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Cytochromes P450

Publié le 18 février 2012
Par Denis Richard
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Enzymes clés du métabolisme, les cytochromes P450 interviennent dans la transformation de nombreux médicaments. Leur inhibition ou leur induction expliquent la majeure partie des interactions médicamenteuses cinétiques.

De quoi s’agit-il ?

• Les cytochromes (CY) sont des protéines colorées contenant un ion métallique (Fe ou Cu) leur conférant des propriétés oxydoréductrices.

• Les familles de cytochromes se distinguent par la longueur de l’onde lumineuse absorbée.

• Parmi elles, les cytochromes P450 ou CYP450 (CYP pour cytochrome et pigment) contiennent du fer et absorbent à 450 nm (d’où leur nom). Les cytochromes P450 sont essentiellement concentrés dans le réticulum endoplasmique des hépatocytes et des entérocytes. Ils sont acajou (d’où la couleur foncée du foie et du cœur). On connaît aujourd’hui plus de 11 000 CYP450 différents.

Quel est leur rôle ?

• Les cytochromes P450 catalysent des réactions de détoxification par oxydation.

• Ils sont responsables du métabolisme de substances endogènes (stéroïdes, acides gras, vitamine D, famille des prostaglandines, etc.) ou exogènes (plus de 80 % des médicaments, polluants, etc.). De nombreuses substances, induisant ou inhibant l’activité des cytochromes P450, perturbent la cinétique des médicaments. L’effet est différent selon que les médicaments ou métabolites sont actifs ou inactifs.

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Quels noms pour les CYP450 ?

• Les cytochromes sont classés en fonction de l’homologie de leurs séquences en acides aminés : un chiffre indique les familles (CYP1, CYP2, CYP3), une lettre les sous-familles (CYP1A, CYP2D, etc.) et un second chiffre les isoenzymes, c’est-à-dire des enzymes qui présentent une séquence d’acides aminés différente mais catalysant une même réaction (CYP3A4, CYP2D6, etc.).

• Les principaux CYP sont 1A2, 2C9, 2D6 et 3A4 (30 % des CYP hépatiques et 50 % de toute l’activité métabolique des CYP). Chacun a des cibles métaboliques propres, lesquelles, toutefois, peuvent parfois être communes à plusieurs cytochromes P450 (ex. : le diazépam est métabolisé par 2C19 et 3A).

Quel est l’effet d’un inducteur enzymatique ?

L’augmentation de l’activité par induction concerne surtout les CYP2C et 3A. Cette action devient maximale en 2 à 3 semaines et régresse aussi lentement à l’arrêt du médicament ou de la substance inductrice, d’où la nécessité d’anticiper les conséquences de la prescription de médicaments inducteurs enzymatiques (risque de moindre efficacité au début ; risque de surdosage en fin de traitement). L’action des inducteurs est en général peu spécifique, contrairement à celle des inhibiteurs.

Quel est l’effet d’un inhibiteur enzymatique ?

De survenue rapide, l’inhibition résulte de l’action directe d’une substance (ex. : inactivation du CYP3A par l’érythromycine ou la clarithromycine) ou, surtout, de la compétition entre deux substances sur un même cytochrome. Les médicaments inhibiteurs sont bien plus nombreux que les inducteurs. L’inhibition réciproque entre médicaments dépend de leur affinité relative pour le cytochrome. Certains médicaments peuvent inhiber simultanément plusieurs isoenzymes du cytochrome P450. Quelques médicaments sont à la fois inhibiteurs de certaines isoenzymes et inducteurs d’autres (ex. : inhibiteurs de la protéase du VIH).

Tous les patients ont-ils les mêmes cytochromes ?

• Age. Certains cytochromes sont présents chez le fœtus mais absents chez l’adulte, et inversement. Leur quantité relative varie selon l’âge, ce qui explique une part des variations cinétiques entre un enfant, un adulte et un sujet âgé.

• Pathologies. Des maladies (dysthyroïdies, diabète, insuffisance rénale, etc.) modifient l’activité des cytochromes P450. La cirrhose hépatique, notamment, réduit considérablement leur activité. Une inflammation systémique inhibe l’expression des enzymes liées au cytochrome P450.

• Génétique. Il existe une variabilité interindividuelle importante dans l’activité des cytochromes car les isoenzymes sont sujettes à un polymorphisme génétique (ex. : plus de 40 polymorphismes connus pour le cytochrome 2D6).

On distingue des sujets métaboliseurs lents et des métaboliseurs rapides, réagissant différemment à l’administration d’un même médicament. Par exemple, les métaboliseurs lents pour le cytochrome 2D6 transforment lentement la codéine en morphine active et sont donc peu sensibles à son action antalgique, alors que les métaboliseurs rapides réagissent à des doses faibles de codéine. Environ 5 à 10 % de la population caucasienne est déficiente en cytochrome 2D6 et 10 % sont des métaboliseurs ultrarapides (gène dupliqué de façon surnuméraire).

Des tests génétiques permettent de repérer les polymorphismes particuliers pour un ou plusieurs types de cytochromes P450 et d’expliquer certaines résistances aux traitements par des médicaments métabolisés par ces cytochromes.

EN PRATIQUE

En cas de prescription d’une association de médicaments, il faut vérifier la présence d’inducteurs ou d’inhibiteurs et, si besoin, adapter en regard la posologie (augmenter avec inducteur, diminuer avec inhibiteur), en effectuant parfois une mesure des taux plasmatiques (ex. : anticonvulsivants, théophylline) ou en contrôlant des paramètres biologiques (ex. : AVK par INR, antiarythmiques par ECG, etc.).

Exemple d’inhibition

L’amiodarone inhibe fortement l’activité du CYP2C9. L’association acénocoumarol (substrat du CYP2C9)/amiodarone ralentit l’élimination d’acénocoumarol exposant à un risque d’hémorragie. La posologie d’acénocoumarol doit être adaptée et le suivi INR rapproché.

Exemple d’induction

Le millepertuis induit progressivement et puissamment l’activité du CYP3A4. L’association éthinylestradiol (substrat du CYP3A4)/millepertuis accélère l’élimination d’éthinylestradiol. L’effet contraceptif ne sera plus assuré.

Sources : Guide Interactions, éd. 2012, Prescrire, pp. 432-437 ; Interactions médicamenteuses et cytochromes, www.afssaps.fr ; « Advances in human cytochrome p450 and personalized medicine », Chen Q. et al. (2011), Curr. Drug Metab., 12(5) ; « Assessment of cytochrome p450 enzyme inhibition and inactivation in drug discovery and development », Nettleton D.O., Einolf H.J., (2011), Curr. Top. Med. Chem., 11(4).