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Voler de ses propres ailes
Un nom et un prénom qui parlent d’océan, une famille passionnée de voile, un travail à Lorient, tout poussait Marine Pouliquen vers la mer. Elle a choisi de jouer la fille de l’air. Sa passion est « le para ». Avec plus de 450 sauts en parachute, cette préparatrice hospitalière au rire franc et au langage direct est aussi la présidente du Para Club de Lorient, en Bretagne.
Un vent de rébellion. Dans la famille Pouliquen, le sport est une seconde nature. L’exemple vient d’en haut, un père naviguant en compétition sur 470, un oncle en championnat du monde, sa femme aux Jeux olympiques… Marine évoque la maison de vacances à Larmor-Plage, en Bretagne, les balades en bateau avec son grand-père, un peu de planche à voile, mais « la crainte de m’écraser sur les rochers me paralysait ». Ce sera donc la gymnastique, puis vingt ans de volley jusqu’à la sélection en nationale 2 durant son adolescence dans le Nord. La compétition chevillée au corps. Plutôt sportive que scolaire d’ailleurs. « Je suis jumelle, et ma sœur était meilleure que moi à l’école – elle est d’ailleurs radiologue. Je me suis peut-être mis la pression toute seule », plaisante Marine, qui évoque l’absence de rivalité avec sa jumelle. Plutôt l’envie de se distinguer, ou peut-être de dépasser ses limites et de se sentir exister, pour la jeune fille qui découvre son diabète insulinodépendant. Et l’ostracisme. « C’était à l’époque du sida. À cause des seringues, les gens croyaient que je l’avais. Quand on est ado, les amalgames sont fréquents. Je me cachais pour me piquer. Je connais les toilettes de tous les restos. » La jeune fille refuse la pompe, « un signe de maladie, comme si j’avais une perf en permanence. Je suis normale ! ». Autant dire qu’elle n’a pas apprécié qu’un médecin lui refuse le certificat pour s’initier au parachutisme ! C’était en 2006, lors de son installation à Lorient et de son arrivée à la pharmacie du centre hospitalier, dans le service de reconstitution des cytotoxiques.
Face au vide. « Insulinodépendante depuis l’âge de 12 ans, je sais me prendre en charge, y compris en compétition. J’ai vécu ce refus comme un défi, cela a décuplé ma motivation. » Un médecin plus compréhensif – adepte du para – lui obtient le sésame. Marine ignore d’où lui vient cette envie du grand saut dans le vide. « Je voulais connaître cette sensation au moins une fois dans ma vie, et, coïncidence, ma supérieure me parle de son entraînement le lendemain ! » Le premier saut est fixé au 31 mars 2007, « je pars sans appréhension, comme si c’était une blague ». Une matinée de préparation au sol, le trac, « version intestinale », et hop ! dans l’avion. « Nous sommes 10 avec un moniteur, qui donne le signal du départ une fois la porte ouverte. » Des pensées contradictoires l’assaillent, de « Qu’est-ce que je veux prouver en me lançant dans le vide ? » à « J’y vais, je ne veux pas échouer par rapport à moi-même » en passant, plus prosaïque, par « J’y ai mis de l’argent, je continue ». Ce premier saut se déroule vite, quelques secondes de chute libre, les consignes exécutées à grand-peine. Admirer le paysage est le cadet de ses soucis. Arrivée au sol, elle est livide, son entourage est persuadé qu’elle s’arrêtera là. Les sauts suivants ne sont guère plus convaincants. « J’étais bloquée psychologiquement, incapable d’adopter la position requise : cambrée, jambes et bras écartés. »
De la peur au bonheur. Le besoin de lever ce blocage est plus fort. Elle passe en progression accompagnée en chute, où elle saute de 4 000 mètres avec un moniteur au lieu des 1 100 mètres du début. Cinquante vraies secondes de chute libre avant l’ouverture de la voile : « Là, c’est d’emblée le bonheur total, la vitesse, le contact avec l’air, tout est sensation extrême. » Une plénitude qui ne se dément pas après 450 sauts. Elle obtient différents brevets, le A, certains B, « le B2 et le B4i… », puis le C, qui l’autorise, entre autres possibilités, à larguer, à être responsable de l’ouverture de la porte et à « sauter n’importe où, ailleurs que dans un centre d’école ». Marine touche à toutes les disciplines : le vol relatif à plat à plusieurs, « la construction des figures en groupe à partir d’une position à plat », ou le free-fly, « des positions à la verticale ». Le plaisir n’est en rien entaché par les quelques frayeurs, comme quand son parachute s’est mal ouvert et qu’elle a dû l’enlever pour libérer le second ! Ou lorsque « la voile s’est un peu fermée lors d’un saut à Quimper, en plein centre-ville ! ». Elle parfait sa technique à chaque saut, seule puis en groupe. Des exercices qui tiennent du jeu, « on chute assis, on s’attrape par les pieds », avant de devenir des compétitions. « Le para est un vrai sport, les courbatures, nous les avons. » Marine retrouve l’ambiance chaleureuse des épreuves sportives depuis deux ans en vol relatif à quatre, « je suis avec mes potes, plus un vidéoman ».
L’adrénaline à fond les manettes. « Ce qui nous motive, c’est la chute libre, ces 50 secondes entre 200 et 300 km/h ! » Marine a soif d’apprendre – « j’ai toujours envie de repousser mes limites » –, mais jamais au détriment de la sécurité. Idem pour son diabète : « L’adrénaline est hyperglycémiante, je ne fais pas plus d’insuline avant un saut. » Audace dans les airs et pieds sur terre, une combinaison gagnante pour la jeune femme désormais présidente du Para Club de Lorient et de ses 150 licenciés. « Un joyeux mélange de générations, de 15 à 77 ans, et de classes sociales, mais, avec 20 filles, la parité est loin ! » Malgré sa jeunesse dans le para, sa détermination fait mouche pour organiser des événements, aller à la pêche aux subventions, élargir le cercle des pratiquants… Il ne faut jamais dire à Marine qu’elle n’y arrivera pas ! Même chose lorsqu’elle décide de passer le concours pour le diplôme d’hospitalier, où elle finit 25e sur 26, alors que certains lui disaient que ce serait trop dur pour elle de reprendre les études. Elle tient bon, et finit 2e de sa promo lors de son apprentissage au CHR de Tourcoing ! Une fierté pour elle et sa famille, qui la considère un peu « comme le vilain petit canard ». Un « simple BP de pharmacie » parmi un grand-père chirurgien, une sœur médecin, une mère ingénieure, un père architecte… Outre l’envie de progresser intellectuellement, c’est l’aspect financier qui l’a poussée vers l’hôpital, mais ce ne sera pas sa destination finale. Cette fan de décoration, « je dois tenir ça de mon père », découvre les joies manuelles dans la maison, où elle vient d’emménager avec son compagnon. Marine envisage d’explorer d’autres chemins. La fille de l’air a bien les pieds sur terre.
Marine Pouliquen
Âge : 32 ans.
Formation : préparatrice en pharmacie hospitalière.
Lieu d’exercice : centre hospitalier de Bretagne-Sud.
Ce qui la motive : le dépassement de soi.
Portrait chinois
Si vous étiez un végétal ?
Le roseau, car il plie mais ne rompt pas. Même si je ne le parais pas, je suis sensible. Par contre, je vais jusqu’au bout des choses.
Une forme galénique ?
PublicitéUne eau florale ou une huile parfumée pour leur odeur légère, leur douceur qui invite à s’occuper de soi, à cocooner. J’en ai peu le temps, et ma carrure fait qu’on s’appuie plus sur moi que l’inverse…
Un médicament ?
Le cannabis, car ça fait planer et c’est mon élément. Même si, moi, je n’en ai pas besoin !
Un dispositif médical ?
L’oxygène bien sûr ! Toujours une question d’élément.
Un vaccin ?
Contre les IST, pour éviter de les transmettre. C’est aberrant qu’on puisse passer quelque chose de négatif à quelqu’un dans un moment aussi intime.
Une partie du corps ?
Des cellules de Langherans pour pallier le manque d’insuline des diabétiques.
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