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Le méthotrexate

Publié le 20 janvier 2024
Par Maïtena Teknetzian
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Antifolique utilisé en cancérologie et dans le traitement de certaines maladies dysimmunitaires, le méthotrexate est associé à un risque hématotoxique important. En particulier, le risque d’accident létal lié à des erreurs posologiques des formes orales impose une extrême vigilance.

 

Mode d’action

Inhibiteur de synthèse de l’ADN

Le méthotrexate est un antifolique qui empêche la synthèse de novo des nucléotides puriques et de la thymidine, constituants de l’ADN. Il inhibe ainsi la réplication d’ADN, indispensable aux divisions cellulaires.

Il exerce une action antiproliférative cellulaire et immunosuppressive, ou immunomodulatrice selon la dose, d’autant plus efficace sur les cellules en prolifération active, notamment au cours d’une pathologie tumorale ou inflammatoire. Mais le méthotrexate bloque aussi les divisions cellulaires de cellules saines, surtout à division rapide (comme celles de l’épithélium digestif et de la moelle osseuse), expliquant ses effets indésirables. Pour les limiter, une supplémentation en acide folique ou en acide folinique est généralement recommandée au cours du traitement.

Indications 

Affections oncologiques ou inflammatoires selon les doses

A fortes doses, administrées par voie injectable (notamment intraveineuse, sous-cutanée ou intramusculaire), le méthotrexate est utilisé en cancérologie dans le traitement des leucémies aiguës lymphoblastiques, des lymphomes, des cancers de la sphère otorhinolaryngologique, mammaires, ovariens ou vésicaux, notamment. De fortes doses par voie orale sont utilisées pour le traitement d’entretien des leucémies aiguës lymphoblastiques.

A plus faibles doses, administrées par voie orale, sous-cutanée ou intramusculaire, il est indiqué dans des maladies inflammatoires et dysimmunitaires telles que le psoriasis, la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn. Il est également employé, hors autorisation de mise sur le marché, dans le traitement des atteintes lupiques cutanées ou articulaires.

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Pharmacocinétique 

Sécrétion tubulaire

Absorption. Le méthotrexate a une biodisponibilité orale de 75 % en moyenne et sa biodisponibilité par voie injectable est proche de 100 % (quelle que soit la voie injectable).

Distribution. Fortement lié aux protéines plasmatiques, il est difficilement éliminé par dialyse standard en cas de surdosage. Il est largement distribué au niveau de nombreux tissus, diffuse dans le lait maternel et traverse le placenta. Du fait de cette bonne diffusion, la prudence s’impose chez les patients avec un espace de distribution supplémentaire (épanchement pleural, ascite), chez qui la demi-vie du médicament, proportionnelle au volume de distribution, est augmentée : une réduction de doses voire un arrêt d’administration peut s’imposer.

Métabolisme. Environ 10 % de la dose administrée est métabolisée par le foie. La circulation entérohépatique est importante.

Elimination. Le méthotrexate est principalement éliminé par voie rénale (la posologie doit donc être adaptée à la fonction rénale) par filtration glomérulaire et sécrétion tubulaire, ce qui l’implique dans de nombreuses interactions pharmacocinétiques par compétition au niveau des transporteurs rénaux. Sa demi-vie est de 3 à 15 heures environ selon les patients.

Effets indésirables 

Hématotoxicité

Les effets indésirables sont nombreux et dose-dépendants à type notamment d’hématotoxicité (thrombopénie, anémie, leucopénie, voire aplasie médullaire), d’augmentation du risque infectieux ou de réactivation d’infection, d’atteintes digestives (nausées, vomissements, douleurs abdominales, stomatite), de toxicité pulmonaire (pneumopathie interstitielle), rénale (inflammation et ulcération de la vessie, dysurie, insuffisance rénale en lien avec une possible précipitation du méthotrexate dans les voies urinaires) et hépatique (élévation des transaminases, hépatite aiguë, cirrhose), faisant déconseiller la consommation d’alcool pendant le traitement.

Le méthotrexate est hautement tératogène (malformations crâniales et des extrémités, anomalies cardiovasculaires, risque de mort in utero) et peut altérer la spermatogenèse.

Contre-indications 

Grossesse et allaitement

Chez la femme, le méthotrexate est contre-indiqué au cours de la grossesse dans les indications non oncologiques et durant l’allaitement. Une contraception efficace est nécessaire pendant le traitement et, d’après les monographies, jusqu’à 6 mois après son arrêt. Cependant, d’après le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat), du fait de sa courte demi-vie et selon certaines observations, il n’y a pas de risque tératogène si le méthotrexate est arrêté seulement entre 12 semaines et 24 heures avant la conception.

Tenant compte de la durée d’un cycle de spermatogenèse, il est préférable, selon le Crat, d’attendre 3 mois après l’arrêt du traitement d’un patient masculin pour envisager une conception.

Le méthotrexate est contre-indiqué en cas d’insuffisances rénale et/ou hépatique sévères, respiratoire chronique, ainsi qu’en cas de thrombopénie et de neutropénie sévère.

Interactions 

Aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens

Comme avec tout cytotoxique, l’administration de vaccins vivants est contre-indiquée pendant le traitement et jusqu’à 6 mois après son arrêt (risque de maladie vaccinale généralisée). L’association à la phénytoïne est déconseillée (risque de diminution réciproque d’efficacité).

Du fait d’un risque de majoration de sa toxicité (par entrave de son élimination rénale ou augmentation de sa toxicité hépatique), le méthotrexate est contre-indiqué en association avec l’acitrétine, le probénécide et le triméthoprime, et, s’il est utilisé à des doses supérieures à 20 mg par semaine, à l’aspirine employée à doses antalgiques, antipyrétiques ou anti-inflammatoires. A doses élevées, l’association avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou les inhibiteurs de la pompe à protons (risque de diminution de son élimination) est déconseillée. De même avec la pénicilline et la ciprofloxacine (inhibition de sa sécrétion tubulaire rénale), et ce quelle que soit sa dose.

L’utilisation concomitante de protoxyde d’azote, qui potentialise les effets du méthotrexate sur le métabolisme des folates, est à éviter.

Surveillance 

Numération formule sanguine, bilan hépatique et rénal

Avant la mise en route du traitement, une radiographie du thorax et un dépistage d’infection par hépatite B ou C sont recommandés. L’hémogramme doit être contrôlé et, chez la femme en âge de procréer, l’absence de grossesse vérifiée.

Le traitement impose une surveillance régulière de la numération formule sanguine et des plaquettes, ainsi que des fonctions rénales et hépatiques avec une fréquence bimensuelle en début de traitement, puis mensuelle et trimestrielle. Cette surveillance peut être renforcée en cas de prescription de fortes doses ou d’épisodes intercurrents susceptibles d’altérer la fonction rénale : par exemple, une déshydratation ou l’association avec d’autres médicaments néphrotoxiques (produits de contraste iodés, aminosides, dérivés du platine, etc.).

Attention au rythme d’administration !

– Afin d’éviter les surdosages en méthotrexate, associés à un risque d’aplasie médullaire éventuellement fatale, la délivrance de méthotrexate par voie orale (exposant davantage au risque d’erreurs de prise que la voie injectable) implique une vigilance particulière afin de s’assurer de la bonne compréhension du rythme d’administration du traitement par le patient (et son entourage) : celui-ci est hebdomadaire (et non journalier) dans le traitement des maladies inflammatoires.

– Une brochure de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, destinée aux professionnels de santé, précise que l’indication pour laquelle le méthotrexate est prescrit doit figurer sur l’ordonnance. Le pharmacien doit s’assurer que l’indication et le jour de prise du médicament figurent sur l’ordonnance. Il doit signaler la présence d’une « carte d’alerte » présente dans les conditionnements et la remplir avec le patient en y reportant le jour d’administration choisi.

– Les situations liées à l’automédication pouvant conduire à un surdosage doivent être expliquées (prise d’aspirine, d’ibuprofène ou de tout autre anti-inflammatoire non stéroïdien, ainsi que d’inhibiteurs de la pompe à protons sans avis médical), tout comme les signes d’alerte faisant suspecter un surdosage et nécessitant de contacter rapidement un médecin : fièvre, maux de gorge, aphtes, éruptions cutanées, saignements, vomissements, diarrhées. La prise en charge d’un surdosage fait appel à l’acide folinique, à l’hyperhydratation alcaline pour éviter une précipitation du méthotrexate dans les tubules rénaux et à l’hémodialyse à haut débit.

  • Sources : « Immunosuppresseurs antimétabolite/antifolate », Collège national de pharmacologie médical, pharmacomedicale.org ; « Nucléotides puriques » et « Acide folique », pharmacorama.com ; « Médicaments à base de méthotrexate par voie orale », Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), actualité mise à jour le 2 août 2022 ; thésaurus des interactions médicamenteuses de l’ANSM, septembre 2023 ; Centre de référence sur les agents tératogènes, lecrat.fr.