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Un marché euphorique !
La crise du Covid-19, qui a fortement stimulé les comportements de rachat et de vente, a eu des effets radicaux sur la transmission des officines. Le nombre de cessions a en effet atteint un nouveau record en 2021. Sans réel effet haussier sur le prix de cession moyen… pour l’instant.
Lassés par la crise sanitaire. Les vendeurs proches du départ à la retraite ont anticipé leur cessation d’activité : « 2021 est une année record, le nombre de départs en retraite enregistré par la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) n’a jamais été aussi élevé : 1 764 contre 1 658 en 2020 et 1666 en 2019 », rapporte Jérôme Capon, directeur du réseau d’Interfimo.
Dans le même temps, « les jeunes diplômés, prétendants à la reprise de fonds ou de parts de société, sont plus attirés par les nouvelles missions qui transforment en profondeur l’exercice officinal que par la gestion », remarque Fabien Blatière, du cabinet Channels. Leur développement s’est accéléré pendant la crise sanitaire, offrant de nouvelles opportunités pour les pharmacies. « Cet effet d’emballement a fait prendre conscience aux candidats à l’installation qu’il n’a peut-être jamais été aussi facile qu’aujourd’hui de rentrer en tant que titulaire dans la profession, dans une période où tous les feux sont au vert », commente Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs associés, après une année 2021 hors normes en termes de croissance et de rentabilité.
« La demande s’est rajeunie, les jeunes diplômés n’attendent plus le cap des 30 ans pour s’installer », observe Gilles Andrieu, du cabinet Espace (groupe PSP-Pharma). Ce transactionnaire constate aussi que les nouveaux modes de financement au travers des prêts boosters d’apport se développent au détriment des associés investisseurs. « Ils permettent au jeune exploitant de rester indépendant et seul maître à bord », explique-t-il.
Autre ressort du marché signalé par Gilles Andrieu : « Les pharmaciens qui ont du mal à trouver preneur acceptent de jouer les banquiers en accordant un crédit vendeur de cinq ans sur le fonds. Cette facilité de paiement et d’accompagnement accordée à l’acquéreur renforce la confiance des banques. »
La crise sanitaire, l’« animatrice de service »
Ce faisceau convergent d’événements favorables à l’installation explique le volume exceptionnel des transactions. C’est une première : 1 600 opérations ont été enregistrées (+ 6,45 %) l’an dernier, contre 1 503 en 2020. « S’il y a moins de cessions que de départs à la retraite, c’est parce que la loi autorise l’exploitant à faire valoir ses droits à la retraite avant de céder son fonds », explique Fabien Blatière. Il n’en demeure pas moins que le turnover est plus important. « Le taux de rotation est passé de 73 pour 1 000 officines en 2020 à 79 en 2021 », précise Jérôme Capon.
Lors de la première année de la crise sanitaire, le marché s’en était sorti à moindre mal, le nombre d’opérations n’ayant fléchi que de 1 %. Après un premier semestre 2020 marqué par l’impact du premier confinement et une chute logique du nombre des cessions, il y avait eu un effet de rattrapage sur le second semestre. Mais sur l’année 2, la crise sanitaire n’a pas du tout contrarié l’animation du marché, bien au contraire !
Le nombre des mutations progresse au travers des cessions de titres qui représentent 42 % des opérations, contre 40 % en 2020. Réalisées au détriment des cessions de fonds, ces opérations correspondent soit à des achats de titres en nom propre ou via des sociétés de participation financière des professions libérales (SPF-PL), soit à des opérations de réduction de capital en vue de la sortie d’un associé.
Une stabilité des prix en trompe-l’œil
L’appétence retrouvée pour l’installation et l’embellie observée sur l’économie de l’officine n’ont pas eu, contre toute attente, d’effet inflationniste sur le prix de cession moyen qui est stable, tant en pourcentage du chiffre d’affaires hors taxe (CA HT) à 78 % qu’en multiple de l’excédent brut d’exploitation (6,3 fois l’EBE). Mais cette stabilité des prix est en trompe-l’œil. Elle résulte du marché des petites officines de moins de 1,2 M€ de CA HT. Des sociétés dont le prix de cession moyen s’est dégradé de 2 points à 60 % du CA HT. Et pourtant, « en 2021, en Normandie, il y a eu plus de petites pharmacies rurales à la vente que d’habitude, le marché rural étant dynamisé par l’attractivité des officines en zone de revitalisation rurale », indique Gilles Andrieu.
Par ailleurs, les petites et moyennes pharmacies de proximité ont vu leur blason redoré pendant la crise sanitaire, ce qui n’est certainement pas étranger à la reprise de 2 points (de 74 à 76 %) des prix de cession des pharmacies de 1,2 M€ à 1,6 M€.
Plus on gravite les étages du CA, plus les prix grimpent. Sur ce plan, rien ne change. Les tensions sur les prix ne faiblissent pas pour les officines de plus de 2 M€. « Les moyennes ne veulent plus rien dire quand elles recouvrent des évolutions de plus en plus divergentes et de tels écarts types selon la taille des pharmacies », souligne Jérôme Capon.
Une analyse des prix trimestre par trimestre devient aujourd’hui beaucoup plus parlante qu’une photographie du prix moyen sur l’année civile. Cette moyenne trimestrielle n’a cessé de grimper : 76 % du CA HT sur le 1er trimestre, 77 % sur le 2e, 80 % sur le 3e et 81 % sur le 4e. « Le marché a pris 5 points et cette tendance haussière semble se poursuivre sur le premier trimestre 2022 », livre-t-il. Michel Watrelos estime en outre que ces moyennes sont sous-évaluées et ne reflètent le marché que jusqu’à septembre 2021 en raison d’un décalage lié au fait que les prix de cession en première partie d’année reposent sur des bilans d’exercice de 2020. « Il y a une flambée des prix à plus de 100 % du CA HT depuis six mois sur des affaires à partir de 1,6 M€ », signale-t-il.
Concernant les prix de cession en fonction de la typologie des officines, les évolutions de 2021 ne sont pas sur la même ligne que celles de 2020. D’ordinaire à la peine, les petites pharmacies de proximité de zones rurales, de gros bourg et de quartier s’étaient bien défendues en 2020 avec une activité en progression et un prix de cession en hausse de 3 points à 80 % du CA HT. En revanche, les pharmacies de 4 M€ et plus avaient rencontré des difficultés liées à la perte de fréquentation, notamment celles de centres commerciaux du fait de leur fermeture pendant les périodes de confinement. Leur prix moyen avait baissé d’1 point.
Etant les mieux armées pour vacciner contre le Covid-19 et tester, ces pharmacies de centres commerciaux ont redressé la barre en 2021, notamment au cours du deuxième semestre avec la mise en place du pass sanitaire, et bénéficié d’un effet de rattrapage sur les prix (+ 3 points au-delà de 2,4 M€). A l’inverse, les officines rurales ont subi un effet de correction du marché (diminution de leur prix moyen de 2 points).
Autre phénomène constaté par Fabien Blatière : « Avec les nouvelles missions dérogatoires, les pharmacies ont travaillé plus pendant la crise sanitaire et se sont constitué un trésor de guerre à la sueur du front, ce qui a incité des titulaires à prendre des participations dans d’autres pharmacies. »
Une surenchère à éviter
Le renchérissement des prix de cession observé dans les analyses trimestrielles doit attirer la vigilance des acquéreurs. Cette tendance pourrait s’accélérer au profit de la vente du fonds et au détriment des cessions de titres de société, voire créer une bulle financière sur les biens les plus recherchés, les vendeurs pouvant chercher à tirer profit d’une conséquence de la loi de finances pour 2022 et de la possibilité d’amortir le fonds de commerce dans le cadre d’une acquisition. Les prix pourraient alors se déconnecter de toute notion économique. « Les banques se montreront prudentes à l’égard de cette disposition dont l’objet recherché par le législateur est de fluidifier le marché en améliorant la capacité d’autofinancement de l’acquéreur. Elles veilleront à ce que les levées de dettes soient conformes à la rentabilité économique du fonds. Si le prix est surpayé, la différence devra être financée par un complément d’apport personnel », met en garde Jérôme Capon. Au vu des premiers dossiers de financement présentés aux banques en ce début d’année, le phénomène est pour l’instant marginal.
À RETENIR
– Le nombre de départs à la retraite a atteint un record en 2021 (1 764).
– Le volume des transactions aussi (1 600 opérations).
– Le taux de rotation pour 1 000 officines est passé de 73 à 79.
– La moyenne trimestrielle du prix de vente en pourcentage du chiffre d’affaires (CA) n’a cessé de grimper : 76 % du CA HT sur le 1er trimestre, 77 % sur le 2e, 80 % sur le 3e et 81 % sur le 4e.
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