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UNE RÉFORME SANS FIN
Le régime social des indépendants (RSI) est la cible d’une grogne durable des artisans et commerçants, qui se plaignent de ses dysfonctionnements, et plus largement du niveau des charges sociales. Dans la perspective de l’élection présidentielle, les partis politiques préparent des propositions pour une nouvelle réforme de ce régime de Sécurité sociale. Celle de 2008 avait été catastrophique. Les professions libérales affiliées au RSI, et parmi elles les pharmaciens, sont méfiantes car attachées aux spécificités de leur régime.
Les manifestations régulières, et parfois violentes, d’artisans et de commerçants contre le régime social des indépendants (RSI), devant l’Assemblée nationale ce printemps ou contre les caisses du RSI partout en France, ont partiellement atteint leur but. La réforme de ce régime sera au programme de l’élection présidentielle de 2017. Déjà, les états-majors des grands partis se préparent. Précurseur, le jeune et ambitieux député UMP du Vaucluse Julien Aubert réclame depuis 2013 une mission parlementaire sur cet épineux dossier. Il est aujourd’hui « fier d’avoir porté ce sujet, repris par Nicolas Sarkozy ». Le président de l’UMP a récemment déclaré au quotidien Nice Matin : « En cas d’alternance, je demanderai que soit remis à plat le système du RSI qui a été construit en dépit du bon sens, qui ne fonctionne pas et qui asphyxie les commerçants, les artisans et les professions indépendantes. » Pour sa part, le député du Rassemblement bleu Marine Gilbert Collard a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à suspendre les procédures de mise en recouvrement par le RSI jusqu’à l’épuisement de toutes les voies de recours par le travailleur indépendant.
Le gouvernement ne veut pas perdre l’initiative sur le sujet. Dans la même veine, le Premier ministre Manuel Valls est monté au créneau, admettant que « le RSI est un désastre » et laissant ouverte la voie à une suppression du régime. De son côté, la ministre de la Santé Marisol Touraine a proposé la création d’une mission parlementaire confiée aux députés socialistes de Vendée Sylviane Bulteau et du Gard Fabrice Verdier. Ce dernier explique recevoir « des milliers de courriers d’artisans et de commerçants, qui subissent des erreurs dans le calcul de leurs cotisations par le RSI. Très vite, cela devient le parcours du combattant : ils reçoivent des lettres recommandées, sont menacés par les huissiers ou subissent des pénalités. Et ils n’arrivent pas à se défendre. Le RSI manque de transparence et ne s’adapte pas à la réalité de la situation des indépendants ».
Une « catastrophe industrielle » selon la Cour des comptes
Le directeur général du RSI Stéphane Seiller soupire : « On nous tape dessus en permanence. Pourtant, nous travaillons sans cesse à l’amélioration du service que nous rendons. » Le RSI est le régime autonome de Sécurité sociale de 2,7 millions d’indépendants, auxquels s’ajoutent 2 millions de retraités et 3,9 millions de bénéficiaires de prestations d’assurance maladie. En 2008, il a été victime d’une « catastrophe industrielle », décrite par la Cour des comptes dans un rapport rendu public en septembre 2012. A partir de 2005 a été engagée une réforme de grande ampleur de la protection sociale des indépendants. En 2008, le recouvrement des cotisations, jusqu’ici éclaté entre plusieurs caisses, a été confié dans la précipitation aux seules URSSAF. « Un lourd échec », selon la Cour des comptes, qui détaille : « Le 28 novembre 2007, les fichiers des URSSAF ont été écrasés par les fichiers du RSI sans expérimentation préalable, ni phase de test, ni retour en arrière possible. »
Les conséquences auraient pu être bien plus graves, car le logiciel des URSSAF, qui recouvre 470 milliards d’euros de cotisations sociales – celles de toutes les entreprises, les administrations, les salariés et fonctionnaires – est resté bloqué pendant « presque trois semaines ». Pour les indépendants, « les émissions de cotisations ont été frappées de très nombreuses erreurs et une partie des encaissements n’a pas pu être prise en compte. La mise à jour des dossiers des cotisants était bloquée. Les affiliations, radiations et modifications des fichiers de cotisants n’étaient plus prises en compte. » La Cour des comptes estime que près de « 100 000 cotisants » ont été affectés par ces dysfonctionnements. Pour ne rien arranger, la communication passait très mal entre les URSSAF, chargés du recouvrement jusqu’au 30e jour, et le RSI, chargé de verser les prestations, mais aussi du recouvrement amiable ou forcé à partir du 30e jour.
Pas plus de dysfonctionnements du tiers payant avec le RSI
Les 880 000 cotisants libéraux, dont les pharmaciens, ont été plutôt préservés. Ces professionnels sont en effet assurés pour le seul risque maladie par cette caisse de Sécurité sociale. Mais la gestion quotidienne est en réalité déléguée à des organismes conventionnés : la RAM (réunion des assureurs maladie) et d’autres mutuelles locales. Ces organismes procèdent aux appels de cotisations – en lieu et place des URSSAF – et la caisse du RSI des professions libérales verse les prestations. « A l’exception de l’accueil téléphonique, qui reste encore un point faible, notre caisse n’a jamais rencontré de problème, se félicite Elisabeth Lemaure, pharmacienne à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) et représentante de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) et de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) au conseil d’administration du RSI. Au sein de la caisse des libéraux, le principal débat porte actuellement sur la création de nouveaux droits aux indemnités journalières en cas d’accidents du travail ou de maladie professionnelle. « La caisse RSI des professionnels libéraux a vu affluer depuis 2009 les autoentrepreneurs, qui sont aujourd’hui 230 000, et qui travaillent surtout dans le conseil, explique Elisabeth Lemaure. Ils viennent souvent du salariat et attendent le même type de protection. Mais aux côtés des autres professions libérales, nous défendons le système libéral : chacun choisit de se couvrir contre le risque d’accidents du travail ou de maladie professionnelle. »
Les pharmaciens n’ont pas pâti des difficultés du RSI dans leur pratique professionnelle. « Il n’y pas plus de dysfonctionnements du tiers payant avec le RSI qu’avec d’autres caisses de Sécurité sociale », estime François Martial, président de la commission protection sociale de la FSPF. La seule spécificité tient selon lui « à l’instabilité des assurés du RSI, qui changent plus souvent de statut, ce qui multiplie les difficultés ou les retards dans la mise à jour des droits ».
La justice condamne ceux qui se désaffilient de la Sécurité sociale
Plus fondamentalement, les difficultés rencontrées par le RSI ont donné de nouveaux arguments aux tenants de la fin du monopole de la Sécurité sociale. L’un des militants historiques du droit à la désaffiliation est le Mouvement pour la liberté de la protection sociale (MLPS), présidé par le dentiste et homme politique libéral et conservateur Claude Reichman. Ses sympathisants sont incités à se désaffilier en s’appuyant sur un arrêt de 2013 de la Cour de justice de l’Union européenne. Car la justice française condamne régulièrement ceux qui tentent de se désaffilier. Le 23 mars 2015, la cour d’appel de Limoges a ainsi une nouvelle fois donné tort à un artisan électricien, en rappelant que « le code de la Sécurité sociale pose en principe la solidarité nationale sur laquelle repose le système, avec une obligation d’affiliation des personnes exerçant en France une activité, salariée ou non ». Un autre mouvement, Liberté sociale, créé en 2014 par des professionnels de santé libéraux et des entrepreneurs, dénonce « le poids et le surcoût du monopole social » qui « étouffe toute possibilité d’investissement, de développement et de relance économique ». Le site mouvement-des-liberes.fr tient une cartographie des démarches individuelles de désaffiliation de la Sécurité sociale et affiche mi-avril 2015 le chiffre de 439 « libérés », dont une majorité d’indépendants. Le RSI recense de son côté, fin décembre 2014, 769 demandes de désaffiliation.
Ces divers mouvements de contestation restent minoritaires. Ils sont dénoncés par les syndicats officiels, comme l’UNAPL : « Ceux qui s’engagent dans cette voie ont tort, affirme son président Michel Chassang, son président. Et ceux qui invitent les indépendants à quitter le RSI portent une lourde responsabilité. » Pour Julien Aubert, « la seule manière de faire retomber la pression est de résoudre les problèmes des affilés du RSI qui sont dans leurs droits, et de soulager ceux qui sont empêchés de travailler par le poids des cotisations sociales. Alors ne resteront plus que les idéologues ».
Après la baisse des cotisations famille décidée par le gouvernement dans le cadre du pacte de responsabilité, Julien Aubert estime encore nécessaire de baisser la contribution directe des indépendants en ayant recours à une augmentation de la TVA. Le directeur général du RSI Stéphane Sellier rappelle pourtant que « le taux de prélèvement social des indépendants est aujourd’hui légèrement inférieur à celui des salariés ».
Certains proposent de rapatrier les indépendants vers la CNAMTS
La réforme la plus radicale est évoquée par Julien Aubert, mais aussi par le socialiste Fabrice Verdier. Il s’agirait du rapatriement des indépendants au sein de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Du côté des indépendants, cette hypothèse est d’ores et déjà contestée : « Les bugs du RSI ne doivent pas servir de prétexte à ceux qui veulent supprimer notre régime de Sécurité sociale, met en garde Michel Chassang. Ce serait une erreur, nos modes d’exercice sont spécifiques. Que 350 000 professionnels de santé libéraux – les médecins en secteur 1, les infirmières, etc. – soient déjà affiliés à la CNAMTS est déjà une hérésie. » A la FSPF, François Martial est sur cette même ligne : « Le RSI n’est pas parfait, mais est-ce que la CNAMTS ferait mieux ? Le RSI est en train d’améliorer ses process, cette caisse peut rester indépendante. Sa situation n’a rien à voir avec La mutuelle des étudiants ou avec les régimes délégués de fonctionnaires, dont l’existence n’est pas justifiée. » Elisabeth Lemaure, qui siège au conseil d’administration du RSI pour l’UNAPL et la FSPF, renchérit : « Aujourd’hui le RSI des professions libérales est bien géré, adapté à notre exercice libéral. Il serait très compliqué de nous traiter comme des salariés. » Le débat, tout comme les solutions à mettre en œuvre, sont encore loin d’être tranchés.
La retraite des libéraux face au défi démographique
A la suite de son étude du régime social des indépendants, la Cour des comptes a épinglé « les retraites des professions libérales » dans un rapport rendu en septembre 2013. Là encore, l’architecture du système est complexe. Les professions libérales partagent un régime de base unique, géré par la Caisse nationale d’assurance vie des professions libérales (CNAVPL). Mais ce régime de base ne verse que 30 % des pensions, et sa gestion effective est déléguée à dix sous-sections professionnelles, dont la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP). Celle-ci gère également, de manière autonome cette fois, un régime de complémentaire, versant 70 % des pensions des pharmaciens. Pour la Cour des comptes, « la solvabilité du régime de base ne paraît pas assurée au-delà de 2016 ». Et ce, malgré des hausses des cotisations retraite en 2013 et 2014. Pour les retraites complémentaires, la situation des professions est contrastée et celle des pharmaciens apparaît plus favorable, car les réserves doivent leur permettre de « couvrir leurs besoins de financement d’ici 2040 » selon la Cour des comptes. François Martial, vice-président de la FSPF en charge de la protection sociale, estime que la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens « a pris toutes les mesures pour préparer l’avenir. Rien ne permet de dire que cette caisse est en danger ».
Une réforme est en effet en cours : au 1er juillet 2015, les pharmaciens qui cotisaient jusqu’ici volontairement pour leur retraite complémentaire devront obligatoirement cotiser selon leurs revenus pour bénéficier d’une retraite complémentaire à taux plein.
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