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McKinsey et l’Etat : les liaisons dangereuses
Pointées par la commission d’enquête du Sénat, les dépenses colossales de l’Etat en cabinets de conseil montrent surtout l’influence croissante des firmes privées dans les politiques publiques. Notamment dans le domaine de la santé.
L’Etat a dépensé, en 2021, plus de 1 milliard d’euros en cabinets de conseil privés pour la conduite de ses politiques publiques. « Un pognon de dingue » pour la commission d’enquête du Sénat qui a rendu son rapport le 16 mars. Les dépenses, en « forte accélération », sont surtout estimées a minima, car « au sein de l’Etat, il n’existe pas de vision agrégée des dépenses de conseil », expliquent les sénateurs.
Faire face à l’impréparation de l’Etat
Ce coût exorbitant montre la perte de compétence des administrations. En mars 2020, alors que déferle la vague de Covid-19, la France doit faire face à une pénurie de masques, d’équipements de protection, de tests. Puis elle devra organiser la campagne de vaccination. « Des pans entiers de la crise sanitaire ont été sous-traités aux cabinets de conseil », parfois en dehors de tout marché public, résume la commission d’enquête, qui compte l’intervention d’au moins 10 cabinets, pour la majorité étrangers. Coût de la facture pour l’Etat : au bas mot 41,05 millions d’euros. McKinsey (37,19 % des dépenses liées à la crise sanitaire) est « la clé de voûte de la campagne vaccinale », résume le Sénat. Citwell (20,50 %) est « le logisticien » et Accenture (16,10 %) « l’architecte des applications informatiques », dont Vaccin Covid.
« Nous étions dans une situation exceptionnelle, d’extrême urgence, justifie Olivier Véran, lors de son audition au Sénat le 2 février. Le président de la République considérait que le pays était “en guerre”. Tout le monde nous demandait d’agir rapidement. » Selon le ministre des Solidarités et de la Santé, les consultants de McKinsey arrivaient en « renfort » pour compléter ses équipes déjà « utilisées ». Pour le Sénat, l’intervention du cabinet américain est « massive », imposée aux personnels de l’Etat, pendant près d’un an (entre le 30 novembre 2020 et le 24 septembre 2021, puis entre le 23 décembre 2021 et le 4 février 2022). La « Firme », comme il est surnommé, intervient sur « des sujets centraux » (suivi et projection des livraisons et des injections de vaccin anti-Covid-19, appui à l’organisation de la task force vaccination) et participe à l’élaboration de documents « jusqu’au sommet de l’Etat, y compris pour le Conseil de défense et de sécurité nationale », relève le Sénat. Le tout en toute discrétion, puisqu’il aura fallu attendre janvier 2021 pour que l’information fuite dans la presse. Sans faire de vagues. Plus surprenant, McKinsey met à disposition, entre fin décembre 2020 et fin juin 2021, un consultant assurant la coordination entre Santé publique France et le ministère de la Santé en matière de logistique vaccinale (169 440 €), puis la mise en place à Santé publique France d’une « tour de contrôle » stratégique pour la campagne vaccinale (604 560 €).
« A aucun moment McKinsey ne m’a fait prendre la moindre décision en lien avec la crise sanitaire ou la campagne vaccinale », insiste le ministre de la Santé en commission. Un livrable intitulé « Sécuriser l’objectif de 40 millions (de vaccinés) à fin août » sera rédigé pour moitié par McKinsey mais estampillé « ministère des Solidarités et de la Santé ». Il est daté du 8 juillet 2021, « soit quatre jours avant l’intervention du président de la République pour annoncer la vaccination obligatoire des soignants et l’extension du pass sanitaire aux lieux de loisirs et de culture », remarque la sénatrice Eliane Assassi (Parti communiste français, Seine-Saint-Denis), rapporteure de la commission. Des cabinets de conseil qui ne sont pas intervenus dans les choix médicaux ou scientifiques du gouvernement, souligne toutefois le Sénat dans son rapport.
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