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© Getty Images/iStockphoto
Détection des cancers : plein le nez !
Repérer de manière plus précoce les cancers grâce à l’air expiré. Tel est l’objectif des nez électroniques fondés sur la volatolomique, qui affichent aussi des ambitions en matière de pronostic et de développement de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Apparus dans les années 1980, les nez électroniques ont vu leurs développements s’accélérer à partir de 2010. « La plupart font appel à la volatolomique, qui désigne l’ensemble des composés organiques volatils (COV), odorants ou non, que l’on trouve dans l’air expiré, explique Sébastien Hulo, professeur des universités et praticien hospitalier au service explorations fonctionnelles respiratoires du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille (Nord). Lorsque des cellules d’un organe deviennent cancéreuses, elles changent leur métabolisme et modifient ainsi les COV produits, COV que l’on peut détecter en analysant l’air exhalé. » Le modèle de nez électronique le plus avancé est le Cyranose 320 de Sensigent. Un essai clinique a démontré que cet instrument portable était capable de détecter le cancer du poumon avec une sensibilité de 71,14 % et une spécificité de 91,9 %. Une firme hollandaise a conçu AeoNose, un appareil qui fait actuellement l’objet de recherches sur la détection précoce des cancers du poumon et du côlon. A l’institut Technion de Haïfa, le Pr Hossam Haick a, lui, développé le Na-Nose, un appareil en phase de commercialisation. Il est capable de détecter les cancers du poumon, du sein, du colon ou de l’estomac avec une efficacité de 95 %, comme l’a montré une étude réalisée sur 4 000 patients.
Malgré ces avancées plus qu’encourageantes, force est de constater que les nez électroniques ne sont toujours pas utilisés en clinique dans le cadre de programmes de dépistage des cancers à grande échelle. Pour Sébastien Hulo, les développements réalisés se heurtent à deux limites principales. « La première, c’est la faiblesse des effectifs des études cliniques concernant le cancer bronchopulmonaire, explique le pneumologue. Tous ces appareils fonctionnent aussi en mode boîte noire. Ils sont capables d’identifier des sujets malades dans une population, mais ils ne savent pas quels COV conduisent à cette sélection. Ce qui ne permet pas d’effectuer le lien entre les composés détectés et la pathologie, et empêche la compréhension des phénomènes physiopathologiques qui conduisent à la modification du métabolisme des cellules. »
La piste de la volatolomique induite
Deux équipes de chercheurs français ont donc décidé de travailler sur de nouvelles approches. Une équipe du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (IC2MP) à l’université de Poitiers (Vienne) a démarré il y a huit ans des travaux fondés sur la volatolomique induite. « Constatant que les approches traditionnelles de volatolomique pouvaient induire des faux positifs du fait de la variabilité interindividuelle, nous avons décidé de faire générer artificiellement une odeur aux patients malades en leur injectant une sonde qui explore l’organisme à la recherche d’une tumeur solide, explique Pauline Poinot, l’enseignante-chercheuse qui pilote ces travaux à l’IC2MP. Lorsqu’elle atteint une tumeur solide, la sonde se transforme en COV, après activation par un marqueur enzymatique présent au sein même de cette tumeur. Ce COV finira par être éliminé dans l’air expiré. » Pour analyser l’haleine, les chercheurs ont conçu un système de détection reposant sur la spectrométrie de masse capable de déterminer en quatre minutes si un patient est sain ou à risque. « Dans 100 % des cas, la discrimination entre souris saines et malades s’est révélée exacte, que ce soit pour les cancers du col de l’utérus, du sein ou du poumon », se félicite Pauline Poinot.
En parallèle, les chercheurs de l’IC2MP ont administré un cocktail de sondes enzymosensibles à des souris malades afin de voir s’il pourrait identifier le type de cancer. « Nous nous sommes aperçus qu’après injection du cocktail les animaux expiraient les traceurs volatils correspondant à l’activation d’une ou plusieurs des sondes, ce qui suggérait la présence d’enzymes distinctes dans différents types de tumeurs. De nouveau, ces traceurs n’étaient pas détectés dans l’air expiré par les sujets sains », souligne Pauline Poinot. Les chercheurs ont ensuite développé un vecteur thérapeutique activé par ces enzymes spécifiques des tissus tumoraux, et programmé pour libérer sélectivement un agent anticancéreux au sein de la tumeur. « Evalué in vivo dans le cadre du traitement de tumeurs humaines du sein triple négatifs implantées chez la souris, ce vecteur a fait preuve d’une réelle efficacité puisque 66 % des animaux traités ne présentaient plus de tumeurs à la fin du protocole, assure l’enseignante-chercheuse. La volatolomique induite pourrait donc aussi constituer une piste de recherche intéressante pour la découverte de nouvelles stratégies thérapeutiques. »
La première sonde de l’IC2MP est en cours de transfert vers la clinique, puisque la biotech anglaise Owlstone Medical s’apprête à débuter une étude de phase 2 sur le cancer du poumon. La start-up française Seekyo, a, elle, licencié le brevet du cocktail de sondes pour essayer de cartographier les marqueurs biologiques des différentes tumeurs afin de pouvoir diagnostiquer de façon robuste le phénotype cancéreux et de développer des agents chimiothérapeutiques capables de les cibler sélectivement.
15 suspects
Au CHU de Lille, les services explorations fonctionnelles respiratoires et pneumologie-oncologie thoracique investiguent la piste de la volatolomique classique. Ils ont lancé en 2018 l’étude clinique Catocov1 portant sur 750 patients atteints d’une tumeur avérée et exempts de traitement et 750 témoins a priori indemnes. « Sur la base des 650 premiers patients avérés recrutés, nous avons pu identifier une short list de 15 COV suspectés d’être de bons marqueurs, explique François Sihrener, le chef de projet qui a piloté cette étude à la direction recherche innovation du CHU de Lille. Nous avons aussi défini des jeux de règles, fondés sur des algorithmes de classification et d’intelligence artificielle conçus par le laboratoire Cristal2 (CNRS, université et Ecole centrale de Lille), pour déterminer si un patient doit être classé parmi les sujets témoins ou les cas à risque. Grâce à elles, nous avons obtenu une sensibilité de 84,7 % et une valeur prédictive positive de 92,6 %. »
En parallèle, les équipes du CHU de Lille se sont associées dans le cadre du projet Pathacov3 avec l’université de Liège (Belgique) et l’Institut Mines-Télécom Nord Europe pour développer un nez électronique capable d’identifier les 15 COV suspects. « Soumis à des haleines artificielles recomposées en laboratoire, et représentatives de sujets malades ou sains, un premier prototype a produit d’excellents résultats puisque nous avons obtenu un taux d’efficacité de 95 % », se félicite François Sihrener. Une nouvelle étude, Alcove4, démarrera au printemps prochain afin de tester ce nez électronique en condition clinique, et de conduire le prototype fonctionnel jusqu’à une version pré-industrialisée d’un dispositif médical pouvant être utilisé par n’importe quel médecin généraliste ou pharmacien d’officine.
1 Analyse des composés organiques volatiles dans l’air exhalé comme outil diagnostique des cancers thoraciques.
2 Centre de recherche en informatique, signal et automatique de Lille.
3 Diagnostic des pathologies humaines par analyse de composés organiques volatils dans l’air expiré.
4 Analyse des composés organiques volatils et impact sur l’environnement et la santé.
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