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La vraie naissance des médicaments orphelins
Une nouvelle molécule sur cinq, le plus souvent issue des biotechnologies, arrivant sur le marché est destinée à soigner une maladie rare. Que ce soit pour obtenir des informations, des conseils ou un soutien, les patients ont plus que jamais besoin des pharmaciens.
P our traiter les 6 000 à 7 000 maladies rares répertoriées, les médecins disposent en France de… 45 médicaments spécifiques ! Un nombre qui paraît bien faible au regard des millions de personnes qui en sont atteintes : 4 millions en France, 25 en Europe. Toutefois, comme l’indique Ségolène Aymé, directrice d’Orphanet (1), si 45 médicaments ont effectivement une AMM européenne, avec un véritable statut de médicament orphelin, « 506 molécules sont utilisées et permettent un traitement spécifique de 936 maladies rares. On trouve parmi eux des médicaments développés avant l’apparition du statut mais ayant des indications pour les maladies rares. Beaucoup ont obtenu un statut de médicament orphelin aux Etats-Unis et ont été importés en Europe ».
Depuis l’adoption, en 2000, du règlement européen sur les médicaments orphelins et le lancement du plan Maladies rares 2005-2008, la situation a cependant évolué. A l’heure actuelle, quelques 500 dossiers déposés à l’Agence européenne du médicament ont reçu la désignation « orphelin ». Parmi eux, 15 % seulement obtiendront l’AMM.
Une centaine de médicaments à venir
Parallèlement, un certain nombre de molécules sont en développement. Ainsi, entre 600 et 700 essais cliniques couvrant plus de 400 maladies sont en cours en Europe. « Dans les dix ans qui viennent, on estime qu’une centaine de médicaments orphelins entreront sur le marché et que 120 à 150 maladies rares pourront en bénéficier », indique Ségolène Aymé. Une satisfaction pour les associations de patients atteints de maladies rares ? Pas vraiment. « Certes, le nombre de médicaments augmente mais c’est toujours insuffisant au regard des besoins et il y a encore trop peu de traitements qui permettent vraiment de guérir ou stopper ce type de maladie », regrette Françoise Antonini, déléguée générale d’Alliance maladies rares (2).
Les avancées thérapeutiques marquantes concernent notamment les maladies lysosomiales, comme la maladie de Gaucher ou de Fabry, permettant une régression. On attend aussi beaucoup des traitements à l’étude pour les leucodystrophies ou encore la maladie de Huntington. Quant aux maladies neuromusculaires, elles font l’objet de nombreux essais. « Il y a de l’espoir, la recherche avance, mais l’attente est toujours trop importante pour les patients. Les études sur les médicaments sont longues et le financement n’est pas à la hauteur des enjeux », insiste Françoise Antonini.
La découverte d’une nouvelle molécule est un processus en effet long (dix ans en moyenne), coûteux (la mise au point se chiffre en dizaines voire en centaines de millions d’euros) et très risqué (sur de nombreuses molécules testées, une seule aura peut-être un effet thérapeutique ou, dans le pire des cas, aucune). « La mise sur le marché est plus difficile qu’avec les autres médicaments du fait de la rareté même de la maladie, qui compromet l’expérimentation. Il n’est pas possible notamment d’effectuer les essais de phase 3 sur de larges populations. Conséquence : l’AMM est longue à acquérir », reconnaît François Faurisson, conseiller pour la recherche clinique chez Eurordis, l’association européenne pour les maladies rares (3). Par ailleurs, le médicament destiné à une maladie rare, une fois développé, a un potentiel commercial limité, ce qui rend beaucoup plus aléatoire et long le retour sur investissement par rapport au capital investi dans son développement.
Des marchés de niche complètement viables
Pour inciter l’industrie pharmaceutique et les autres sociétés à développer et commercialiser des médicaments destinés aux maladies rares, la réglementation européenne a prévu différentes mesures. Celles-ci consistent en une assistance gratuite à l’élaboration du protocole, des exonérations de redevances, une exclusivité commerciale de dix ans dans l’indication, des aides à la recherche ou encore des incitations fiscales (exonérations de taxes), etc. En Europe, les associations de malades sont par ailleurs parvenues à enclencher un double mouvement de la part des entreprises : la recherche de nouveaux médicaments destinés aux maladies orphelines et la réorientation de molécules en développement ou abandonnées vers le traitement de maladies rares.
« La part des médicaments orphelins par rapport à l’ensemble des nouvelles molécules se situe aux alentours de 20 %. C’est un secteur désormais très innovant et on trouve de plus en plus d’entreprises avec des marchés de niche, mais complètement viables », rapporte Ségolène Aymé. Qui sont aujourd’hui, plus précisément, les acteurs du marché ? Des sociétés aux profils très différents, dont beaucoup de petites structures. « On trouve des sociétés de biotechnologies, des laboratoires spécialisés dans les molécules innovantes ou dans les molécules anciennes pour lesquelles ont été trouvées des indications dans les maladies rares, ou encore de petites structures qui effectuent recherche et mise au point mais n’assurent ni production ni distribution », détaille Fabrice Faurisson.
Du côté des « big pharmas », quelques molécules orphelines sont en cours de développement, avec souvent l’objectif d’adapter les traitements à des maladies plus fréquentes. Parmi elles, Sanofi-Aventis, GSK, Roche et Servier se sont engagées auprès d’institutions comme l’INSERM et le CNRS.
25 % des produits issus des biotechnologies
Si les entreprises bénéficient d’aides financières et de mesures de protection pour développer des produits orphelins, elles se rattrapent également grâce à des prix très élevés, d’autant plus s’il s’agit de produits high-tech. Environ un quart des produits sont aujourd’hui issus des biotechnologies. « Les médicaments orphelins ont une réelle importance économique et, pour beaucoup d’entreprises, c’est devenu une évidence de développer ce type de produits. En se positionnant sur ce marché, des sociétés de biotechnologies, notamment, au départ modestes, ont pu se développer et acquérir une taille importante », constate Fabrice Faurisson.
C’est le cas de Genzyme, dont l’expansion a pour point de départ la découverte d’un médicament indiqué dans la maladie de Gaucher. « Progresser dans cet environnement complexe demande beaucoup d’audace, beaucoup d’efforts, en sachant qu’on n’aura pas un retour immédiat sur investissement. Pour certains, cela constitue un frein, un obstacle indépassable. Il faut savoir penser autrement, avoir envie de défricher de nouveaux territoires. Récemment, nous avons engagé un partenariat public-privé avec un laboratoire français de recherche en thérapie cellulaire », commente Nathalie Ducoudret, responsable de la communication chez Genzyme.
Une ration de 130 à 180 patients par officine
Cependant, il ne suffit pas de vendre du progrès aux patients, il faut aussi les aider pour qu’ils puissent en profiter totalement. Si les associations de patients sont déjà depuis longtemps sur le terrain de l’information, de la formation et de l’entraide, il n’en est pas de même du côté des professionnels de santé. La 4e Conférence sur les maladies rares, qui s’est tenue dernièrement à Lisbonne, au Portugal, a justement pointé leur peu d’implication, lié la plupart du temps à un manque de connaissances sur ces maladies et les traitements existants. Qu’en est-il du pharmacien ? « Chaque pharmacien est très concerné puisque son officine représente potentiellement 130 à 180 patients victimes de pathologies rares, rappelle Joël Saiget, président de l’Association pour la création de la Fondation des pharmaciens de France, dont l’objectif est de se rapprocher des patients et de créer un raccourci entre les familles et les structures de prise en charge. Le pharmacien peut aider à la création de cohortes pour les essais de telle ou telle molécule. Il a aussi sa place dans la distribution des médicaments orphelins de nouvelles génération, à condition d’être préalablement et très précisément informé sur les conditions de délivrance et d’utilisation. Il a déjà prouvé sa capacité à gérer des médicaments très techniques avec la sortie de la réserve hospitalière. »
Les patients atteints de maladies rares ont généralement une très bonne connaissance de leur pathologie et du traitement qui leur est prescrit. Ce qu’ils recherchent, c’est avant tout un soutien dans leur quotidien, une aide dans la lutte contre leur sentiment d’exclusion. Dans ce domaine, il ne tient qu’au pharmacien d’être plus présent à leurs côtés.
Un règlement européen spécifique
Le règlement européen, qui a été adopté le 16 décembre 1999, établit une procédure communautaire de désignation des médicaments orphelins. Un Comité des médicaments orphelins, au sein de l’Agence européenne des médicaments, est chargé d’examiner les demandes de désignation et de conseiller et d’assister la Commission européenne.
Le statut de médicament orphelin n’est donné que si :
– la maladie est vraiment sévère ;
– elle touche moins d’une personne sur deux mille ;
– il n’y a pas d’alternative thérapeutique ;
– la molécule fait la preuve de son efficacité.
Le médicament déclaré comme médicament orphelin est inscrit au « Registre communautaire des médicaments orphelins ». Grâce à cette désignation, le promoteur d’un médicament orphelin bénéficie d’un droit d’exclusivité commerciale pour une durée de dix ans et de mesures d’aide à la recherche s’il s’agit d’une petite et moyenne entreprise.
(1) http://www.orpha.net : serveur d’information sur les maladies rares et les médicaments orphelins, dont le but est de contribuer à améliorer le diagnostic, la prise en charge et le traitement des maladies rares.
(2) ww.alliance-maladies-rares.org.
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