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L’Afrique, le sida et le pharmacien
La 14e Conférence internationale sur le sida s’est ouverte à Barcelone en début de semaine. L’occasion de montrer que l’accès aux antirétroviraux ne se limite pas au seul aspect financier, mais entre dans un ensemble cohérent de prise en charge des patients infectés par le VIH. Des expériences menées en Afrique témoignent notamment de la place importante du pharmacien dans ces dispositifs.
L’accès aux traitements antirétroviraux dans les pays en voie de développement se heurte à trois principaux obstacles : le coût des médicaments, les coûts annexes du traitement et la qualité de la prise en charge. Si le problème du coût direct des molécules apparaît mieux géré aujourd’hui (lire encadré), celui des coûts annexes reste d’importance : coût des consultations, des examens complémentaires et des examens biologiques de suivi, coût des hospitalisations répétées, coûts sociaux (transports, pertes de revenu, aides, etc.). Comment régler en partie ces problèmes ? En négociant les coûts localement et en proposant des solutions afin que les patients infectés puissent avoir accès à un meilleur suivi.
Quant à la qualité de la prise en charge, elle passe par une approche multidisciplinaire : suivi médical clinique, accès au diagnostic d’affections opportunistes et à leurs traitements, accompagnement social et psychologique, soutien aux familles. Elle doit également s’appuyer sur des équipes formées et compétentes (médecins, infirmiers, pharmaciens, assistantes sociales, psychologues, travailleurs sociaux, etc.), ce qui exige des investissements, une logistique et une formation permanentes. Plusieurs expériences sont menées dans ce sens dans certains pays d’Afrique et montrent la large place qu’occupe le pharmacien dans la prise en charge des patients infectés par le VIH mais aussi dans la prévention du sida.
Prise en charge thérapeutique au Cameroun
Au Cameroun, l’accent a été mis sur le développement de programmes de prise en charge comprenant l’accès aux antirétroviraux, les prophylaxies et les traitements curatifs des infections opportunistes. Ce pays a opté pour une prise en charge par les antirétroviraux dans des centres spécialisés, dotés d’un personnel formé, d’équipements adéquats et d’un système fiable d’approvisionnement et de dispensation en antirétroviraux. Depuis mars 2001, dix centres de traitement ont été agréés, dont l’hôpital Laquintinie de Douala. Dans ce dernier, un programme « DARVIR » (pour « Douala antirétroviral ») a été mis sur pied par la direction de l’hôpital, en collaboration avec certaines ONG, l’appui de l’ONU-Sida et des hôpitaux Rothschild et Saint-Antoine à Paris. La trithérapie est la règle générale (sauf dans le cas de la prévention de la transmission maternofoetale). La dispensation s’effectue dans le bureau du pharmacien afin de respecter la confidentialité. Les médicaments sont délivrés sur présentation d’une ordonnance provenant d’un ordonnancier spécial fourni par le programme DARVIR et signé par un médecin du programme, après une validation par le comité thérapeutique dont le pharmacien est membre. Les médicaments sont délivrés pour un traitement complet de un mois au minimum et de trois mois au maximum. Ils sont vendus au prix coûtant, contre paiement comptant. Enfin, la dispensation s’appuie sur des supports comprenant un registre spécial de dispensation des antirétroviraux (y sont inscrits notamment les noms des patients, des médecins prescripteurs, les noms et quantités d’antirétroviraux prescrits, les prix unitaires et totaux), une feuille de suivi mensuel de l’observance au traitement pour chaque patient, des carnets de reçu à délivrer aux patients, des fiches de contrôle de stock des antirétroviraux, un dossier pharmaceutique (comportant les doubles des ordonnances ainsi que toutes les informations relatives aux patients), un cahier de versements. Si l’organisation de la dispensation dans le programme DARVIR fait avancer la qualité de la prise en charge, elle est confrontée à de nombreux problèmes : rupture des stocks, non-disponibilité des médicaments pour le traitement des infections opportunistes, mauvaise observance des patients (sur les 389 personnes ayant débuté un traitement, 134 seulement viennent régulièrement), nombre de patients de plus en plus élevé (l’affluence remet en cause la confidentialité de la dispensation), difficultés de communication avec les médecins prescripteurs, etc. Le pharmacien joue donc ici un rôle clé, et son intervention réclame disponibilité et remise à niveau permanente. A côté de son rôle traditionnel (validation des ordonnances, conseil et suivi des traitements), il doit en effet assurer celui de gestionnaire et d’accompagnateur du patient tout au long du traitement. Il est aussi une source d’informations pour les épidémiologistes et un formateur pour les autres partenaires.
Sénégal : prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant
Un programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant a été mis en oeuvre en juillet 2000 à Dakar. Objectifs : mettre en place un dépistage volontaire et gratuit lors de la consultation prénatale ; proposer une cure courte d’AZT aux femmes enceintes séropositives (600 mg/j en deux prises à partir de la 34e semaine de grossesse et 300 mg toutes les 3 heures pendant l’accouchement) et aux nouveau-nés (2 mg/kg toutes les 6 heures pendant 6 jours) ; préconiser l’allaitement artificiel exclusif. La névirapine en prise unique de 200 mg est utilisée par ailleurs pour les femmes arrivant dans les sites au moment de l’accouchement et 2 mg/kg en prise unique pour l’enfant dans les 72 heures.
La place du pharmacien est importante dans ce programme car il coordonne toutes les activités : dépistage de l’infection, annonce du résultat, réalisation du bilan paraclinique d’inclusion (bilan de grossesse, charge virale…), orientation des femmes séropositives vers le gynécologue et le pédiatre, approvisionnement et délivrance d’antirétroviraux, aide à la compliance des femmes incluses, participation à la prise en charge durant la grossesse. Son intervention se heurte cependant à plusieurs obstacles importants, notamment la mauvaise compréhension du test par les patients et la difficulté à réaliser une bonne observance du traitement.
Outre la prévention de la transmission mère-enfant, le pharmacien travaille sur d’autres domaines comme l’éducation du public sur les moyens préventifs et la nécessité de connaître son état de séropositivité, la mobilisation sociale (assistance dans la rédaction de projets de demandes de fonds, suivi de procédures…), la promotion et la distribution des préservatifs, la recherche sur les aspects socio-thérapeutiques liés au sida et le lobbying (initiation de projets relatifs aux législations touchant le sida…).
Le prix des antirétroviraux en baisse
Selon l’ONU-Sida, les prix des antirétroviraux ont continué à baisser en 2001 en Afrique. Les baisses consenties par les laboratoires pharmaceutiques concernent notamment la zalcitabine avec une diminution de 76 % (le prix étant ramené à 217 euros par an et par personne), de 36 % pour le saquinavir (1 602 euros) et de 22 % pour le nelfinavir (à 2 675 euros). En avril 2002, une association de première intention de trois médicaments coûtait 289 euros et les traitements de deuxième intention avec un inhibiteur de protéase environ 980 euros. Il y a trois ans, il en aurait coûté entre 9 800 et 11 760 euros. Malgré tout, si les médicaments traditionnels peuvent être achetés en moyenne à partir de 76 centimes d’euro par jour et les nouveaux traitements pour 8,5 euros au plus, l’Ouganda, par exemple, survit avec un produit national brut par habitant d’environ 81,34 centimes d’euro par jour… Médecins sans frontières estime que seulement 25 à 30 000 Africains sur les 2,5 à 3 millions qui auraient le plus besoin d’un traitement antisida en reçoivent effectivement un. Plus de 28 millions de personnes en Afrique subsaharienne sont porteuses du virus. N.F.
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