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Le microbiote en a dans le ventre
De manière directe ou indirecte, le microbiote a une influence sur notre bien-être et notre mal-être, qu’ils soient physique ou mental, mais aussi sur notre santé. Il fait donc l’objet d’une multitude de travaux scientifiques visant à décrypter son rôle dans le développement de nombreuses pathologies.
Toutes les parties du corps connectées au monde extérieur sont colonisées par les bactéries, virus et champignons qui peuplent les microbiotes, rappelle Benoît Chassaing, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et responsable de l’équipe dévolue à l’étude des interactions microbiote/mucus dans les maladies inflammatoires chroniques à l’Institut Cochin (Paris). Il existe en effet un microbiote vaginal, cutané, pulmonaire et intestinal, abritant une population très complexe sur les plans qualitatif et quantitatif. » Le microbiote intestinal est celui qui est le plus étudié, car il est suspecté d’être un facteur clé dans la survenue de beaucoup de pathologies. Le lien le plus direct établi à ce jour concerne les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici). « Les patients atteints de la maladie de Crohn ou de la rectocolite hémorragique présentent une altération de la composition et de la fonction du microbiote intestinal, rappelle Nathalie Rolhion, chargée de recherche au sein de l’équipe microbiote, intestin et inflammation au centre de recherche Saint-Antoine de l’Inserm (Paris). On observe chez eux une diminution des bactéries anti-inflammatoires, telles que Faecalibacterium prausnitzii, et une augmentation de bactéries délétères, telles que des souches d’ Escherichia coli adhérentes et invasives, qui favoriseraient, elles, l’inflammation. »
Probiotique à l’essai
Afin d’essayer de calmer l’état inflammatoire, deux stratégies thérapeutiques ciblant le microbiote intestinal sont examinées. « Au sein de notre laboratoire, nous avons réussi à isoler Faecalibacterium prausnitzii, explique Nathalie Rolhion. Après l’avoir injecté à des souris chez qui nous avions induit une colite, les signes de l’inflammation ont diminué. Une start-up a donc été créée, Exeliom Biosciences, afin de cultiver cette bactérie et de développer un probiotique de nouvelle génération. Un essai clinique de phase 1 est en train de démarrer pour voir si, chez l’homme, le traitement permet d’allonger la période de rémission. » Des essais cliniques de transplantation fécale sont également en cours. Le laboratoire dans lequel Nathalie Rolhion travaille a, par exemple, publié en 2020 une étude pilote sur 18 patients atteints de la maladie de Crohn, avec 9 patients dans chaque bras. « Nous nous sommes aperçus que les personnes transplantées se distinguaient par un maintien de la rémission plus long que celles qui avaient eu droit au placebo, confie la chercheuse. Nous allons donc passer à la vitesse supérieure en lançant une étude sur 150 patients atteints de rectocolite hémorragique et 150 souffrant de la maladie de Crohn. »
Il est aussi acquis que le microbiote joue un rôle dans le développement des cancers de la prostate et de la sphère urinaire. « On sait également que la bactérie Helicobacter pylori est directement associée au cancer de l’estomac car sa présence induit une inflammation chronique pouvant se traduire à terme par l’apparition de ce cancer, ajoute Eric Oswald, professeur de bactériologie à la faculté de santé de Toulouse (Haute-Garonne) et directeur adjoint de l’Institut de recherche en santé digestive (IRSD) de l’Inserm. Certaines souches entérotoxigéniques des bactéries Bacteroides fragilis ou Fusobacterium nucleatum sont, elles aussi, suspectées de jouer un rôle dans le développement du cancer colorectal. » Les travaux menés par les équipes de l’IRSD ont, en outre, permis de démontrer que des souches de la bactérie Escherichia coli produisaient une génotoxine, la colibactine, capable de provoquer des cassures double brin de l’ADN, avec une signature mutagène que l’on retrouve dans des biopsies de cancers, en particulier de cancer du côlon. « Depuis un an, il y a aussi une forme d’engouement autour de la caractérisation du microbiote tumoral, ajoute Gérard Eberl, professeur d’immunologie et responsable de l’unité microenvironnement et immunité à l’Institut Pasteur. Nous avons remarqué que certaines tumeurs, dont le cancer du côlon, hébergeaient un microbiote spécifique. Et on ne sait pas encore pourquoi, ni quel est son impact. »
Stratégies dans les cancers
Plusieurs stratégies thérapeutiques sont mises en œuvre pour lutter contre ces bactéries pathogènes. « La première consiste, pour les cancers de la sphère digestive, à agir à la fois sur la colonisation du tractus digestif par ces bactéries carcinogènes et sur l’inflammation, précise Eric Oswald. On utilise, par exemple, des traitements antibiotiques pour éliminer Helicobacter pylori. Dans d’autres cancers, des molécules plus généralistes, comme la mésalazine, permettent, elles, de réduire l’inflammation. » Des approches plus sophistiquées sont explorées pour identifier des molécules chimiques susceptibles de bloquer les voies de biosynthèse des facteurs de virulence carcinogènes. « Dans notre laboratoire, nous essayons de développer des traitements spécifiques visant à bloquer la production de la génotoxine d’Escherichia coli sans pour autant perturber le microbiote », confie Eric Oswald.
Le microbiote est également associé à l’obésité et au diabète de type 2, deux pathologies à forte composante inflammatoire. « On s’est rendu compte qu’en transférant le microbiote de patients obèses chez des souris, on transférait aussi les phénotypes de l’obésité et certaines dérégulations métaboliques, rappelle Benoît Chassaing. De grosses cohortes ont été lancées en Europe afin d’essayer de décrypter les mécanismes induits. » Sur le plan thérapeutique, les approches se concentrent sur les prébiotiques et les probiotiques. « Les recherches les plus avancées portent sur la bactérie Akkermansia muciniphila, note Benoît Chassaing. Elle semble capable de prévenir et de restaurer des dérégulations métaboliques induites par des régimes riches en graisses ou en additifs. »
Le microbiote serait en outre impliqué dans la survenue des maladies auto-immunes en jouant un rôle de modulateur de l’immunité. « Il y a en ce moment beaucoup de travaux concernant le microbiote lors du plus jeune âge, car sa mise en place semble avoir un impact à long terme sur la santé, note Benoît Chassaing. On sait, par exemple, que les bébés nés par césarienne présentent un risque augmenté d’allergie et d’asthme. Des études consistant à badigeonner ces bébés avec un tampon vaginal sont en cours. Les enfants ayant aujourd’hui 4 ou 5 ans, il est trop tôt pour se prononcer. Mais les données chez les souris et en préclinique étaient hyperencourageantes. » Des travaux ont enfin souligné l’effet causal du microbiote dans les maladies neurodégénératives comme l’autisme, Alzheimer ou Parkinson. « Certains métabolites des cellules de l’intestin auraient une incidence sur le tonus immunitaire du cerveau, confirme Benoît Chassaing. Ils pourraient traverser la barrière hématoencéphalique et favoriser le dépôt des plaques. »
Complexité extrême
La plupart des études se situent entre la recherche fondamentale et préclinique et les essais cliniques. De nouvelles technologies pourraient permettre d’accélérer la cadence. « Des équipes sont notamment en train d’explorer des approches de manipulation ou de correction du microbiote via des bactériophages susceptibles d’éliminer spécifiquement telle ou telle bactérie », note Gérard Eberl. « Des laboratoires testent également la technologie Crispr* pour essayer de booster une bactérie A, qui serait anti-inflammatoire, et de diminuer une bactérie B qui serait, elle, pro-inflammatoire », ajoute Benoît Chassaing.
Les travaux en cours se révèlent d’une complexité extrême. « Le problème, c’est que nous avons tous un microbiote différent, et que sa variabilité est beaucoup plus grande que la variabilité génétique, admet le directeur de recherche. Pour espérer trouver des traitements efficaces, il faudra basculer vers une médecine personnalisée. » Ces nouvelles approches sur le microbiote ne permettront pas, en outre, de guérir les patients. « Le cancer, les maladies inflammatoires chroniques ou les maladies neurodégénératives sont des pathologies chroniques de projection lente et polyfactorielles, où la génétique et le style de vie entrent aussi en ligne de compte, rappelle Gérard Eberl. Si l’on parvient à corriger les effets délétères du microbiote, on ne réglera probablement qu’une partie du problème. »
* Acronyme de clustered regularly interspaced short palindromic repeats (courtes répétitions en palindrome regroupées et régulièrement espacées).
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