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Un duo de choc à la Santé ?

Publié le 20 novembre 2010
Par Magali Clausener, Arnaud Cristinelli et Francois Pouzaud
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Un ministère élargi pour Xavier Bertrand et un secrétariat d’Etat à la Santé pour Nora Berra. Malgré les rumeurs sur le retour de Xavier Bertrand, la nomination de ce duo a quelque peu surpris. Et suscite de légères inquiétudes chez les pharmaciens. Comment va-t-il fonctionner ?

Le périmètre de Xavier Bertrand est immense », a déclaré Roselyne Bachelot le 15 novembre, lors de la passation de pouvoirs avec l’ex-secrétaire général de l’UMP. Si le nom de Xavier Bertrand circulait ces derniers temps, notamment pour la Santé, il est vrai que son « superministère » du Travail, de l’Emploi et de la Santé peut surprendre. Pas forcément en bien, puisque la santé relève désormais d’un secrétariat d’Etat avec Nora Berra. Cela chagrine les syndicats de pharmaciens, qui regrettent que la Santé ne soit plus un ministère « plein ». D’ailleurs, Roselyne Bachelot a très clairement transmis le flambeau à Nora Berra en l’invitant à prendre la parole avant son ministre et en l’exhortant à concentrer ses efforts sur trois points : « poursuivre la réforme hospitalière, faire vivre les agences régionales de santé et travailler avec les médecins généralistes ». Ces derniers sont, en effet, au centre des préoccupations de Xavier Bertrand, qui a déclaré : « Pour ma part, l’équilibre indispensable à garantir est la poursuite de la réforme de l’hôpital et la modernisation des conditions d’exercice de la médecine de proximité ». Et il ne faut pas oublier que Nora Berra est elle-même médecin (voir encadré ci-dessus).

Xavier Bertrand, un homme de négociations…

« La logique politique voulait que l’on retrouve un médecin à la Santé afin d’avoir des relations plus faciles avec les médecins », relève Claude Japhet, président de l’UNPF. Pour autant, Xavier Bertrand est plutôt bien accueilli par les syndicats. « On a déjà eu affaire à ce ministre qui connaît le domaine de la santé », observe Philippe Gaertner, président de la FSPF. « On le connaît bien, on a travaillé avec lui, ajoute Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO. J’espère qu’il aura la confiance des médecins pour que l’on puisse travailler avec eux sur la coordination, notamment sur les génériques, et que l’on puisse développer des projets de suivi des patients chroniques. » Gilles Bonnefond attend également de Nora Berra, qui est loin d’être une inconnue puisqu’elle a traité le dossier des EHPAD, qu’elle « fasse fonctionner le couple medécin-pharmacien ».

Mais Claude Japhet met en garde : « Xavier Bertrand est un homme de négociations. C’est un homme qui choisit le dialogue plutôt que l’affrontement. Malgré tout, il sait se montrer ferme. Pour lui, c’est donnant-donnant. » Justement, les syndicats s’interrogent sur les futures négociations. Est-ce Nora Berra qui se chargera du dossier de la marge des officines ? « On ne connaît pas aujourd’hui la lettre de mission de Nora Berra. Va-t-elle suivre uniquement les problématiques d’organisation de l’offre de soins et la politique de la santé et réserver la partie économique à Xavier Bertrand ? », questionne Claude Japhet, qui pense que le nouveau ministre s’installera à Grenelle. De fait, Nora Berra a souligné après la cérémonie de passation des pouvoirs : « J’aborde cette fonction avec beaucoup d’humilité. Je suis honorée d’être sous la tutelle de Xavier Bertrand, qui saura m’encadrer au niveau politique, moi qui suis relativement novice dans ce domaine. »

Mais les trois syndicats ont la même certitude. Les négociations sont repoussées et ils auront deux interlocuteurs. « J’espère que ce changement ne perturbera pas et ne retardera pas ce qui est en cours », remarque néanmoins Philippe Gaertner.

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…Mais les négociations pourraient repartir à zéro

Se fiant à sa longue expérience, Claude Japhet a déclaré, lors du 15e congrès Népenthès à Reims les 13 et 14 novembre, qu’avec le remaniement ministériel les pistes ouvertes par Roselyne Bachelot vont devoir être abandonnées : « Dès qu’un cabinet ministériel change, les négociations repartent à zéro dès lors qu’aucun accord n’a été finalisé. » Du côté de la loi HPST, la situation s’enlise également malgré la signature annoncée par l’ex-ministre de la Santé de deux décrets et d’un arrêté avant son départ. « On ne peut pas avancer tant que tous les décrets ne sont pas sortis, notamment ceux sur les services », tempête Claude Japhet. « Le travail n’est pas fini, tous les textes doivent être signés si l’on veut que le pharmacien ait un rôle essentiel dans la coordination des soins et que le couple médecin-pharmacien fonctionne », ajoute Gilles Bonnefond.

« Avec Nora Berra, nous allons rapidement rencontrer les professionnels de santé car nous avons un souci de dialogue social », a promis Xavier Bertrand le 15 novembre dernier. Un signe encourageant ?

Bachelot satisfaite de son bilan

Le 15 novembre, lors de son discours de passation des pouvoirs, Roselyne Bachelot, émue, s’est lancée dans un bilan élogieux de son mandat : loi HPST, qui est « la plus grande réforme de notre système de santé depuis les grandes décisions du général de Gaulle en 1958 », (la création des centres hospitaliers universitaires), création des agences régionales de santé, reconnaissance de la médecine de proximité, plans de santé publique (obésité, VIH, maladies rares) et lois sur la bioéthique. « Toutes ces réformes se sont toujours déroulées dans la concertation, il n’y a pas eu de grèves », a commenté Roselyne Bachelot. L’ancienne ministre de la Santé a également souligné que, toujours durant son ministère, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie a été respecté pour la première fois depuis 1997.

A.C.

Nora Berra, un médecin hospitalier

Secrétaire d’Etat chargée des aînés depuis juin 2009, Nora Berra, médecin hospitalier de 46 ans, a étroitement collaboré avec Roselyne Bachelot sur les dossiers de la dépendance des personnes âgées et des aidants familiaux. Elle connaît donc bien certains dossiers comme celui des EHPAD. Mais dès son arrivée au secrétariat d’Etat à la Santé, Nora Berra est mise en cause. L’association Act-Up Paris et le député PS Gérard Bapt, rapporteur spécial de la mission santé pour la commission des Finances, se sont interrogés, lundi 15 novembre, suite à ses déclarations sur Médiator, sur d’éventuels conflits d’intérêts liés à son ancienne activité au sein de l’industrie pharmaceutique. « Il faudra voir la relation d’imputabilité entre le médicament et ses effets. Il y a un gros travail de compilation de données, de connaissance et d’expertise à faire sur ce dossier », avait déclaré Nora Berra mardi 18 novembre sur i>Télé. Nommée praticien attaché au service d’immunologie clinique de 1991 à 2009, à l’hôpital Edouard Herriot de Lyon, Nora Berra a en effet travaillé pendant 10 ans en tant que médecin des affaires médicales pour des laboratoires : de 1999 à 2001 pour Boehringer Ingelheim, de 2001 à 2006 pour Bristol-Myers Squibb et de 2006 à 2009 pour Sanofi Pasteur MSD.

A.C.

Xavier Bertrand, proche des médecins

Après 18 mois passés à la tête de l’UMP, Xavier Bertrand, 45 ans et ancien agent d’assurances, effectue son retour au gouvernement en obtenant le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé. Nommé secrétaire d’Etat à l’Assurance maladie en 2004, il fut à l’origine de la réforme instaurant le parcours de soins et le médecin traitant. Il a également lancé le projet du dossier médical personnel. Promu ministre de la Santé en mai 2005, Xavier Bertrand gère l’épidémie de chikungunya sur l’île de la Réunion en 2005 et la canicule en 2006. Il met également en place l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Son mandat lui a permis de nouer des liens avec les médecins libéraux. Le syndicat de médecins libéraux CSMF l’a d’ailleurs convié à son université d’été en septembre 2010, au détriment de Roselyne Bachelot.

En mars 2007, Xavier Bertrand quitte son poste afin de seconder Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle. Après l’élection de ce dernier, il est nommé ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité. Il s’occupe notamment de la réforme des retraites et des régimes spéciaux et instaure le service minimum. En janvier 2009, il devient secrétaire général de l’UMP.

A.C.