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Un concasseur sinon la cassation

Publié le 21 octobre 2006
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Un chef d’entreprise jette dans une corbeille à papier une lettre après l’avoir déchirée. Vincent, un salarié, la récupère, la recolle, la reconstitue et l’utilise quelques mois plus tard au cours d’une instance prud’homale l’opposant à son employeur en prétendant qu’elle lui a été remise par un tiers dont il refuse de communiquer l’identité. L’employeur porte plainte. L’affaire est renvoyée devant le tribunal correctionnel.

Y a-t-il eu vol de document interne à l’entreprise ? Vincent est-il coupable de recel d’un courrier provenant d’un vol ? Telles sont les deux questions posées. Le tribunal correctionnel prononce la relaxe. Pour les premiers juges, le document a été volontairement abandonné par l’employeur. Il n’y a donc pas de vol et, par conséquent, Vincent ne peut être accusé de recel. La cour d’appel ne partage pas cette analyse. Sans déclarer Vincent coupable de vol, faute de preuves matérielles, elle énonce néanmoins que l’auteur non identifié du vol « a eu l’intention arrêtée de s’approprier des chutes de la lettre à l’insu de son légitime propriétaire qui n’a nullement consenti par avance de façon implicite à ce qu’elle soit interceptée et subtilisée par des mains non autorisées ». La lettre a été déchirée. Elle n’était destinée ni à être envoyée, ni à être utilisée. Ne pouvant se méprendre sur son origine illicite, Vincent, en l’utilisant, s’est rendu sciemment coupable de recel de vol. La chambre criminelle de la Cour de cassation* rejette son pourvoi. Faire les poubelles peut constituer un délit. Et l’acquisition d’un bon broyeur peut s’avérer très rentable, au regard du coût d’une telle procédure.

* Cass. Crim. 10 mai 2005 Vincent X c/ Société Y

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