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© coronavirus, Covid-19, hydroxychloroquine, chloroquine, Plaquenil, Raoult, allongement QT, troubles du rythme, torsades de pointes - Matthieu Vandendriessche
Hydroxychloroquine dans Covid-19 : des zones d’ombre sur l’efficacité
Près de 6 Français sur 10 (74 % en région PACA) « croient » en l’efficacité de l’hydroxychloroquine dans le traitement de la Covid-19, selon un sondage IFOP* publié le 6 avril (contre 20 % qui pensent le contraire). Et près d’un demi million de personnes ont signé la pétition #NePerdonsPlusDeTemps lancée le 3 avril par Philippe Douste-Blazy et son collectif (voir notre actualité du 7 avril), réclamant une prescription hospitalière de l’hydroxychloroquine à tous les malades atteints de formes symptomatiques de Covid-19.
Seulement voilà, les indications des médicaments ne se décident pas en fonction de l’opinion populaire. Que disent d’ailleurs les études cliniques sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine dans Covid-19 ? Pas grand-chose aujourd’hui.
Un bénéfice toujours incertain
Si l’hydroxychloroquine a bien montré des résultats positifs sur le Sars-CoV-2 in vitro, aucune étude clinique n’a montré de résultats probants chez l’homme. Pas plus les essais menés par les équipes du Pr Raoult, car « sur le plan méthodologique, les études cliniques sur l’hydroxychloroquine menées à l’IHU de Marseille sont l’exemple à ne pas suivre », expliquent le Pr Jean-Luc Faillie (CRPV de Montpellier-Hérault), le Dr Pascale Olivier et le Pr Agnès Sommet (CRPV de Toulouse-Haute Garonne) dans le Bulletin d’information de pharmacologie clinique (BIP) d’Occitanie d’avril 2020. L’essai présenté le 16 mars est par exemple truffé de biais et d’imprécisions débusqués, entre autres, par la microbiologiste Elisabeth Bik : données manquantes, discordance entre le protocole et les résultats, exclusions de 6 patients (dont 1 décès et 3 admissions en service de soins intensifs, 2 effets indésirables digestifs), etc. « Le tout étant présenté en pré-print c’est-à-dire non revu par des pairs (puis finalement publié de manière questionnable dans un journal dont le rédacteur en chef figure parmi les auteurs) et médiatisé avec triomphe par le Pr Raoult sur la plateforme Youtube », résument les pharmacologues d’Occitanie.
Attendu, le deuxième test des équipes marseillaises n’avait tout simplement pas de bras comparatif. Quant au troisième essai – l’association hydroxychloroquine/azithromycine chez 1 061 patients -, seul l’abstract a été mis en ligne depuis le 9 avril. Le résumé promet « que la mortalité est de l’ordre de 0,5 % et que le taux de guérison est extrêmement élevé. » Selon la revue Prescrire, qui partageait son analyse le 10 avril, « l’évolution observée dans cette étude non comparative concorde avec ce qu’on sait de cette infection. (…) Les résultats observés à Marseille ne permettent pas de valider, ni d’exclure, l’intérêt d’un traitement particulier chez ces patients. »
Faut-il pour autant exclure l’hydroxychloroquine ? Non, selon le collectif #Covid19-Laissons les médecins prescrire, qui réclame la liberté d’autoprescription de l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine sous stricte surveillance médicale (voir notre actualité du 10 avril). Tenant compte des biais du premier essai marseillais, ces médecins considèrent, dans un document envoyé ce 12 avril au Moniteur des pharmacies, que leur analyse « ramène le pourcentage de négativation des tests de 70 % à 50 %. Ce pourcentage est plus élevé dans le sous-groupe traité par hydroxychloroquine et azithromycine, mais le nombre des patients est faible. » Quid de l’amélioration clinique ? L’essai marseillais n’apporte pas la réponse. « Ces réflexions ne doivent pas nier l’intérêt potentiel du traitement par hydroxychloroquine (…). Les résultats des essais comparatifs et randomisés en cous seront les bienvenus ».
La Suède a, de son côté, cessé de prescrire l’hydroxychloroquine à ses patients Covid-19. Faute de résultats et par craintes des effets indésirables.
Alertes aux effets indésirables graves
L’hydroxychloroquine expose les patients à des article publié dans Le Moniteur des pharmacies du 4 avril) : le Sars-CoV -2, en se liant au récepteur de l’angiotensine II, induit une hypokaliémie, elle-même facteur de risque d’allongement du QT et de torsades de pointes. Ce risque chez les patient Covid-19 n’est pas que théorique.
Une étude américaine pré-publiée (abstract) le 3 avril laisse à penser que 11 % des patients atteints de Covid-19 mis sous hydroxychloroquine et azithromycine ont un allongement du QT supérieur à 500 ms, facteur de risque de torsades de pointes.
Autres résultats factuels à prendre en compte : les remontées de pharmacovigilance depuis mars 2020 sur la sécurité de l’hydroxychloroquine dans Covid-19, associée ou non à l’azithromycine. Fin mars, en pleine médiatisation de l’hydroxychloroquine, l’Agence régionale de santé de Nouvelle Aquitaine lançait une première alerte en recensant une dizaine de cas graves de toxicité cardiaque (voir notre actualité du 30 mars). Suivie le 10 avril par « le signal » de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui décompte 43 cas graves de toxicité cardiaque et 4 décès imputables à l’hydroxychloroquine dans Covid-19. « Si on tient compte de l’habituelle sous-notification en pharmacovigilance, cela ferait plus de 70 décès dus à l’hydroxychloroquine, en plus de ceux dus au Covid-19 et on n’a pas besoin de ça en plus », indique le Pr Jean-Louis Montastruc, membre de l’Académie nationale de médecine et directeur du CRPV de Toulouse, interrogé ce 13 avril.
Des stocks d’hydroxychloroquine « au cas où »
Dans 20 % des cas, les patients atteints de Covid présentent une aggravation des symptômes, qui apparait généralement une semaine après les premiers signes et qui serait peut-être due à un « choc cytokinique ». Pour des professionnels de santé, réserver l’hydroxychloroquine aux patients hospitalisés, donc aux formes graves, est trop tardif. Une question reste donc en suspens : un traitement par hydroxychloroquine dès les premiers symptômes a-t-il un intérêt, sachant que 98 % des personnes atteintes de Covid-19 guérissent « naturellement » ? Plusieurs essais cliniques, dont Hycovid, tendent à apporter la réponse.
Dans l’attente des résultats, le laboratoire Sanofi s’est engagé à « pouvoir fournir le moment venu les doses nécessaires [pour les patients Covid-19] et ce, tout en préservant les stocks pour éviter tout risque de rupture », a-t-il confié fin mars au Moniteur des pharmacies (voir notre article du 31 mars). Par ailleurs, un décret du 25 mars 2020 publié au Journal officiel interdit les exportations d’hydroxychloroquine.
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