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Trop d’officines selon le PLFSS 2008

Publié le 29 septembre 2007
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Pour la première fois, la présentation de projet de loi de financement de la Sécurité sociale a eu lieu au ministère des Finances. Les plus pessimistes y verront un signe, d’autant que ce projet présente le réseau officinal comme trop dense. Morceaux choisis.

C’est écrit noir sur blanc dans le PLFSS 2008. Le gouvernement va préparer un texte qui traduit sa volonté de réduire le nombre des officines. « Le tissu officinal dense permet une distribution de proximité mais suit insuffisamment les évolutions démographiques. Les pharmacies sont également de trop petite taille pour développer de nouveaux services », peut-on lire dans le projet. Projet qui compare en long, en large et en travers la densité officinale française à celle de son voisin allemand. Chiffres à l’appui, si l’on considère l’Allemagne comme un modèle avec ses 82 millions d’habitants et ses 20 700 officines, il y en aurait en France plus de 7 000 en trop. La solution ? « En concertation avec la profession et le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, le gouvernement propose de favoriser les regroupements sur l’ensemble du territoire afin d’optimiser la répartition, notamment en gelant pendant 10 ans les licences libérées après un regroupement. » Une mesure qui répond aux arguments des pharmaciens, avançant depuis des années que les regroupements ne marchaient pas (malgré les incitations) en raison du risque de création. Dans cette perspective, la proposition de remonter le quorum à 3 500 tombe à pic (lire page 10). « Les créations restent possibles dès lors qu’aucun transfert ou regroupement n’aura permis de satisfaire les besoins des populations des communes dépourvues d’officine et celles des zones en forts besoins sanitaires (zones franches urbaines, zones urbaines sensibles et zones de redynamisation urbaine). »

Ces franchises qui déchaînent les passions

« Injustes », « inefficaces », « dangereuses ». Avant même leur apparition dans le PLFSS, les franchises médicales croulaient déjà sous le poids des critiques et d’une pétition affichant plus de 55 000 signatures. Maintenant qu’elles sont inscrites dans le projet de loi, ses contestataires redoublent d’énergie. Afin de « financer les investissements consacrés à la lutte contre la maladie d’Alzheimer, le développement des soins palliatifs et les efforts de lutte contre le cancer », ce que le gouvernement qualifie de « nouveaux besoins de santé publique », « l’effort de solidarité demandé sera de 50 centimes d’euros par boîte de médicament et par acte paramédical et de 2 euros par transport sanitaire » à compter du 1er janvier 2008. Ces franchises « seront déduites des remboursements effectués par la caisse de l’assuré », dans la limite de 50 euros annuels.

Comme prévu, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, les mineurs et les femmes enceintes en seront exonérés. Ces franchises pourront être prises en charge par les assureurs complémentaires. Mais, pour que le mot « responsabilisation » ne perde pas de son sens – au risque de chahuter celui de « solidarité » censé constituer le fondement de la Sécurité sociale -, les assureurs qui s’y risqueraient perdront leurs avantages fiscaux liés aux contrats responsables. On imagine facilement qu’ils ne manqueront donc pas de le répercuter sur leurs tarifs. Par ailleurs, est-il bon de rappeler que, à relire les propos tenus durant la campagne électorale, la franchise devait initialement remplacer le forfait de 1 euro, lui aussi plafonné à 50 euros par an. Reste à espérer que cette mesure ne fasse pas renoncer certains patients à traiter des pathologies d’apparence légères mais qui, faute de soins, pourraient s’aggraver.

L’économie attendue de 850 millions ne suffit donc pas à convaincre associations de patients, syndicats médicaux, syndicats de salariés et partis politiques de l’opposition. D’autant que cette recette ne couvre aucunement les besoins. Au total, 66 organisations appellent à une « journée de riposte » nationale samedi 29 septembre. Act-Up va même jusqu’à « exiger la démission de Roselyne Bachelot du poste de ministre de la Santé et de Xavier Bertrand de celui de ministre de la Solidarité ».

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Revalorisations contre respect des engagements

Autre mesure qui risque d’avoir un impact sur l’officine : le PLFSS pour 2008 donne aux médecins qui le souhaitent « la possibilité de souscrire sur la base du volontariat des engagements complémentaires d’amélioration de la pratique professionnelle ». En substance, « montre-nous que tu es un bon élève en prescrivant moins, nous te récompenserons par une rémunération forfaitaire complémentaire ». Tentant, n’est-il pas ? En tout état de cause, les revalorisations médicales seront désormais conditionnées au respect de la maîtrise médicalisée, assure le gouvernement. Les prescriptions s’en ressentiront encore.

Le PLFSS pour 2008 prévoit également qu’avant les actes médicaux coûteux, « le patient devra obligatoirement bénéficier d’une information préalable et écrite sur le prix total des soins, sur le tarif de remboursement et sur les dépassements éventuels ». Cela devrait concerner pour l’essentiel les actes de chirurgie, de radiologie ou d’odontologie. Le non-respect de cette obligation pourra faire l’objet de la part de la caisse primaire d’assurance maladie d’une sanction financière.

Concernant le contrôle médical, celui-ci est étendu à l’aide médicale d’Etat qui en était jusqu’alors dispensée. D’une manière générale, pour optimiser leurs contrôles, les agents des caisses primaires d’assurance maladie et des caisses d’allocations familiales auront « un droit de communication vis-à-vis de tiers (opérateurs de téléphonie, banques, fournisseurs d’accès internet…) ».

Les grossistes taxés à nouveau sur leur chiffre d’affaires

Parce qu’il n’y a pas de raison que tout le monde ne participe pas un peu au redressement du déficit de la Sécurité sociale, le gouvernement a également eu l’idée de reconduire, de façon tout à fait « exceptionnelle » (sic !), la création d’« une contribution de 50 millions d’euros sur le chiffre d’affaires des grossistes ». Une idée qui figurait déjà dans le cru 2007 du PLFSS et portait sur le chiffre d’affaires réalisé en 2006. Rebelote, donc, cette année, avec un taux ici de 0,28 % sur le chiffre d’affaires 2008 et de 2 % sur la différence entre les chiffres d’affaires 2008 et 2007, contre 0,21 % et 1,5 %, respectivement. Cette nouvelle contribution devra rentrer dans les caisses de la Sécurité sociale le 1er septembre 2009.

Emmanuel Déchin, secrétaire général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, bondit : il s’agit d’une « mesure exclusivement comptable qui n’a pas de justification ! ». Il va certes falloir « trouver des ajustements », mais Emmanuel Déchin estime « tout à fait inimaginable » de réduire les services aux officinaux. Quant à un éventuel impact sur les remises, la décision reviendra « au cas par cas », au niveau de chaque grossiste. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France appelle d’ailleurs à la vigilance, même si Jean-Pierre Lamothe, son vice-président, admet que les conséquences de cette mesure sont restées « raisonnables » en 2007.

L’examen en première lecture du PLFSS aura lieu à l’Assemblée du 23 au 26 octobre. Il sera suivi d’un vote solennel le 30. Et ce n’est qu’un début. Ce qui n’empêche pourtant pas la possibilité d’un éventuel financement de la branche maladie par l’impôt, lequel ne figure pas en toutes lettres dans le PLFSS.

Le PLFSS 2008 en chiffres

u Un déficit prévisionnel du régime général de 8,9 milliards d’euros contre 11,7 milliards en 2007.

u Un déficit prévisionnel de la branche maladie de 4,3 milliards d’euros contre 6,2 milliards en 2007.

u Un effort de 1,7 milliard d’euros d’économies sur les dépenses maladie.

u Un ONDAM fixé à + 2,8 % hors franchise : + 2 % pour les soins de ville, auxquels s’ajoutent + 1,2 % par l’effet des franchises ; + 3,2 % pour l’hôpital.

u 850 millions d’euros d’économie attendus grâce aux franchises médicales.

u 2 milliards d’euros de recettes nouvelles dont :

– 50 millions d’euros prélevés sur le CA des grossistes,

– 100 millions d’euros prélevés sur le CA des laboratoires,

– 180 millions d’euros en supprimant les exonérations de cotisations accidents du travail/maladies professionnelles,

– 350 millions d’euros en augmentant la contribution sur les préretraites et en prélevant sur les indemnités de mise à la retraite d’office,

– 1,3 milliard d’euros en prélevant à la source, par anticipation, les contributions sociales sur les dividendes.

u Remboursement de la dette de l’Etat de 5,1 milliards d’euros à la Sécurité sociale en octobre.