Fiches médicaments Réservé aux abonnés

Kalydeco Médicament orphelin dans la mucoviscidose

Publié le 22 novembre 2014
Par Yolande Gauthier
Mettre en favori

Kalydeco (ivacaftor) est le premier traitement physiopathologique de la mucoviscidose. Il cible le dysfonctionnement de la protéine CFTR (Cystic fibrosis transmembrane conductance regulator). Disponible à l’hôpital depuis 2012, ce médicament de première ou deuxième intention est commercialisé en ville à compter du 26 novembre 2014.

Indication

Traitement de la mucoviscidose chez les patients âgés de plus de 6 ans porteurs de l’une des mutations du gène CFTR suivantes : G551D, G1244E, G1349D, G178R, G551S, S1251N, S1255P, S549N ou S549R.

Mode d’action

L’ivacaftor potentialise l’activité de la protéine CFTR responsable du flux d’ions chlorure dans les cellules épithéliales. Le mécanisme d’action exact de la molécule n’est pas totalement connu, mais in vitro l’ivacaftor augmente l’ouverture du canal CFTR, améliorant ainsi le transport des ions chlorure.

Posologie

– La prescription de Kalydeco est réservée aux médecins expérimentés dans le traitement de la mucoviscidose.

– La posologie recommandée est de 1 comprimé à 150 mg toutes les 12 heures, soit une dose journalière totale de 300 mg d’ivacaftor. Les comprimés sont à avaler entiers.

– En cas d’insuffisance hépatique sévère, la posologie est réduite à 150 mg un jour sur deux.

Contre-indication

Hypersensibilité à l’ivacaftor ou à l’un des excipients. En raison de la présence de lactose, Kalydeco est contre-indiqué chez les patients intolérants au galactose, ou qui présentent un déficit en lactase de Lapp ou un syndrome de malabsorption du glucose et du galactose.

Publicité

Grossesse et allaitement

– Sauf nécessité absolue, Kalydeco ne doit pas être utilisé pendant la grossesse.

– L’innocuité de l’ivacaftor pendant l’allaitement n’a pas été établie. Kalydeco sera utilisé chez la femme allaitante seulement si le bénéfice potentiel est supérieur au risque potentiel pour le bébé.

Effets indésirables

– Les effets indésirables le plus souvent rapportés sont des douleurs abdominales, de la diarrhée, des sensations vertigineuses, des céphalées ou un rash cutané.

– Des affections des voies respiratoires supérieures (infection, congestion nasale, érythème laryngé, douleur oropharyngée, congestion sinusienne, rhinite…) et une contamination bactérienne de l’expectoration ont également été fréquemment observées.

– Ces événements ont été non graves dans la plupart des cas et n’ont pas entraîné l’arrêt du traitement.

Interactions médicamenteuses

– L’ivacaftor est un substrat du CYP3A4 et du CYP3A5. Les études d’interaction ont été réalisées uniquement chez des adultes.

– En cas d’administration concomitante d’inhibiteurs puissants du CYP3A (kétoconazole, itraconazole, clarithromycine, télithromycine…), la posologie de Kalydeco doit être réduite à 150 mg deux fois par semaine.

Elle sera de 150 mg par jour en cas d’utilisation concomitante d’inhibiteurs modérés du CYP3A (fluconazole, érythromycine…).

– La prise d’inducteurs du CYP3A (rifampicine, rifabutine, carbamazépine, phénytoïne, millepertuis, etc., mais aussi dexaméthasone ou prednisone à forte dose) n’est pas recommandée pendant le traitement en raison du risque de diminution d’efficacité de Kalydeco.

– L’ivacaftor peut augmenter l’exposition systémique aux médicaments substrats du CYP3A, de la P-gp ou du CYP2C9 : midazolam, diazépam, alprazolam, digoxine, ciclosporine, tacrolimus ou warfarine.

– L’efficacité des contraceptifs oraux ne devrait pas être modifiée.

Conservation

Les comprimés doivent être conservés à une température n’excédant pas 30 °C.

Surveillance particulière

Surveillance de la fonction hépatique avant l’instauration du traitement, puis tous les trois mois durant la première année de traitement et au moins une fois par an ensuite.

FICHE TECHNIQUE

→ Ivacaftor 150 mg pour un comprimé pelliculé oblong bleu clair.

→ Boîte de 56 comprimés, 19 521,80 €, remb. SS à 65 % uniquement chez les patients porteurs de la mutation CFTR-G551D (demande en cours dans les autres cas), AMM : 34009 266 060 5 3.

Commande directe auprès du laboratoire Vertex : 08 05 10 40 04, fax : 08 05 63 66 33.

LA MUCOVISCIDOSE

Qu’est-ce que c’est ?

La mucoviscidose, également appelée fibrose kystique du pancréas, est une maladie génétique autosomique récessive. Elle est due à une mutation au niveau du chromosome 7, entraînant un dysfonctionnement de la protéine CFTR (Cystic fibrosis transmembrane conductance regulator). Cette dernière est présente dans les cellules épithéliales au niveau du pancréas, des poumons, des intestins, des glandes sudoripares, entre autres, et participe notamment aux échanges ioniques de chlore et de sodium. Si la mutation delta F508 est la plus fréquente, de nombreuses autres mutations peuvent être responsables de formes de mucoviscidose plus ou moins sévères. Parmi elles, la mutation G551D toucherait entre 2 et 4 % des patients.

Quels sont les signes cliniques ?

La maladie se manifeste très tôt, dès la naissance ou dans les premiers mois de vie. Le mucus présent au niveau des bronches, des intestins, des canaux pancréatiques et biliaires s’épaissit, entraînant une obstruction. Les principales atteintes concernent l’appareil respiratoire, l’appareil digestif et les glandes sudoripares. Au niveau bronchique, la mucoviscidose entraîne une bronchopneumopathie chronique obstructive allant jusqu’à l’insuffisance respiratoire. Les infections bronchiques bactériennes sont également augmentées. Au niveau gastro-intestinal, les principaux signes cliniques sont le reflux gastro-œsophagien et l’insuffisance pancréatique avec diarrhées graisseuses, douleurs abdominales, retard staturopondéral et carence en vitamines A,D,E et K. La quasi-totalité des hommes atteints sont stériles.

Qui touche-t-elle ?

En France, la mucoviscidose touche en moyenne 1 nouveau-né sur 4 500 avec environ 6 500 personnes atteintes. La mucoviscidose réduit l’espérance de vie des patients, principalement en raison de l’atteinte respiratoire : elle est d’environ 46 ans pour les enfants nés aujourd’hui. Delphine Guilloux

DÉLIVRANCE

Liste I.

Médicament d’exception soumis à prescription initiale hospitalière semestrielle.

Renouvellement non restreint.

L’AVIS DE LA HAS

– Service médical rendu important.

– Amélioration du service médical rendu importante (ASMR II).

– Population cible estimée à 80 patients.

L’AVIS DU PHARMACOLOGUE Denis Richard, hôpital Laborit (Poitiers)

Ivacaftor : un gain pour une poignée de patients

L’intérêt de l’ivacaftor dans le traitement de la mucoviscidose chez le patient de plus 6 ans, porteur de la mutation G551D du gène CFTR, a été évalué par deux études cliniques de phase III randomisées en double aveugle vs placebo en termes de variation du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) après 24 semaines. Ces études (STRIVE et ENVISION) ne différaient que par l’âge des patients inclus (> 12 ans pour la première avec 161 patients ; de 6 à 11 ans pour la seconde avec 52 patients). L’ivacaftor a été administré à la dose de 150 mg × 2/j en association aux thérapies standard. Les patients inclus avaient globalement un VEMS > 70 % pour un âge moyen de 25 ans.

• Dans l’étude STRIVE, une amélioration significative de la valeur théorique du VEMS a été observée en faveur de l’ivacaftor (+ 10,4 vs – 0,2), ainsi que sur les critères secondaires : absence d’exacerbations pulmonaires, symptômes respiratoires déclarés, concentration en chlorures dans la sueur, évolution du poids des patients.

• L’étude ENVISION a également été en faveur de l’ivacaftor pour le critère principal (VEMS : + 12,58 vs + 0,13). Des améliorations significatives ont été notées sur certains des critères secondaires : concentration en chlorures dans la sueur et évolution du poids.

Les événements indésirables plus souvent observés sous ivacaftor que sous placebo dans ces deux études ont été des infections des voies aériennes supérieures, une augmentation des ALAT et des ASAT (STRIVE), des douleurs abdominales, une hyperéosinophilie (ENVISION).

L’étude de suivi ouverte PERSIST, incluant des patients des deux études pivots, récemment publiée (seules des analyses intermédiaires étaient versées au dossier de transparence en 2012), confirme le maintien de l’efficacité et de la tolérance du médicament à 96 semaines.

Dites-le au patient

– Chaque comprimé doit être pris avec un repas riche en graisses, préparé avec du beurre ou des huiles, ou contenant des œufs, du fromage, des fruits à coque, du lait entier ou de la viande.

– Eviter la consommation de pamplemousses ou d’oranges amères pendant le traitement (risque d’augmentation de la concentration d’ivacaftor).

– Ne pas conduire ou utiliser de machines si des sensations vertigineuses sont ressenties.

– En cas d’oubli, le comprimé peut être pris seulement s’il s’est écoulé moins de 6 heures depuis l’heure prévue pour la dose oubliée.