert humain de microbiote intestinal de sujet sain vers sujet malade. Recommandé dans la prise en charge des infections récidivantes à Clostridioides difficile, son champ d’action s’ouvre petit à petit. « Dans le cas de personnes atteintes d’un cancer et soignées par immunothérapie, il a été démontré que la réponse au traitement est conditionnée par l’état de la symbiose », cite Joël Doré. Des études préliminaires suggèrent que le transfert de microbiote de sujets « répondeurs » au traitement vers des sujets « non-répondeurs » pourrait avoir un effet positif.
D’autres recherches se sont penchées sur les effets d’un transfert de microbiote sur la santé de personnes diabétiques (avec des résultats positifs observés sur plusieurs semaines), sur la survie de sujets souffrant de cirrhose sévère ou encore sur la rectocolite hémorragique. Avec des conclusions encourageantes, qui nécessitent encore d’être approfondies. Deux essais en cours étudient l’effet du transfert de microbiote sur l’espérance de vie de patients atteints de la maladie de Charcot.
Une étude américaine a également tenté de remédier aux problèmes intestinaux de sujets souffrant d’un trouble autistique par le biais d’un transfert de microbiote, avec des résultats surprenants. Non seulement celui-ci a permis de soulager les troubles digestifs, mais il a aussi amélioré le comportement autistique. « Deux ans après le transfert, les chercheurs ont constaté que le nombre d’autistes sévères était passé de 80 à 20 % et que 40 % des enfants étaient même sortis du spectre de l’autisme », commente Joël Doré.
Si l’avenir thérapeutique de nombreuses maladies réside peut-être dans le microbiote intestinal, le directeur de recherche à l’Inrae rappelle que « les dérèglements de ce microbiote provoquent des dysfonctionnements chez l’hôte, qui sont eux-mêmes des leviers majeurs dans le développement des pathologies ». Forts de ce constat, des scientifiques testent des combinaisons de plusieurs composés actifs (molécules, microbes vivants, etc.) dans le but de proposer des solutions plus complètes. A titre d’exemple, l’expert évoque un essai réalisé sur modèle animal, dans lequel l’association de Lactobacillus rhamnosus GG (qui produit un précurseur de la sérotonine), associé à de la glutamine (rôle sur la perméabilité intestinale) et de la curcumine (anti-inflammatoire et antioxydante), a permis d’obtenir les mêmes résultats sur le comportement que l’antidépresseur clomipramine. L’essai ProMood avec la fondation FondaMental et quelques centres hospitaliers universitaires en testent l’effet contre un placebo chez des patients devant passer sur une deuxième ligne d’antidépresseur après un premier échec.
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