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Le D-day de l’avenant

Publié le 15 juin 2024
Par Christelle Pangrazzi
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Le nouvel avenant économique à la convention pharmaceutique débarque. Il a été approuvé par la FSPF le 7 juin et entrera en vigueur en janvier 2025. Honoraires de dispensation, Rosp, gardes, biosimilaires, aides aux pharmacies fragiles… Voici dans les détails les revalorisations et nouvelles rémunérations.

 

 

Il a dit « oui » ! Vendredi 7 juin, au terme de huit mois de débats, d’échanges, de réunions reportées, après des kilomètres d’e-mails échangés, des litres de sueurs dépensés et même des grèves, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), a annoncé signer l’avenant économique à la convention pharmaceutique. Une déclaration sous haute tension. Deux jours plus tôt, l’appel de Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), n’aura pas été entendu. Il demandait à son homologue de ne pas signer ce texte « insuffisant ». « Nous n’avons pas fait tout ça pour si peu », exhortait-il. Le 30 mai, 20 000 blouses blanches avaient défilé dans 30 villes de France pour protester contre la possible dérégulation de l’officine et un projet d’avenant conventionnel estimé « indigent ». Si ces marches inédites se sont révélées payantes sur certains points – les pharmaciens ont obtenu d’Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation, et de Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, le retrait du projet de loi Ferracci et l’assurance d’une coconstruction autour de la vente en ligne de médicaments –, les promesses obtenues sur les honoraires de dispensation et la question des biosimilaires alimentent, quant à elles, toujours les débats.

Loin de faire l’unanimité

 

« Contrairement au storytelling de l’Assurance maladie, les honoraires à l’ordonnance ont été faiblement revalorisés et il est impossible de modéliser l’économie réalisée sur les biosimilaires », estime Guillaume Racle, membre du bureau de l’USPO. Y avait-il donc urgence à signer ? « Si nous avions fait le choix de passer notre tour, nous aurions dû attendre 2027 pour envisager de nouvelles négociations », rétorque le président de la FSPF. Le 8 juin, Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), a soutenu cette déclaration : « Les caisses sont vides. L’après-Covid-19 est difficile, nous enregistrons un déficit de 11 milliards d’euros. Il y avait nécessité à conclure un accord rapidement ». L’urgence, selon Philippe Besset, est d’autant plus importante du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin. « L’ensemble des cartes pourraient être rebattues… en notre défaveur », explique-t-il. Une clause de revoyure a d’ores et déjà été actée à l’été 2026. « Je prône, par ailleurs, la mise en place de négociations annuelles avec nos interlocuteurs de l’Assurance maladie », ajoute Philippe Besset. Officiellement, l’enveloppe globale allouée aux pharmaciens s’élève à 214 millions d’euros à l’horizon 2027, soit une moyenne de 900 € par officine et par mois. Elle pourrait être augmentée de 200 millions d’euros si les mesures prévues autour des biosimilaires et hybrides – égalisation des marges, remises – devaient être inscrites dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Le 10 juin, l’avenant économique à la convention pharmaceutique a été signé par la FSPF. Revue de détail des mesures applicables, pour beaucoup, d’ici le début d’année 2025.

Des honoraires de dispensation jugés insuffisants

 

Les honoraires constituent le cœur du métier de pharmacien. Au total, l’enveloppe proposée par l’Assurance maladie sur les honoraires s’élève à 110 millions d’euros. Concrètement :

 

– l’honoraire lié à l’ordonnance passe de 0,51 à 0,61  TTC. En 2027, il pourrait être revalorisé à 0,66 € sous réserve de la clause de revoyure en 2026.

 

– l’honoraire lié à l’âge augmente, lui, de 0,10 €, pour atteindre 1,68 € TTC au 1er janvier 2026.

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Les gardes : de belles avancées

 

La refonte du système de garde tant attendue est en marche. La dernière révision des honoraires d’astreinte date de 2019. Depuis plusieurs mois, les syndicats revendiquaient aussi une majoration des honoraires de dispensation et de l’honoraire « nuit profonde ». Sur ce point, de nombreux sujets ont connu des avancées.

 

– Les astreintes seront rémunérés 200 € TTC, contre 190 € TTC aujourd’hui.

 

– De 20 heures à minuit et de 6 heures à 8 heures, l’honoraire à l’ordonnance a été majoré de 10 € TTC.

 

– Un honoraire à l’ordonnance « nuit profonde » pour la tranche de minuit à 6 heures a été créé. Son montant s’élève à 20 € TTC.

 

– Enfin, 6 € TTC seront accordés pour la délivrance d’une ordonnance un dimanche ou un jour férié entre 8 heures et 20 heures et 2 € TTC pour celle d’une ordonnance en jour ouvrable en dehors des heures d’ouverture.

Déception concernant les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod)

 

Le sujet a suscité de nombreux allers-retours entre les différentes parties et entraîné des crispations. Les syndicats souhaitaient revaloriser cette mission à hauteur de 25 € afin d’aligner son montant sur celui d’une consultation médicale. Finalement, la proposition de la Cnam se révèle bien inférieure aux revendications. Sont ainsi accordés :

 

– 10 € TTC pour la réalisation du test ne donnant pas lieu à la délivrance d’un antibiotique ;

 

– 15 € TTC pour la réalisation du test donnant lieu à la délivrance d’un antibiotique ;

 

10 € TTC pour la réalisation du test si le patient dispose d’une ordonnance conditionnelle.

Les entretiens opioïdes : une nouvelle reconnaissance

 

Un accompagnement pour les patients sous traitement antalgiques de palier II a été créé. L’entretien possible à partir de la seconde délivrance sera rémunéré 5 € TTC.

La vaccination, enfin mieux rémunérée !

 

Pour inciter à la promotion de la vaccination, la Cnam propose de revaloriser l’acte de vaccination, facturé aujourd’hui 9,60 € TTC, de 3 € TTC sous réserve d’une augmentation de 5 % du nombre de vaccins prescrits et injectés en 2024. En 2025, ce taux passera à 15 % et en 2026 à 25 %.

 

En 2027, la vaccination sera considérée comme un acte pharmaceutique, la rémunération forfaitaire de 3 € TTC deviendra un honoraire de prescription de la vaccination et coûtera 7,50 € TTC.

Des Rosp exceptionnelles pour 2024

 

Afin de susciter l’adhésion d’un grand nombre d’officinaux aux nouvelles missions, la Cnam propose le déploiement de rémunérations sur objectifs de santé publique (Rosp) exceptionnelles dès cette année. Au total, le montant potentiel pour chaque officine s’élève à 950 €. Il se déploie comme suit :

 

– 50 € sont proposés pour la réalisation d’au moins un Trod angine au sein de l’officine en 2024 ;

 

– 100 € seront versés pour l’aménagement de locaux en 2024, afin de dépister une infection urinaire. Ces adaptations feront l’objet d’une déclaration au moyen d’un téléservice accessible depuis le portail internet de l’Assurance maladie réservé aux professionnels de santé ;

 

– 400 € seront accordés pour la réalisation en 2024 d’au moins un entretien auprès de patients atteints de maladies chroniques (antiasthmatiques, anticancéreux, AOK, AOD ou bilan de médication) ;

 

– 50 € seront versés pour la réalisation en 2024 d’au moins un accompagnement des femmes enceintes ;

 

250 € pourront être perçus si le nombre de kits de dépistage du cancer colorectal remis en officine en 2024 a augmenté d’au moins 10 % par rapport à 2023. Si le pharmacien est un nouvel installé ou s’il a commencé son activité après le 1er janvier 2023, la référence utilisée pour 2023 correspondra à 50 kits remis ;

 

– 100 € seront octroyés pour la substitution d’un hybride et d’un biosimilaire en 2024.

Des Rosp revalorisées

 

Lutte contre la fraude, démarche écologique, pénétration des biosimilaires, la Cnam a choisi de revaloriser certaines Rosp existantes pour inciter à des démarches plus vertueuses.

 

– Une connexion hebdomadaire au logiciel Asafo (Alerte sécurisée aux fausses ordonnances) une fois par semaine pendant 46 semaines permettra de bénéficier de 100 €. Cette vérification via Asafo est particulièrement recommandée pour les ordonnances de médicaments onéreux.

 

– La Cnam souhaite aussi soutenir la démarche écoresponsable avec une rémunération annuelle de 200 € TTC.

 

– Dès 2024, la Rosp « Bon usage des produits de santé » (BUPS), relative à la pénétration des génériques, sera étendue aux biosimilaires et aux hybrides. Elle passera de 10 à 12 millions d’euros en 2025.

 

– Si l’indicateur inhérent à la messagerie de santé sécurisée (MSS) de la rémunération « Numérique et accès aux soins » (REMU NUM) est rempli et que le pharmacien déclare utiliser une boîte aux lettres organisationnelle (BAL), la Cnam s’engage à verser 50 € dès 2024.

Biosimilaires et hybrides : un sujet toujours sensible

 

Les bénéfices indirects autour des biosimilaires (égalisation des marges, remises) ne sont pas définis dans l’avenant tel qu’il se présente aujourd’hui. A ce stade, selon la FSPF, la substitution des biosimilaires permettra de gonfler l’enveloppe conventionnelle de 200 millions d’euros. Une donnée réfutée par l’USPO : « Nous n’avons aucune analyse chiffrée permettant de modéliser les économies potentiellement réalisées par les biosimilaires. Ces points seront débattus lors du PLFSS 2025. L’incertitude demeure », explique Guillaume Racle, membre du bureau de l’USPO.

 

Les syndicats ont toutefois obtenu l’engagement de la Cnam et du ministre Frédéric Valletoux sur :

 

– l’égalisation des marges appliquées entre bioréférents et biosimilaires/hybrides ;

 

– le soutien d’une large substitution ;

 

– la définition d’un cadre réglementaire applicable aux remises qui favorise le développement des biosimilaires.

Pharmacies fragiles : une aide jusqu’à 20 000 € sous certaines conditions

 

Afin de préserver le maillage officinal et de pourvoir à une offre pharmaceutique suffisante pour les assurés installés dans les territoires fragiles, les officines en difficulté pourront bénéficier d’une aide temporaire de trois ans à hauteur de 20 000 € au maximum. L’enveloppe globale annuelle ne dépassera pas les 20 millions d’euros. Différents critères cumulatifs sont nécessaires pour pouvoir y prétendre :

 

– la demande doit être faite par l’officine à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ;

 

– la pharmacie doit se trouver dans un des territoires « fragiles » listés par un arrêté et par les directeurs généraux des agences régionales de santé (DGARS) ;

 

– l’officine doit se situer sur une zone d’intervention prioritaire (ZIP) médecins et une zone d’action complémentaire (ZAC) ;

 

– le chiffre d’affaires déclaré à l’ARS doit être inférieur à un seuil de 1 000 000 € TTC par an ;

 

– une seule officine par commune pourra y prétendre ;

 

– le pharmacien ne doit pas avoir été condamné pour fraude ;

 

– l’ensemble des autres financements publics perçus doit être déclaré.