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Ces médicaments venus d’ailleurs
Certaines maladies ne sont toujours pas soignées efficacement ou développent des résistances aux traitements. D’autres émergent en raison notamment de l’augmentation de la durée de vie. La quête de nouveaux médicaments est donc une priorité permanente et de nouvelles voies de recherche sont en train d’être explorées ou… redécouvertes.
Ils vous effraient, ils vous insupportent, ils vous piquent… et pourtant, les insectes sont peut-être l’avenir de l’homme. Avec plus de un million d’espèces répertoriées dans le monde, les insectes constituent le groupe le plus large du règne animal, représentant environ 90 % de toutes les espèces connues ! Cette biodiversité, longtemps sous-estimée par les chercheurs, fait l’objet d’un intérêt grandissant de la part des pharmacologues. Les insectes sont en effet des organismes extrêmement résistants, qui ont colonisé toutes les niches écologiques des terres émergées. Pour se défendre, ils synthétisent des peptides actifs ou des petites molécules organiques qui ont été sélectionnés pendant 500 millions d’années d’évolution. Certains de ces peptides se révèlent être des antimicrobiens susceptibles de pouvoir lutter contre les germes résistants aux antibiotiques conventionnels.
La naissance d’Entomed, en 1999, à la suite des études sur la biologie des insectes réalisées par Jules Hoffmann, directeur de l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg, n’est donc pas une surprise. « L’objectif d’Entomed est de mettre au point des nouveaux médicaments à partir des substances fabriquées par les insectes », explique le Dr Jean-Luc Dimarcq, directeur scientifique d’Entomed. Ces substances ont des propriétés anti-infectieuses, antalgiques, anti-inflammatoires et certaines molécules sont même testées pour le traitement des cancers.
La première molécule sortie des laboratoires d’Entomed est un peptide antifongique tiré de la larve d’un papillon venant de Guyane. Il est destiné à lutter contre les infections fongiques chez les patients transplantés. Seconde voie de développement : un peptide antibactérien dérivé d’une mouche française et actif contre les staphylocoques résistants aux antibiotiques. D’autres substances sont actuellement en cours d’étude, en particulier des petites molécules ayant une activité antiproliférative. « Ces nouvelles molécules devraient permettre de lutter contre certains cancers », anticipe Jean-Luc Dimarcq.
20 000 principes actifs sous les mers
Les insectes qui sont étudiés par Entomed proviennent de pays du monde entier, grâce à de nombreuses collaborations avec la Chine, l’Afrique, les Etats-Unis et l’Europe. Chaque insecte peut produire un très grand nombre de molécules et chacune d’entre elles serait susceptible d’être transformée en médicament. Par exemple, en réponse à une infection, la drosophile (une mouche) est capable de synthétiser plus de 70 peptides dans sa lymphe. Selon Jean-Luc Dimarcq, « virtuellement, chaque espèce d’insecte devrait pouvoir être à l’origine d’une tête de série de médicaments ». C’est dire l’immensité des médicaments pouvant encore être découverts !
La sélection des insectes est réalisée par des entomologistes et experts en ethnopharmacologie. Préparés sous forme d’extraits, ils sont ensuite envoyés dans les laboratoires d’Entomed. Pourtant, des difficultés persistent : « Même si la biodiversité, dans le monde des insectes, est la plus impressionnante, elle est difficile à appréhender, ne serait-ce que parce que les insectes sont difficiles à attraper, poursuit Jean-Luc Dimarcq. La taille des insectes est aussi un problème car elle ne permet d’avoir que des quantités limitées des substances intéressantes. » Pour résoudre ce problème, les scientifiques ont dû adapter leurs technologies à des échantillons de petites tailles.
A côté des insectes, le milieu marin fait figure de terra incognita. En effet, seul 1 % du million d’espèces qui y habitent a fait l’objet d’études scientifiques ou taxonomiques (classification). L’eau a beau être le milieu originel de la vie, il a fallu l’épopée Cousteau et l’acharnement passionné de quelques chercheurs pour faire prendre conscience de l’étendue des possibilités offertes par le monde marin. Un champ d’investigation immense qui a toutefois donné lieu à quelques médicaments célèbres. « Le premier concerne la première céphalosporine qui fut isolée en 1948 d’une souche d’une moisissure trouvée au large de la Sardaigne. Pour la petite histoire, le champignon avait été amené par une bouche d’égout proche et n’était pas inféodé au milieu marin ! », raconte le professeur Jean-François Verbist de la faculté de pharmacie de Nantes, qui dirige le SMAB (laboratoire des substances marines à activité biologique).
Puis vinrent en 1976 la cytarabine, aux propriétés antitumorales, et la vidarabine, un antiviral (varicelle, zona, herpès), lancée en 1987. Toutes deux dérivent de substances isolées d’une éponge. Quant à la pseudo-ptérosine, découverte dans une gorgone des Bahamas, elle est commercialisée dans des produits visant à prévenir le vieillissement de la peau et est actuellement en étude clinique pour traiter le psoriasis, voire comme cicatrisant.
« L’intérêt pharmacologique pour le milieu marin a véritablement commencé en 1969 avec la découverte chez une gorgone des Caraïbes d’un précurseur de la prostaglandine, la 15-épi-PGA2, explique Jean-Pascal Bergé, chercheur au laboratoire de biotechnologie et molécules marines de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer). Cette première tentative ne sera pas concluante du fait, d’une part, des difficultés d’extraction et de purification de la molécule, et de la découverte d’autre part d’un procédé de synthèse chimique beaucoup plus rentable. Toutefois la voie était ouverte. »
Mais avec quelque 200 000 espèces animales, 20 000 macroalgues et 10 000 microalgues, quelle direction de recherche privilégier ? La piste la plus fréquemment choisie par les scientifiques concerne les animaux marins fixés et dépourvus de défenses physiques (coquille, carapace…) ayant développé des moyens de lutte chimiques, ainsi que les êtres vivant dans des milieux à très forte compétition pour l’espace vital. « Ces animaux sécrètent très souvent des toxines d’une efficacité redoutable pour la chasse ou pour se défendre, mais aussi, comme on a pu le vérifier en laboratoire, contre des cellules malignes », précise le Pr Jean-François Verbist. Ainsi un peptide, le ziconotide, a été isolé d’un Conus piscivore (gastéropode) capable d’envoyer un harpon sécrétant un poison qui immobilise sa proie en moins d’une seconde. Le ziconotide, actuellement en étude clinique de phase III, pourrait constituer un antalgique majeur, mille fois plus actif que la morphine ! Deux bémols de taille pourtant : on ne connaît pas l’antidote de cette molécule et le produit, pour agir, doit être injecté directement dans la moelle épinière…
Actuellement, une dizaine de principes actifs isolés à partir d’êtres vivant dans la mer sont en études cliniques de phase II ou III. La plupart concernent des antitumoraux comme la squalamine (extraite d’un requin très commun de l’Atlantique Nord) qui agit sur l’angiogenèse tumorale, l’aplidine découverte chez une ascidie des Baléares ou la dolastatine 10 extraite d’un lièvre de mer (gastéropode sans coquille) de l’océan Indien (1 picogramme/ml de dolastatine 10 suffit à tuer une cellule). L’ecteinascidine 743, issue d’une autre ascidie, surnommée… ET (elle a été étudiée à l’époque de la sortie du film de Spielberg) mais qui se nomme scientifiquement Ecteinascidia turbinata, pourrait trouver une application très prochaine dans le traitement des sarcomes.
Si les méthodes de récolte ont peu évolué, les équipes de scientifiques et plongeurs récoltent dans les fonds marins des mers chaudes puis rapatrient les échantillons à leurs laboratoires sous forme congelée. Et le criblage à haut débit a désormais supplanté le criblage artisanal. « Avec ce type de méthode, on automatise le criblage sur des cibles très précises comme des récepteurs et non plus sur la cellule ou un organe dans son ensemble », précise Jean-François Verbist.
Le monde marin est donc loin d’avoir livré tous ses secrets et les laboratoires pharmaceutiques ne s’y trompent pas : ils possèdent quasiment tous un programme de recherches marines. « On estime habituellement que sur 10 000 substances extraites à visée thérapeutique, une seule donnera lieu à un médicament. Lorsqu’il s’agit de substances marines, ce sont 10 molécules testées sur 10 000 qui peuvent devenir des médicaments », conclut Jean-Pascal Bergé.
L’ethnopharmacologie provoque une ruée sur l’or vert
Près de 60 % des médicaments actuellement sur le marché ont été obtenus, plus ou moins directement, à partir de plantes, sans parler de la phytothérapie ou encore de l’aromathérapie. Normal, car comme le rappelle François Chast dans sa très intéressante Histoire contemporaine des médicaments (éd. La Découverte/Poche), la cueillette a été depuis l’aube de l’histoire le mode d’acquisition des médicaments. Tout naturellement, les chimistes, à leurs débuts, copièrent ou modifièrent les « principes naturels pour les rendre plus efficaces ou mieux tolérés »… avant de s’en éloigner pour « ouvrir la voie à de nouvelles séries chimiques aux effets inédits ».
Alors que démarre l’ère des biotechnologies et de la génomique, on assiste paradoxalement à un retour aux sources avec le développement, depuis les années 80, d’une nouvelle discipline, l’ethnopharmacologie. Cette branche de la pharmacologie recense les remèdes utilisés par les sociétés traditionnelles sur tous les continents. Près de 80 % de la population des pays en voie de développement utilisent les plantes pour se soigner, et les chercheurs tentent de les valider scientifiquement pour mettre au point de nouveaux médicaments. Pourquoi ne pas, en effet, commencer par étudier les propriétés des plantes déjà connues par les chamans ou les guérisseurs ? D’autant que, selon l’Institut des ressources mondiales, à peine 1 % des espèces végétales auraient été étudiées pour leurs propriétés thérapeutiques à la fin des années 80 !
« Les textes les plus anciens relatifs à la médecine et à la pharmacologie viennent des civilisations du Proche-Orient antique, de l’Egypte et surtout de la Mésopotamie », raconte le Dr Guy Mazars, président de la Société européenne d’ethnopharmacologie et directeur adjoint de l’Institut d’histoire des sciences à l’université Louis-Pasteur (Strasbourg). Les littératures médicales produites par les grandes civilisations (Grèce, Inde, Chine notamment) constituent aussi une somme d’informations précieuses pour la recherche de nouveaux médicaments.
La recherche en ethnopharmacologie comprend deux grandes phases : une enquête de terrain visant à sélectionner les plantes les plus prometteuses, suivie d’expériences en laboratoire qui permettent de valider l’efficacité revendiquée du remède et d’évaluer l’activité pharmacologique des molécules. Ce genre d’étude a permis de vérifier que la majorité des plantes médicinales utilisées dans les pharmacopées traditionnelles est réellement efficace pour la pathologie visée. Avec les techniques actuelles, la recherche de molécules actives dans les plantes devient relativement simple. L’utilisation d’un équipement de criblage à haut débit permet, avec très peu d’extraits de plante, de connaître l’activité de ses molécules sur un grand nombre de protéines (enzymes, récepteurs…). Les grandes compagnies pharmaceutiques possèdent des automates capables de tester jusqu’à 100 000 échantillons par jour. La mise au point de médicaments est ainsi beaucoup plus rapide.
Les plantes chinoises ou indiennes sont les plus étudiées car leur usage médical repose sur des traditions écrites très riches. En Inde, 60 000 préparations issues de plantes sont actuellement sur le marché ! Le Dr Mazars et sa collègue le Dr Marie-Jeanne Bouchet, chercheuse au laboratoire de pharmacognosie et de substances naturelles d’intérêt biopharmaceutique à l’université Louis-Pasteur, étudient depuis trois ans les propriétés d’une plante issue de la médecine traditionnelle indienne. Elle est réputée pour avoir des vertus sur la mémoire et la cognition. « Nous avons effectivement trouvé dans cette plante des molécules qui ont un effet réel sur la mémoire », explique Marie-Jeanne Bouchet. Les chercheurs espèrent pouvoir les utiliser pour traiter la maladie d’Alzheimer ou d’autres troubles de la mémoire. En parallèle, les deux chercheurs strasbourgeois étudient une plante qui pourrait donner de bons résultats dans la maladie de Parkinson.
Les populations autochtones dénoncent le « biocolonialisme »
En Afrique, la connaissance des plantes médicinales est souvent transmise oralement. Les scientifiques ont donc beaucoup plus de difficultés pour obtenir des informations. Ils passent généralement par des organisations non gouvernementales travaillant sur place, et donc plus proches des populations, pour négocier le partage des savoirs. Certains laboratoires pharmaceutiques ont même signé des accords d’exclusivité avec des pays, voire des tribus. En 1991, Merck & Co, alors premier laboratoire mondial, versa un million de dollars au Costa Rica pour être le seul à pouvoir étudier des spécimens de flore, d’insectes et de micro-organismes récoltés dans ses forêts. Soit deux dollars par espèce potentiellement analysable, selon le laboratoire de Greenpeace. Mais Merck s’est également engagé contractuellement à verser des royalties (entre 1 et 5 % du chiffre des ventes) sur chaque produit breveté issu de cette bioprospection. En 1996, les tribus aguarunas du Pérou ont conclu avec Searle-Monsanto un accord portant sur la récolte de plantes médicinales traditionnellement utilisées par les Indiens. Outre des droits de récolte par échantillon ainsi que des royalties en cas de mise sur le marché, les Aguarunas ont également négocié, grande première, des droits d’« expertise » correspondant à l’utilisation de leurs connaissances pour sélectionner les plantes. Mais ces accords, rares, n’empêchent pas la plupart des populations autochtones de dénoncer le « biocolonialisme » des laboratoires, sans partage des bénéfices. Elles demandent ainsi la rédaction d’une « déclaration universelle des droits des indigènes », qui empêcherait la « brevetabilité des médicaments provenant de l’utilisation des connaissances traditionnelles ». La conférence qui se déroule actuellement à Johannesburg fera justement un point sur ce sujet après dix ans d’application de la Convention sur la diversité biologique.
Ces arbres qui cachent une forêt d’espèces vivantes
La plus grande richesse florale se trouve dans les pays tropicaux, bénéficiant de plus de lumière, et en particulier à la cime des arbres des forêts vierges. Fort de ce constat, Francis Hallé, professeur passionné de botanique tropicale (université de Montpellier), a décidé d’explorer cet « océan vert » à bord d’une embarcation un peu particulière, le « radeau des cimes ». En fait, il s’agit d’une plate forme de 300 m2 soutenue par une montgolfière.
Depuis 1989, son équipe répertorie les êtres vivant au sommet des arbres, ces derniers pouvant atteindre 30 à 45 mètres de haut. L’extraordinaire diversité des espèces peuplant la canopée est une véritable mine d’or pour les biologistes, les entomologistes, les chimistes et les pharmacologues.
En 1991, lors d’une expédition au Cameroun, les plantes ramassées ont permis à la faculté de pharmacie de Montpellier de trouver les premiers indices d’une activité phytochimique accrue au niveau de la canopée. L’une des découvertes majeures (en 1996) du radeau des cimes est d’avoir montré une quantité largement supérieure de molécules actives, potentiellement utilisables en médecine, en haut de la forêt plutôt qu’en bas. Les chercheurs expliquent cette propriété par une plus grande exposition solaire.
Ces progrès qui tombent du ciel
Vous n’en avez peut-être pas conscience, mais la recherche astronomique contribue de manière significative aux progrès de la médecine. Ainsi l’étude des particules de l’univers a-t-elle permis d’améliorer l’imagerie médicale. Le scanner à ultrasons, qui permet d’affiner le diagnostic médical, ou la chirurgie laser en sont des exemples probants.
Par ailleurs, certains équipements conçus pour faciliter les conditions de travail dans l’espace pourraient aussi trouver leur place sur Terre. C’est par exemple le cas de l’optique adaptative, qui a pour objectif de corriger la vision floue due à l’atmosphère. Cette technique sera probablement utilisée en ophtalmologie, pour observer avec une très bonne résolution le fonctionnement des cellules rétiniennes in vivo.
La surveillance médicale des astronautes à, elle, permis de mieux comprendre les adaptations physique, chimique, biologique et psychologique de l’organisme aux conditions extrêmes du milieu extraterrestre, contribuant du même coup à une meilleure prise en charge, sur Terre cette fois, des maladies cardiovasculaires (tant sur le plan du diagnostic, du traitement que de la prévention). Ces recherches ont également amélioré la détection prénatale de problèmes génétiques ou encore le traitement de désordres métaboliques chroniques… La liste n’est pas exhaustive et devrait encore s’allonger si l’on considère l’intérêt grandissant des chercheurs de nombreuses disciplines pour les études spatiales.
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