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Un virus singe l’autre

Publié le 28 mai 2022
Par Anne-Hélène Collin
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Plus d’un mois après un premier cas identifié hors des zones endémiques (au Royaume-Uni le 17 avril), la variole du singe, ou monkeypox, se propage en Europe et en Amérique du Nord. Et met à nouveau les autorités de santé sur le pied de guerre.

Un premier cas d’infection par le virus de la variole du singe (monkeypox ou MKP), apparenté au virus de la variole, a été confirmé le 19 mai en Ile-de-France par Santé publique France. Depuis mi-mai, 12 pays ont déclaré à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des cas d’infections autochtones (sans lien direct avec un voyage en zone endémique), Royaume-Uni, Portugal et Espagne en tête. « Il s’agit d’un phénomène inhabituel », souligne la Direction générale de la santé, qui a publié un DGS-Urgent dès le 19 mai. A ce stade, les autorités de santé européennes restent sereines puisque « les cas rapportés en Europe sont majoritairement bénins, et il n’y a pas de décès signalé », rapporte Santé publique France dans son point de situation au 23 mai. Si la probabilité de propagation en Europe chez les personnes qui ont des rapports avec différents partenaires sexuels est considérée comme élevée, « le risque global [de sévérité de la maladie] est évalué comme modéré pour les personnes ayant plusieurs partenaires sexuels (y compris certains groupes d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) et faible pour l’ensemble de la population », note, le 23 mai, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

Une recrudescence pas si étonnante

La variole du singe est une maladie infectieuse due à un orthopoxvirus, habituellement transmise à l’homme dans les zones forestières d’Afrique du Centre et de l’Ouest par des rongeurs sauvages ou des primates. Une contamination interhumaine est également possible, en particulier au sein du foyer familial ou en milieu de soins par contact direct avec les lésions cutanées ou les muqueuses d’une personne malade, ainsi que par les gouttelettes (salive, éternuements, postillons, etc.), ou au contact de l’environnement du malade (literie, vêtements, vaisselles, linge de bain, etc.). Les cas recensés en Europe concernent principalement, mais pas uniquement, des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, « ce qui suggère que la transmission a lieu lors de relations intimes », notent l’OMS et l’ECDC. « L’infection par le virus MKP n’est pas connue comme une IST, mais le contact direct avec une peau lésée durant un rapport sexuel facilite la transmission », ajoute Santé publique France.

L’émergence des cas de variole du singe n’est pas vraiment une surprise. L’Institut Pasteur constatait déjà en 2020 que « la fréquence des flambées épidémiques et leur taille dans les populations humaines ont régulièrement augmenté » et que « la propagation géographique des cas de la variole s’est étendue au-delà des forêts d’Afrique centrale ». Et l’explique par une baisse de l’immunité collective après l’arrêt, dans les années 1980, de la vaccination contre la variole humaine. Selon ses modélisations d’après les données de la population de la République démocratique du Congo, l’Institut Pasteur estimait alors « qu’une faible immunité de la population, de l’ordre de 10 à 25 %, peut permettre à une personne infectée de provoquer 1,10 à 2,40 nouveaux cas et ainsi de déclencher une épidémie ». En fin de compte, « la variole du singe pourrait donc devenir la plus importante infection à orthopoxvirus chez l’homme ».

Le recours à la vaccination envisagé sérieusement

La France a montré qu’elle n’était pas vraiment prête à faire face à la pandémie de Covid-19. Et pour la variole ? En 2006, la France s’est dotée d’un plan national de réponse à la menace de propagation de la variole, mis à jour en 2019, et a constitué un stock de vaccins antivarioliques de première et deuxième générations, permettant de vacciner l’ensemble de la population. Or, s’il n’existe pas de vaccin spécifique contre la variole du singe, « on peut endiguer les flambées, explique l’OMS. On a prouvé dans le passé que la vaccination antivariolique avait une efficacité de 85 % pour la prévention de l’orthopoxvirose simienne ».

Position que suit la Haute Autorité de santé (HAS). L’instance a recommandé, le 24 mai, la mise en œuvre d’une stratégie vaccinale réactive en postexposition, avec un vaccin idéalement administré dans les 4 jours après le contact à risque et au maximum 14 jours plus tard sous un schéma à 2 doses (ou 3 doses chez les sujets immunodéprimés), espacées de 28 jours. Sont ciblées : les personnes adultes contacts à risque d’exposition au virus de la variole du singe, y compris les professionnels de santé exposés sans mesure de protection individuelle.

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La vaccination est recommandée avec un vaccin de 3e génération (vaccin vivant) possédant une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne depuis juillet 2013 dans l’immunisation active contre la variole chez les adultes : Imvanex, de la firme Bavarian Nordic. Il dispose également d’une AMM aux Etats-Unis (sous le nom de Jynneos) dans les indications de prévention de la variole et du virus monkeypox. Son avantage : « Il présente un mode d’administration et un profil de sécurité beaucoup plus favorable que ceux des vaccins de 1re et 2e génération, tout en assurant une immunogénicité comparable », justifie la HAS. Reste la question de la mise à disposition du vaccin en France. Le Royaume-Uni, où a été identifié le 17 avril le premier cas hors des zones endémiques, a déjà annoncé avoir commencé à acheter des doses.

DES SYMPTÔMES ÉVOCATEURS

L’infection à monkeypox débute par une fièvre, souvent forte (supérieure à + 38 °C) et accompagnée de maux de tête, de courbatures et d’asthénie. Après 2 jours environ, une éruption vésiculeuse apparaît en une seule poussée. Les vésicules remplies de liquide évoluent vers le dessèchement, la formation de croûtes, puis la cicatrisation. Des démangeaisons sont fréquentes. L’atteinte cutanée de l’infection à monkeypox peut ressembler à celle de la varicelle – peu fréquente chez l’adulte – à la différence que pour la varicelle l’éruption évolue en plusieurs poussées. Dans la variole du singe, les bulles se concentrent plutôt sur le visage, les paumes des mains et les plantes des pieds, contrairement à la varicelle où les unes et les autres sont épargnées. Les muqueuses sont également concernées, dans la bouche et la région génitale. Les ganglions lymphatiques sont enflés et douloureux, sous la mâchoire et au niveau du cou. Le patient est contagieux du début des symptômes jusqu’à guérison complète des lésions cutanées.

L’incubation peut s’étendre de 5 à 21 jours. La phase de fièvre dure environ 1 à 3 jours. La variole du singe, généralement bénigne, guéritle plus souvent spontanément, au bout de 2 à 3 semaines. Chez les enfants et les personnes immunodéprimées, des formes plus graves peuvent survenir. La variole du singe peut se compliquer de surinfection des lésions cutanées ou d’atteintes respiratoires, digestives ou ophtalmologiques ou neurologiques.

« Il est donc important que les malades respectent un isolement pendant toute la durée de la maladie (jusqu’à disparition des dernières croûtes, le plus souvent 3 semaines) », note Santé publique France. Les cas identifiés doivent éviter tout contact avec des personnes immunodéprimées et des animaux domestiques. Il leur est également conseillé de s’abstenir de toute activité sexuelle et de tout contact physique étroit jusqu’à la guérison de l’éruption cutanée. Les contacts étroits des cas de monkeypox doivent surveiller eux-mêmes le développement de symptômes jusqu’à 21 jours après la dernière exposition à un cas.

Tout cas évocateur nécessite une consultation médicale. L’infection à la variole du singe est une maladie à déclaration obligatoire.