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Vous serez « pharmacien correspondant »

Publié le 6 juin 2009
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Ce n’était pas gagné ! Le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » a réussi son examen de passage devant le sénat qui a entériné les nouvelles missions du pharmacien. Seule modification, sans véritable conséquence : le « pharmacien de coordination » est remplacé par le « pharmacien correspondant ».

L’esprit du texte initial a été préservé grâce à l’action de la profession » se réjouit l’UNPF. Les missions des officinaux, difficilement inscrites dans le pré-projet de loi et incluses dans le texte voté par les députés, puis mises à mal par la commission des Affaires sociales du Sénat, ont finalement été préservées par les sénateurs. Les syndicats ont dû intervenir pour empêcher le vote d’un texte qui n’était plus conforme à ce qui avait été négocié avec le ministre.

« Cela aurait pu être douloureux sans une extrême vigilance de la profession à la fois sur le fond et la forme de ces amendements car les sénateurs n’ont pas toujours bien compris ce que recouvraient les nouvelles missions du pharmacien », reconnaît Philippe Gaertner, président de la FSPF. « Tant au niveau du bureau que des adhérents, nous avons sensibilisé les sénateurs à l’occasion du vote », souligne également Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Nous avons été très inquiets car l’article 14 bis du projet de loi HPST, tel qu’il était amendé par la commission des Affaires sociales du sénat, aurait abouti à un détricotage du texte. […] Nous sommes satisfaits à la fois de l’écoute de Nicolas About, président de la commission des Affaires sociales du Sénat, qui a entendu nos arguments, et du soutien sans faille du ministère de la Santé. »

Le conseil pharmaceutique inscrit dans le marbre de la loi

Aucune mission ne manque en effet dans le nouveau champ d’activités des officinaux appelé à être inscrit dans le Code de la santé publique. Le nouveau texte indique que les pharmaciens d’officine contribuent aux soins de premier recours, participent à la coopération entre professionnels de santé, participent à la mission de service public de la permanence des soins, peuvent proposer des conseils et prestations destinés à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes et concourent aux actions de veille et de protection sanitaire organisées par les autorités de santé.

Les sénateurs leur ont également donné le feu vert pour qu’ils puissent participer à l’éducation thérapeutique et aux actions d’accompagnement de patients, et assurer la fonction de pharmacien référent pour un établissement médicosocial qui ne dispose pas de pharmacie à usage intérieur (PUI). De même, les sénateurs n’ont pas désavoué l’Assemblée nationale en votant à leur tour l’intégration du conseil pharmaceutique dans les soins de premier recours et en reconnaissant aussi le droit au pharmacien de faire de la prévention et du dépistage, d’établir des diagnostics, d’assurer un traitement et un suivi des patients. « Le conseil pharmaceutique ne se sera pas soumis à un décret d’application », souligne Gilles Bonnefond. Toutefois, le Sénat n’a pas souhaité reprendre le concept introduit par les députés de « pharmacien de coordination », lui préférant celui de pharmacien « correspondant au sein de l’équipe de soins ». Une pure affaire de sémantique. Dans le cadre de coopérations entre professionnels de santé, et selon des protocoles validés par la Haute Autorité de santé, les pharmaciens pourront être désignés par le patient comme correspondants au sein de l’équipe de soins.

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Grâce à cette liberté de choix, les médecins n’auront donc pas la mainmise sur la coordination des soins. « L’USPO a relevé une anomalie dans l’article 14 amendé faisant obligation au médecin d’assurer la coordination des soins, excluant de fait la délégation aux autres professionnels de santé, et demandé à l’UNPS d’intervenir pour rétablir le texte initial », précise Gilles Bonnefond. A noter que cette rédaction réservant la coordination au médecin avait été réclamée par la Confédération des syndicats médicaux français.

Renouvellement des traitements chroniques

Nouveau titre, nouvelles prérogatives : les pharmaciens correspondants pourront, à la demande ou avec l’accord du prescripteur, renouveler périodiquement des traitements chroniques, ajuster au besoin leur posologie et effectuer des bilans de médications destinées à en optimiser les effets. « C’est toujours mieux quand tout est écrit en amont, ce qui évite ensuite d’avoir à courir après la loi ! », se félicite Philippe Gaertner

Par ailleurs, la coordination ville-hôpital sera facilitée. Un nouvel article (art. 14 bis A) a été inséré au projet de loi permettant à l’établissement de santé de recueillir auprès du patient hospitalisé les coordonnées des professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la continuité des soins après sa sortie. En outre, l’article relatif aux prestations pharmaceutiques apportées aux malades en HAD, modifié, autorise désormais les établissements de santé délivrant des soins à domicile et disposant d’une PUI de solliciter les officinaux pour leur confier une partie de la gestion, de l’approvisionnement, du contrôle, de la détention et de la dispensation des médicaments non réservés à l’usage hospitalier.

La proposition de Nicolas About d’autoriser les pharmaciens à réaliser une délivrance pour trois mois de contraceptifs oraux à des jeunes femmes mais sans renouvellement possible a en revanche échoué. « Ce n’était pas une demande de la profession », précise Claude Japhet. « En revanche, le renouvellement par le pharmacien d’une seule boîte de pilule pour éviter une interruption de traitement mérite un véritable débat », estime Gilles Bonnefond.

De même, l’amendement de la FSPF sur les gardes, demandant que le médecin régulateur puisse donner en cas d’urgence des consignes de prescription par fax ou courriel au pharmacien a été rejeté. Mais ce n’est que partie remise, d’autant que l’USPO entend ouvrir des négociations par rapport à de nouvelles modalités de délivrance en garde de nuit.

A l’heure où nous bouclons, d’autres points sont encore en cours d’examen (formation, réforme des ordres professionnels…). La procédure d’urgence est maintenue, la loi sera donc vraisemblablement promulguée avant les vacances et les premiers décrets publiés à partir de la rentrée. Suivront des expérimentations afin de définir les modalités de mises en place des différentes missions du pharmacien et, au vu des résultats, l’éventuelle rémunération qui irait avec.