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La médecine régénératrice, terre d’espérances
Elle se concentre sur le traitement étiologique d’un trouble afin de permettre à un tissu ou à un organe de revenir à un état de fonctionnement normal. Quelles sont les applications cliniques de la médecine régénératrice déjà entrées dans la pratique ? Quelles pistes prometteuses pour l’avenir ? Des experts nous répondent.
De nombreuses pathologies ou traumatismes ne peuvent pas, à l’heure actuelle, être totalement « guéris ». Seuls leurs symptômes font l’objet d’une prise en charge pour tenter de soulager le patient. La médecine dite « régénérative » ou « régénératrice » – les deux termes sont employés de manière équivalente – vise un autre objectif : restaurer les fonctions normales de l’organisme, en d’autres termes, conduire à la guérison.
« La médecine régénératrice cherche à régénérer, partiellement ou entièrement, des tissus ou des organes qui dysfonctionnent pour des raisons variées », définit Emmanuel Belamie, enseignant-chercheur en médecine régénératrice et biomatériaux à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et à l’Institut Charles-Gerhardt de Montpellier (Hérault). « Les causes de ce dysfonctionnement peuvent être le vieillissement, une pathologie génétique ou dégénérative, un traumatisme accidentel. » Parmi les stratégies ou outils pour tenter d’atteindre cette régénération, on distingue trois volets : les thérapies cellulaires, la thérapie génique et l’ingénierie tissulaire (via les biomatériaux).
Cellules souches, biomatériaux, ADN
Les thérapies cellulaires consistent à greffer ou à injecter des cellules destinées à réparer le tissu ou l’organe visé. Plusieurs types de cellules intéressent les chercheurs, pour leur capacité à se différencier en n’importe quel type cellulaire présent dans l’organisme. C’est le cas tout particulièrement des cellules souches embryonnaires, mésenchymateuses (retrouvées dans la moelle osseuse et d’autres tissus) ou encore pluripotentes induites (induced pluripotent stem cells ou IPS). Ces dernières sont issues de cellules adultes reprogrammées génétiquement pour les rendre pluripotentes. Les cellules utilisées dans une thérapie cellulaire proviennent soit du patient lui-même (greffe autologue), soit d’un donneur (greffe hétérologue), selon les techniques employées.
« De son côté, l’ingénierie tissulaire repose sur l’utilisation de biomatériaux d’origine synthétique ou naturelle, fonctionnalisés avec des molécules actives et/ou des cellules, et mis en forme à l’aide de procédés tels que l’impression 3D. Ils sont destinés à être implantés, en contact avec le vivant, sans déclencher de réponse immunitaire, et doivent assurer la fonction voulue dans une application précise », détaille Marie-Noëlle Labour, également enseignante-chercheuse en médecine régénératrice et biomatériaux à l’EPHE et à l’Institut Charles-Gerhardt. Ces tissus vivants remplacent des tissus détruits ou défaillants, qui retrouvent ainsi une structure et une fonction normales. Ces techniques servent, par exemple, dans le cas de greffes de peau étendues ou de greffes de cornée.
Enfin, les thérapies géniques visent à introduire du matériel génétique sous forme d’ADN ou d’ARN dans des cellules cibles, dans le but de traiter une maladie en corrigeant un patrimoine génétique défectueux ou bien d’aider l’organisme à produire des éléments protéiques qui font défaut. Elles intéressent, entre autres, la recherche contre les maladies génétiques héréditaires comme la myopathie de Duchenne ou l’épidermolyse bulleuse.
Les applications potentielles de la médecine régénératrice sont extrêmement vastes, comme en attestent les milliers d’essais cliniques en cours à travers le monde, touchant l’ensemble des spécialités médicales. « Toutes les situations où l’organisme n’est pas en capacité de se réparer lui-même, soit parce qu’il a atteint ses limites soit parce que le tissu concerné ne dispose pas de capacités d’autorégénération, peuvent être concernées », poursuit Emmanuel Belamie.
Beaucoup d’essais, peu d’AMM
Les résultats spectaculaires de certains essais cliniques en médecine régénératrice font régulièrement l’objet d’annonces accrocheuses lors de congrès internationaux. En pratique, peu d’applications ont donné lieu à la commercialisation d’un traitement. Les thérapies régénératrices les plus abouties concernent les produits sanguins, les tissus conjonctifs (os, cartilage, cornée, peau, etc.) de par leur structure relativement simple. A titre d’exemple, seuls trois types de thérapies cellulaires à base de cellules souches disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en Europe : pour traiter des maladies du sang et du système immunitaire ou bien pour reconstituer les cellules sanguines détruites après un traitement anticancéreux, pour faire pousser des greffons de peau destinés aux patients atteints de brûlures graves et étendues et, enfin, pour réparer des lésions de la cornée à la suite d’une brûlure chimique (Holoclar).
La rhumatologie fait partie des spécialités médicales où les essais cliniques de thérapies régénératrices sont parmi les plus avancés. Plusieurs pays commercialisent déjà des thérapies cellulaires contre l’arthrose, comme en Corée. En Europe, un vaste projet, nommé Adipoa, se penche sur les propriétés de cellules progénitrices mésenchymateuses prélevées dans du tissu adipeux pour restaurer des articulations détériorées. Leur intérêt ? Elles sont communes à tous les tissus de soutien et peuvent se différencier en cellules cartilagineuses. Prélevées par lipoaspiration puis triées, elles sont ensuite réinjectées au niveau du genou, de la hanche ou du disque intervertébral (plusieurs localisations sont testées dans les études). « Un essai de phase 2 randomisé contre placebo, comportant 50 patients dans chaque groupe, a démontré des résultats très encourageants. Ces cellules progénitrices ont la capacité de contrôler l’inflammation, de remodeler la matrice extracellulaire grâce à la synthèse d’enzymes et de collagène », analyse le Pr Christian Jorgensen, directeur de l’institut hospitalo-universitaire Immun4Cure de Montpellier et responsable de cette étude. « L’imagerie n’a pas permis de constater une régénération complète des articulations, mais on observe tout de même une amélioration significative de la douleur et de la fonction. » La phase 3 devrait débuter dans le courant de l’année 2025.
D’autres projets se greffent
Toujours dans le traitement de l’arthrose, d’autres essais de médecine régénératrice en cours méritent d’être surveillés, selon le médecin rhumatologue : « L’un d’eux utilise de l’ARN thérapeutique qui code pour des facteurs qui réinduisent la synthèse de cartilage. » Parmi les autres indications intéressantes à mentionner, qui pourraient faire l’objet d’une commercialisation prochaine, Christian Jorgensen évoque les brûlures graves et étendues (études menées par l’Institut de recherche biomédicale des armées). « Des hydrogels contenant des cellules cutanées sont imprimés en 3D puis greffés sur les zones de brûlure afin de restaurer la peau. Cette thérapie est encore en phase de test en France, mais est déjà employée comme traitement dans d’autres pays, dont les Etats-Unis. »
Concernant des tissus à la structure plus complexe, quelques études assez avancées sont également porteuses d’espoirs. Le professeur énumère : « Une thérapie cellulaire a démontré des effets intéressants dans l’accident vasculaire cérébral ischémique, avec une neurorestauration partielle. Une autre thérapie à base de cellules souches a été testée avec succès dans l’insuffisance cardiaque ischémique. Elle permettrait de régénérer partiellement les cardiomyocytes. Enfin, quelques essais ont démontré que l’implantation de cellules pancréatiques pouvait aider à régénérer les cellules détruites par le diabète et permettre à l’organe de sécréter à nouveau de l’insuline. » La conversion en traitement curatif pourrait encore prendre plusieurs années, en raison du coût de production très élevé que représentent ces thérapies.
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