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Les vertus d’une répartition inégalitaire des dividendes

Publié le 13 avril 2024
Par Guy Tamboise
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Le plus souvent, la répartition des dividendes s’effectue au prorata du pourcentage du capital social détenu par chaque associé. Déroger à cette règle est possible. D’ailleurs, une distribution inégalitaire des dividendes s’avère une option intéressante, notamment pour les jeunes titulaires en phase d’installation.

 

 

Les revenus des associés proviennent d’une double rémunération liée, d’une part, à leur travail pour le compte de l’officine et, d’autre part, aux bénéfices accordés versés par la société en fonction de leur apport dans le montant du capital. Appelée « rémunération du capital », cette deuxième est versée annuellement et distribuée en totalité ou partiellement sous forme de dividendes. Elle peut être différée au moment du départ d’un associé. Dans une société d’exercice libéral (SEL) associant à égalité deux titulaires, Gaëtan et Marion, via la société de participations financières de professions libérales (SPF-PL) de cette dernière, des dividendes de 10 000 € ont logiquement été attribuées à hauteur de 5 000 € chacun. Mais le sort fiscal diffère si l’associé est une personne physique ou une personne morale. Ainsi, Gaëtan percevra 3 500 € après la taxation de 30 % à la flax tax, tandis que la SPF-PL empochera 5 000 € peu ou pas taxés. Amaury Tierny, expert-comptable associé du cabinet AdéquA, émet alors une hypothèse : « Jeune titulaire, sans charges de famille et en phase de remboursement d’emprunt, Marion préférerait peut-être privilégier la perception de dividendes pour sa SPF-PL à un complément de rémunération sur lequel il faudrait verser un tribut à la fois social (cotisations Urssaf, maladie et de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens) et fiscal (impôt sur les revenus et contributions sociales). Dans ce cas, l’assemblée générale des associés peut décider, à l’unanimité, que les dividendes seront inégalitaires : 25 % pour Gaétan et 75 % pour Marion, par exemple. Pour Olivier Delétoille, également expert-comptable au sein d’AdéquA, « cette voie est simple à mettre en œuvre, à condition d’en respecter les règles. Elle ne doit pas s’apparenter à une forme de donation déguisée ».

Ne pas faire n’importe quoi !

 

Florent Benoit, avocat associé du cabinet Berthier Benoit Ibarra, rappelle les dispositions du Code civil (article 1844-1) : « La stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites. » Il est donc possible de prévoir une répartition inégalitaire des dividendes sous les réserves suivantes : elle doit être prévue par les statuts et la répartition ne doit pas revêtir de caractère léonin, c’est-à-dire lorsque les charges en sont supportées par une seule des parties alors que l’autre en tire tous les avantages. « Il appartient donc à l’assemblée générale des associés, appelée à décider d’une répartition inégalitaire, d’agir avec précaution et discernement afin de toujours être en capacité de justifier la pertinence économique de ce choix, et qu’il soit conforme à l’intérêt social de la société », ajoute Florent Benoit. La mise en œuvre d’actions de préférence est aussi une possibilité pour aboutir à des dividendes inégalitaires, avec une société d’exercice libéral par actions simplifiées (Selas) au fonctionnement assez souple.

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