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C, la fin
Depuis la mise sur le marché des traitements antiviraux d’action directe, l’éradication de l’hépatite C est envisagée, et même proche. Quand peut-elle être espérée ? Quels sont les derniers freins à lever ? Le point sur les objectifs des autorités de santé.
Dans le monde, environ 58 millions de personnes seraient porteuses chroniques du virus de l’hépatite C (VHC). Le nombre de décès annuels avoisine les 290 000, principalement des suites d’une cirrhose ou d’un carcinome hépatocellulaire. En France, l’Assurance maladie estime à 133 000 le nombre de personnes atteintes d’une hépatite C chronique. Une sur trois ignore qu’elle est infectée. « Ces chiffres ont été publiés en 2019 et se réfèrent à une enquête de 2016 », précise Frédéric Chaffraix, responsable du service expert de lutte contre les hépatites virales d’Alsace (Selhva), aux hôpitaux universitaires de Strasbourg (Bas-Rhin). Depuis ? « La crise sanitaire liée au Covid-19 est passée par là », met en garde l’expert, également président de l’association SOS hépatite Alsace-Lorraine. La prévalence de la maladie, en baisse depuis plusieurs années, pourrait ainsi avoir connu un rebond. Les objectifs les plus ambitieux d’éradication de la maladie, évoqués pour l’horizon 2025 en France, s’en trouvent légèrement repoussés.
« L’objectif désormais est plutôt 2030 à l’échelle nationale », reconnaît la Dre Lucia Parlati, hépatogastroentérologue à l’hôpital Cochin à Paris et membre de l’Association française pour l’étude du foie (Afef). Cette date est aussi celle retenue au niveau mondial par l’Organisation mondiale de la santé, qui définit l’élimination comme « une diminution de 90 % des nouvelles infections, associée à une réduction de la mortalité liée au VHC de 65 % ».
La principale difficulté pour atteindre cet objectif : « arriver à toucher les patients à risque, qui se trouvent dans un milieu compliqué de prise en charge », poursuit Lucia Parlati. Parmi ces populations « cibles », la Haute Autorité de santé liste les personnes en situation de précarité, les patients présentant des troubles psychiatriques, les détenus et les usagers de substances psychoactives par voie intraveineuse ou pernasale.
Améliorer le dépistage
A titre d’exemple, le dernier rapport du Conseil national du sida et des hépatites virales (2021) regrette « l’absence de recueil national d’information de prise en charge médicale du VHC » en milieu pénitentiaire et identifie l’insuffisance de dépistage comme un « obstacle majeur ». « C’est le même constat pour les personnes en situation de précarité et les usagers de drogues, explique Frédéric Chaffraix. De plus, ils ont subi la fermeture des centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie lors du premier confinement, limitant l’accès au matériel de réduction des risques. Ces faisceaux d’indices nous laissent croire que les problématiques de contamination se sont aggravées. »
Un effort dans le dépistage est donc la première mesure envisagée. Frédéric Chaffraix estime que des propositions dans ce sens seront incluses dans les nouvelles recommandations de prise en charge du VHC, sur lesquelles travaille actuellement l’Agence nationale de recherche sur le sida, les hépatites virales et les maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE). Leur publication est annoncée comme « proche » mais « sans date précise ».
Bien que n’étant pas reconnue comme une infection sexuellement transmissible en raison du mode de contamination principal par voie sanguine, l’hépatite C fait partie intégrante de la stratégie nationale de santé sexuelle. La dernière feuille de route a ouvert la voie, fin 2022, au dépistage du VIH sans ordonnance dans les laboratoires d’analyses. Pourquoi pas la même chose pour l’hépatite C ? « Réaliser une sérologie sans prescription médicale, pour dépister simultanément le VIH, le VHB et le VHC aurait vraiment du sens. Cela nous permettrait de toucher plus facilement des personnes qui ne sont pas suivies par un médecin », répond Frédéric Chaffraix.
Autre piste envisageable, selon le responsable du Selhva : élargir l’accès aux tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) aux pharmacies d’officine. « Les pharmaciens sont en contact direct avec certaines populations que nous cherchons à atteindre, en délivrant par exemple les traitements de substitution. Ils occupent une place essentielle dans la prévention et pourraient être impliqués davantage dans le dépistage. » Les Trod pour l’hépatite C présentent un niveau de sensibilité identique aux tests Elisa, pour des résultats disponibles en 15 à 30 minutes à peine.
Reste à dédramatiser ce dépistage. Victime de fortes idées reçues, celui de l’hépatite C doit aujourd’hui être associé à un nouveau message : il s’agit de la première maladie chronique au monde qu’il est possible de guérir.
Des traitements qui fonctionnent
Avec 99 % de guérison en première intention, les antiviraux d’action directe (AAD) ont révolutionné le traitement de l’hépatite C. Trois catégories de molécules sont actuellement commercialisées, qui ciblent des protéines clés de la réplication virale : la protéase NS3/4A, la polymérase NS5B et la protéine NS5A. Toutes sont « pangénotypiques », c’est-à-dire efficaces sur l’ensemble des génotypes du virus. L’identification génétique concomitante au dépistage est ainsi devenue obsolète.
« En l’absence de fibrose hépatique évoluée et pour les patients qui n’ont pas d’antécédent de traitement antiviral, la prise en charge peut être réalisée directement par le médecin traitant. Les médicaments proposés sont Maviret (glécaprévir/pibrentasvir) ou Epclusa (sofosbuvir/velpatasvir), énumère Lucia Parlati. En revanche, les patients présentant une fibrose hépatique avancée, confirmée par des tests non invasifs sanguins (FibroTest, FibroMètre) ou élastométrie (FibroScan), ou ceux dont la maladie a résisté à des traitements antérieurs doivent être adressés à un hépatogastroentérologue. »
En cas de résistance aux traitements de première intention, d’autres associations thérapeutiques peuvent être proposées, comme Harvoni (sofosbuvir/lédipasvir) ou Vosevi (sofosbuvir/velpatasvir/voxilaprévir). Les chances de guérison atteignent alors 99,9 %. « Ces informations sont importantes à communiquer, insiste Frédéric Chaffraix. Guérir de l’hépatite C est désormais possible grâce aux AAD. Les traitements sont rapides – 8 à 12 semaines – et surtout sans effet secondaire. Il faut également rassurer les patients non guéris qui ont connu l’interféron ou la ribavirine et leur cortège d’effets indésirables. Ils ont ici une nouvelle chance de guérison, sans avoir à craindre de subir les mêmes conséquences. »
D’autres mises à jour attendues
Le prochain rapport de l’ANRS MIE devrait permettre à la fois d’actualiser les chiffres de prévalence de l’hépatite C et de définir les derniers axes d’amélioration pour sa prise en charge. Si les traitements en eux-mêmes semblent au point, « le suivi des patients postguérison peut encore être optimisé », évoque Lucia Parlati. En cas de fibrose sévère ou de cirrhose, un dépistage du carcinome hépatocellulaire avec imagerie est actuellement conseillé tous les six mois, même chez les patients guéris. « Or, on sait que la fibrose régresse après guérison, donc ce suivi pourrait être réduit. Mais nous avons besoin de davantage de données pour modifier les recommandations actuelles », complète l’hépatologue.
« La situation a considérablement changé en quelques années seulement », conclut l’experte de l’Afef, qui se veut confiante quant à l’élimination proche de l’hépatite C. Les antiviraux d’action directe, bien que critiqués car coûteux, ont déjà contribué à ce que le virus ne constitue plus la première cause de transplantation hépatique en France. L’amélioration du dépistage précoce irait aussi dans ce sens, en limitant les risques de cirrhose et les accompagnements thérapeutiques lourds.
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