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TOUR DE FRANCE DES OFFICINES EN DIFFICULTÉ
Chaque année enfonce un peu plus de pharmacies dans la crise. Les syndicats pharmaceutiques craignaient même l’an dernier une reprise des dépôts de bilan et des fermetures en 2012. Ce second « tour de France des officines en difficulté » que nous vous proposons leur donne malheureusement raison. Un peu partout en France, la baisse de l’activité et du pouvoir d’achat, la désertification médicale et démographique, surtout en centre-ville, font des ravages sur le réseau.
La disparition d’officines est d’une régularité métronomique. En moyenne, plus d’une officine ferme tous les trois jours. Le rythme s’est même légèrement accéléré l’an dernier puisque l’Ordre des pharmaciens recense 141 suppressions de licences en 2011, contre 116 en 2010 et 101 en 2009. Ces chiffres englobent le nombre de licences supprimées à l’issue de regroupements d’officines et à la suite de cessions d’actifs ou de clientèle suivies d’une fermeture d’officine sans utiliser la procédure de regroupement. Ces cessions émergeant depuis deux ou trois ans connaissent une progression significative de 44 % (121 en 2011 contre 84 en 2010), alors que les regroupements sont en perte de vitesse (18 en 2011 correspondant à la suppression de 20 licences contre 34 en 2010).
Cette tendance s’explique par la lourdeur et la complexité de mise en œuvre des fusions d’officines qui les rendent peu attrayantes. Dans l’incapacité de vendre leur fonds de commerce, certains titulaires, acculés financièrement et découragés, préfèrent céder – quand ils le peuvent – leur clientèle à un confrère voisin plutôt que d’essayer de se relancer au travers d’un regroupement compliqué auquel, ceux n’ayant pas l’âme associative, ne sont pas préparés.
Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, ne cache pas son inquiétude. « Il y a de plus en plus de fermetures d’officines, non pas en fonction de critères de santé publique, mais de la fragilité économique des confrères », déplore-t-elle. Le tissu officinal se réduit dans les grandes métropoles, où la surdensité des officines est un facteur d’aggravation et d’accélération des difficultés financières. Dans les arrondissements les plus critiques de la capitale, les fermetures d’officines ont fini par occasionner une sous-densité et un manque inquiétant. « Alors que le nombre d’habitants par pharmacie est de 2 900 en moyenne, on compte dans les XXe, XIIIe et XIXe arrondissements une pharmacie pour 3 300, 3 500 et 4 200 habitants, et dans le VIIIe arrondissement une pour 920 habitants ! », observe Isabelle Adenot.
La répartition harmonieuse des officines est en danger. « Sur les 141 suppressions de licences, 10 concernent des zones où il n’y avait qu’une seule pharmacie. » Pour Isabelle Adenot, les chiffres de la démographie officinale sont en trompe-l’œil. S’il y a trop d’officines au sens économique du terme, « leur nombre et leur répartition doivent cependant rester satisfaisants pour des questions de desserte de la population », martèle-t-elle. Pour l’heure, il n’y a pas de « désert pharmaceutique », mais cette menace plane sur les communes de moins de 5 000 habitants avec une seule officine, soit un tiers du réseau.
Les redressements et les liquidations repartent à la hausse en 2012
En 2011, le nombre des ouvertures de procédures collectives n’a pas progressé, après la flambée observée en 2010 (+ 25 %). Précisément, les procédures de sauvegarde augmentent de 20 en 2010 à 26 en 2011, mais, dans le même temps, les redressements judiciaires baissent de 69 à 66 et les liquidations de 51 à 46, soit un total de 138 procédures contre 140 en 2010. « Le nombre d’officines étant légèrement supérieur à 22 000 en 2011, le taux de défaillance est de 0,6 % et il reste faible en comparaison des 50 300 procédures collectives recensées par l’INSEE dans l’univers des PME (3,3 millions d’entreprises), représentant un taux de défaillance de 1,5 % », relativise Luc Fialletout, directeur général adjoint d’Interfimo. Sur le premier semestre 2012 cependant, le nombre d’ouvertures de procédures collectives repart à la hausse, non au niveau des plans de sauvegarde (12) mais des redressements (35) et des liquidations (31).
D’après la « carte de France des défaillances de pharmacies en 2011 » dressée par Interfimo, trois régions se distinguent : Paris et l’Ile-de-France (42 nouvelles procédures collectives, 30 % du total) et PACA (20 procédures, 14 %), qui étaient déjà sur ce triste podium en 2010, sont rejoints à la troisième place par l’Aquitaine (12 procédures, 9 %) qui déloge les DOM. Ces trois régions concentrent plus de la moitié des pharmacies en difficulté.
La carte d’Interfimo recoupe en partie les cartes départementales de l’Ordre concernant l’évolution de nombre d’officines sur un an (- 106). Entre le 1er juillet 2011 et le 1er juillet 2012, les fermetures de trois officines et plus par département se sont effectuées préférentiellement à Paris (9) et sa couronne (Val-d’Oise, Yvelines, Essonne, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne), dans le Loiret, l’Allier, la Nièvre, la Loire, les Alpes-Maritimes, la Gironde, le Lot-et-Garonne, le Finistère, l’Ille-et-Vilaine et la Seine-Maritime. La façade atlantique (Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Deux-Sèvres, Vendée, Charente-Maritime), deux départements de la région Rhône-Alpes (Rhône, Isère) et les deux départements nordistes (Nord et Pas-de-Calais) figurent également en sombre dans les deux cartes. Dans tous ces départements, les pharmacies dans le rouge sont avant tout victimes de baisses d’activité et d’accidents de trésorerie à répétition, liées notamment à l’application de la loi de modernisation de l’économie (LME) sur les délais de paiement. Les erreurs de gestion du titulaire sont également en cause. « Une erreur stratégique hypothèque sérieusement l’avenir de l’entreprise, alors qu’une erreur tactique (par exemple de management) amenuise ses résultats mais ne menace pas sa survie et peut se corriger », remarque Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet ArythmA.
Un fonds acheté trop cher au regard de sa rentabilité entraîne des difficultés structurelles parfois sérieuses. Luc Fialletout constate un recoupement étroit entre la localisation des procédures collectives et la déconnexion des prix de cession avec la rentabilité. « PACA et Paris – Ile-de-France sont les deux régions où les fonds se vendent les plus cher par rapport à un prix exprimé en multiple de l’excédent brut d’exploitation. »
Orléans dépeuple les pharmacies loiretaines
C’est l’hécatombe dans le Loiret. Faute de repreneur, la Pharmacie de Saint-Germain-des-Prés a fermé. A Montcresson, même scénario. A Amilly, on compte une pharmacie en moins. Un coup dur pour toutes ces petites communes, victimes également de la fermeture en cascade de commerces de proximité. Dans le Loiret, bon nombre de pharmacies ont été créées par dérogation et, aujourd’hui, les plus fragiles font les frais de la surdensité officinale. Pourtant, le département ne se dépeuple pas. L’agglomération orléanaise a même grossi mais, paradoxalement, les pharmacies font grise mine. « La proximité géographique de Paris, facilitée par les moyens de transport, a transformé une partie de l’agglomération Orléanaise en ville-dortoir, explique André Kuypers, ex-président du syndicat des pharmaciens du département et de la région. Les pharmacies de ces communes ne vivent pour ainsi dire que des renouvellements d’ordonnances, les patients consultant des spécialistes sur Orléans et y achetant leurs médicaments. » Malgré un incontestable afflux de population qui a permis la création de plusieurs pharmacies dans le Loiret, le dynamisme de petits bourgs n’est pas au rendez-vous, au grand dam des pharmaciens. En campagne, les rangs des médecins s’éclaircissent. « A Nogent-sur-Vernisson, la seule pharmacie du bourg a perdu deux de ses trois médecins, tandis que les maires de Briare et de Bonny-sur-Loire ont dû recruter respectivement un médecin roumain et bulgare pour pallier deux départs sur ces communes », signale André Kuypers.
L’Eure-et-Loir victime de la désertification médicale
Dans ce département en proie à la pénurie de médecins, les mesures d’incitation à l’installation de jeunes médecins prises par le conseil général sont sans grand effet. « Le Département a proposé des logements aux praticiens stagiaires, la création de maisons médicales de santé, et aussi de leur faciliter l’installation en leur consentant des prêts à taux zéro et une année de différé d’amortissement », détaille Patricia Javerliat, pharmacienne installée à Saint-Rémy-sur-Avre. Plus récemment, une association de jeunes médecins s’est créée avec pour objectif d’attirer de jeunes confrères. « Leur installation est financée par des bourses à condition d’exercer sur le département pendant un minimum de trois à cinq ans », poursuit Patricia Javerliat.
Le Perche et le sud de la Beauce forment à eux deux l’archétype d’un département agricole nécessitant de maintenir une offre de soins de qualité et de proximité à une population clairsemée et vieillissante. Les difficultés sont à venir. La région ne compte que 64 habitants au kilomètre carré contre 72 pour la moyenne nationale, et 60 % des communes rurales ont moins de 500 habitants. Cependant, au vu du dernier recensement, la croissance de la démographie est de 3,3 % par rapport à 2006 mais la population âgée de plus de 60 ans gagne du terrain et représentera une part de 30 % dans les vingt ans à venir. Un tableau statistique auquel il faut ajouter le vieillissement des médecins généralistes : 45 % d’entre eux ont aujourd’hui plus de 55 ans.
Dans le Cher : Bourges victime des fouilles archéologiques
Dans le centre-ville de Bourges, les derniers logements sociaux vont être détruits pour laisser place au quartier Avaricum, un complexe commercial de 13 000 m2 avec hôtels et parkings en sous-sol. Mais ce projet de renouvellement urbain est actuellement bloqué. Lors des travaux de terrassement, un des plus grands thermes européens d’origine gallo-romaine a été découvert. L’arrêt momentané du chantier retentit gravement sur la santé des pharmacies. Cette vaste opération immobilière et commerciale ne sera jamais terminée en 2013. « Les retards s’accumulent et plusieurs grandes enseignes commencent à se dédire », s’inquiète Alain Dulac, ex-président du syndicat des pharmaciens du département.
Autre point noir : l’âge avancé des médecins et les départs en retraite avec fermetures de cabinet qui s’enchaînent. « Le Cher a un rapport nombre de médecins sur nombre d’habitants parmi les plus bas de France », signale Alain Dulac.
Précarité et insécurité grandissantes en banlieue parisienne
La situation est très contrastée entre pharmacies franciliennes selon les départements, communes et quartiers. Par exemple, les Hauts-de-Seine sont le département le plus riche de France mais aussi le plus composite, où, à quelques kilomètres des quartiers les plus favorisés, les pharmaciens sont en prise directe avec la précarité. En 2011, l’Ile-de-France a déploré 13 fermetures dont 2 dans les Yvelines, l’Essonne et la Seine-Saint-Denis, et 4 dans le Val-de-Marne. Les problèmes d’insécurité retentissent gravement sur la santé des officines. Le quotidien de certains quartiers d’Evry et de Corbeil est devenu très critique. Certaines pharmacies sont situées dans des zones de non-droit où la désertification des commerces rend les conditions d’exercice encore plus difficiles. « Il faut avoir la santé pour rester en place dans ces officines ! », admire Patrice Caignard, membre du conseil régional de l’Ile-de-France à l’Ordre des pharmaciens.
Les pharmacies de la petite couronne souffrent de leur proximité immédiate avec Paris et de la concurrence des grandes surfaces. « Plus un département est riche, plus les commerces de proximité prospèrent et moins il y a de grandes surfaces », relève Khadija Lahloua, vice-présidente de la chambre de commerce du Val-de-Marne, installée à Fresnes. Sur l’Essonne et le Val-de-Marne, les GMS sont de vrais rouleaux compresseurs et captent sans partage le marché de la parapharmacie. « Les enseignes indépendantes ont disparu », précise cette pharmacienne cernée de tous côtés par la concurrence de Belle-Epine, Créteil-Soleil, Vélizy-II (Yvelines) et Thiais-Village. Les pharmacies dont le CA en vigneté chute de 10 % par mois ne peuvent plus compter redresser la barre.
Les pharmacies discounters de centre-ville reines de la Somme
Comme beaucoup de grandes villes, Amiens est bâtie de façon centrifuge. La « piétonisation » du centre-ville n’a fait qu’accentuer le départ de la population et les difficultés des officines. « Les cabinets médicaux et cliniques se sont installés en périphérie, sur des communes limitrophes », déplore Eddy Naillon, coprésident du syndicat des pharmaciens de la Somme, installé en plein centre d’Amiens. « La raréfaction des médecins devient problématique, on ne sait plus parfois vers quel médecin orienter un patient, tandis que les infirmières ne veulent plus se déplacer en centre-ville car elles ne peuvent plus se garer. » Dans la Somme, où le revenu moyen des ménages est moins élevé que la moyenne nationale, les pharmacies discounters de centre-ville s’en donnent à cœur joie pour capter les tranches de population les moins aisées. Victime du marasme, une pharmacie d’Amiens est en redressement judiciaire.
Avis de tempête sur la façade vendéenne
En Vendée comme ailleurs, difficile d’avoir un inventaire précis des pharmaciens dans le rouge pourpre. « Leurs titulaires vendent avant que leurs difficultés ne soient rendues publiques », remarque Mathias Hubert, conseiller syndical, ancien président de la chambre syndicale des pharmaciens de Vendée, qui décrit la particularité autoroutière du département : « La Roche-sur-Yon est à trois quarts d’heures de Nantes et de son CHU qui attire des hospitalisations, ce qui affecte l’activité de nos officines. La proximité d’Angers exacerbe les difficultés rencontrées. » Dans le même temps, les médecins spécialistes (gynécologues, pédiatres… ) commencent à manquer, y compris dans les secteurs attractifs.
Il n’y a pas que le vent qui souffle en Vendée. La concurrence sur les prix en parapharmacie ébouriffe les pharmacies de Fontenay-le-Comte. « Le climat entre confrères est devenu délétère suite à l’installation de deux pharmacies discounters. A force de tirer sur les prix, elles se sont mises toutes seules en péril et sont en vente, laissant derrière elles une situation concurrentielle tendue », raconte Mathias Hubert.
La Lorraine engagée dans un long chemin de croix
Dans une région où les bassins d’emploi sont sinistrés et la situation sociale tendue, la profession officinale assiste, impuissante, à la lente et inexorable diminution du nombre d’exploitations agricoles et au vieillissement de la population. Les déserts médicaux des Vosges menacent les pharmaciens du cru. Les mesures incitatives ne se révèlent pas efficaces. La pénurie oblige à faire appel à des médecins étrangers, bulgares ou roumains, pour combler les déficits, mais ce n’est pas une solution stable sur le long terme.
En Moselle et au nord de la Meurthe-et-Moselle, les bassins de vie se vident. « Les gens trouvent du travail au Luxembourg et y font leurs achats ou quittent la région », explique Monique Durand, présidente du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine. Les pharmacies lorraines doivent composer avec un autre handicap. « Notre région doit aussi faire face à la plus forte présence de pharmaciens discounters, ajoute Monique Durand. Il n’y a pas de profil type de la pharmacie en difficulté, mais les plus vulnérables ont des remboursements d’emprunt en cours. »
Une trentaine de pharmacies corses en mauvaise posture
En Corse, l’image d’une profession de nantis est aujourd’hui révolue. Moral en berne, les pharmaciens sont nombreux à craindre de devoir céder ou cesser leur activité dans les cinq ans à venir pour des raisons économiques. « Notre situation est forcément difficile parce qu’il y a plus de pharmacies qu’ailleurs », explique François Gazano, président du syndicat des pharmaciens de Corse-du-Sud. A Ajaccio, le surnombre est évalué à sept ou huit pharmacies. Sur le célèbre cours Napoléon, la concentration de croix vertes est étouffante. Cette surdensité atrophie les chiffres d’affaires et a comme conséquence une taille réduite d’officine. Ce désavantage se double d’un surstock lié à l’insularité. Selon François Gazano, une trentaine de pharmacies sont en mauvaise posture, quatre ou cinq pharmacies sur Ajaccio sont en difficultés sérieuses dont au moins une ou deux en procédure collective.« Un pharmacien ne parvient plus à payer son grossiste et est livré “au cul du camion”. » A Bastia, six à sept pharmacies seraient aussi mal en point.
Poitou-Charentes perd l’attractivité commerciale de ses centres-villes
Densité record dans le centre-ville de Cognac : 9 pharmacies dans un rayon de 500 mètres autour de la place François-Ier ! Quel avenir pour elles ? Installée depuis 29 ans sur la place, l’officine de Stéphane Guillebon, après avoir été en redressement pendant un an, a été placée en liquidation judiciaire fin septembre et fermera avant la fin de l’année. « Trois demandes de reprise ont été déposées », livre avec amertume ce titulaire dépité qui a tenu tête aux difficultés professionnelles depuis près d’une quinzaine d’années. Ce sont à la fois le nombre de pharmacies trop important, la baisse de population en centre-ville, la démédicalisation et la fermeture d’autres commerces qui ont précipité sa chute. « On déplore le départ de cinq médecins dont deux installés à proximité de l’officine, la fermeture de l’enseigne Prisunic proche, remplacée par un magasin Champion qui à son tour a mis les clés sous la porte, raconte Stéphane Guillebon. Compte tenu des difficultés de stationnement et des amendes systématiquement apposées, les clients ont peu à peu pris l’habitude d’acheter leurs médicaments en périphérie de la ville, dans les communes voisines ou dans les centres commerciaux. » Pour éponger ses dettes, Stéphane Guillebon a dû vendre les murs de l’officine et le prix de la vente du fonds ne lui permettra même pas de se renflouer. Son épouse est titulaire à Saintes, mais il pense de son côté reprendre un poste d’adjoint dans une autre officine en 2013. A Angoulême, les officines de petite taille du centre sont les premières victimes du déplacement des commerces vers la périphérie. « Une pharmacie est en liquidation judiciaire », signale Jean-Marc Glémot, président du conseil régional de l’Ordre. « Les centres-villes deviennent les lieux d’accueil des banques et des agences immobilières », remarque Pierre Gavid, ancien ordinal. La taille réduite d’Angoulême (moins de 50 000 habitants) réduit les opportunités de transfert et fait du regroupement la seule issue possible.
A Niort, la piétonisation des voies du centre-ville et la réfection de tous les parkings en juin 2009 rendent les abords des pharmacies de l’hypercentre plus difficiles d’accès. Pour survivre à ces transformations urbaines, des regroupements doivent être envisagés. L’une de ces pharmacies, placée en liquidation judiciaire, est fermée depuis plusieurs mois. Retraité, Joël Drossard, ancien président d’une association de commerçants du centre-ville et de l’UNPF sur le département, s’est battu jusqu’au bout pour sauvegarder l’attractivité commerciale en centre-ville. « J’ai demandé, sans succès, à la mairie de limiter les pistes cyclables et les feux rouges pour faciliter la circulation automobile, une heure de stationnement gratuite sur les parkings pendant la durée des travaux et d’ouvrir les rues piétonnières aux voitures après 18 heures. » Christophe Paquet, son ancien associé, a repris le dossier avec une autre association défendant des propositions moins radicales. « Trois dispositions peuvent nous sauver : la création de maisons médicales sans loyer pour les médecins dans le centre-ville, avec des parkings gratuits, un regroupement cohérent des cabinets médicaux et des pharmacies sur des zones géographiques redéfinies par rapport aux déplacements de la population, le stationnement gratuit pendant une heure près des zones commerçantes. » Concernant la pharmacie en liquidation judiciaire, Christophe Paquet avait songé à la racheter afin d’y installer un jeune et sauver les emplois, mais l’Ordre et les syndicats l’en ont dissuadé, leur priorité étant de faire baisser le nombre de licences surnuméraires. Même phénomène à Poitiers où le projet urbain de restructuration du Cœur d’Agglo avec la création de zones piétonnières et des sens interdits inquiète beaucoup. En centre-ville, les baisses de 15 % du chiffre d’affaires sont légion.
Haute-Savoie : risque d’avalanches
En Haute-Savoie, certains secteurs sont particulièrement sinistrés comme la vallée de l’Arve, touchée par le chômage. « Plusieurs usines de fabrication de pièces automobiles ont été fermées ou délocalisées », précise Joël Peytavin, président du syndicat des pharmaciens de Haute-Savoie. Dans le bassin d’Annemasse, les pharmacies sont surnuméraires dans certains quartiers et ne peuvent plus prospérer sauf au détriment des autres. Les effets de la baisse de la rémunération commencent à se faire douloureusement sentir dans ce département. « Plusieurs pharmacies à Cluses ou Annecy ont licencié deux à trois salariés. Il y en a même une qui a dû fermer », rapporte Joël Peytavin.
Au centre-ville de Pau le regroupement est devenu quasi obligé
Le centre-ville de Pau, toujours en travaux, a été déserté par les médecins spécialistes et les cliniques qui se sont installés au nord de la ville, aux abords du CHG François-Mitterrand. Ce déplacement de l’offre de soins a créé un véritable détournement de clientèle dont se remettent difficilement les officines du centre et du sud de la ville. C’est l’asphyxie, d’autant qu’une Pharmacie Lafayette met le feu aux prix. Les pharmacies les plus petites, devenues invendables, ne songent même pas à transférer leur activité car les opportunités sur les communes aux alentours sont quasi inexistantes. Marie-Anne Parain, déléguée départementale de l’Ordre, tente de sensibiliser ses confrères du centre-ville de l’intérêt à se regrouper : « Il y a de réelles possibilités, mais les confrères ne sont pas encore prêts à franchir le pas car le regroupement est une opération coûteuse et complexe, et les banques ne sont pas prêtes à financer des pharmacies surendettées. »
Le découvert bancaire augmente
Selon les statistiques de Fiducial, 47,3 % des officines ont vu leur chiffre d’affaires baisser en 2011 (- 3,39 % en moyenne) contre 43 % en 2010. « Ces cinq dernières années, le nombre de pharmacies ayant déposé leur bilan a été multiplié par trois en France », observe Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise. En 2011, 39 % des officines connaissent un découvert de trésorerie contre 40 % en 2010. Parmi ces 39 %, 21 % ont un découvert de trésorerie inférieur à 7 500 €, 11 % entre 7 500 € et 30 500 € et 7 % supérieur à 30 500 €. Le découvert moyen est de 7 134 € alors qu’il était de 7 195 € en 2010.
Transfert : un risque mal calculé
Mis en difficulté par un transfert réalisé trop tôt par rapport à l’achèvement d’un programme immobilier, Pascal Delayen, titulaire de la Pharmacie de la Colline à Metz (Moselle), n’a pas eu d’autres choix que d’ouvrir une procédure de sauvegarde de son entreprise de manière à suspendre le paiement des dettes, le temps que son affaire se développe. « Ma banque n’a pas souhaité réétaler mon emprunt et ses concurrents n’ont pas pris le risque non plus car je n’avais pas de garanties personnelles à leur offrir », explique-t-il. Ce pharmacien a été piégé par le promoteur immobilier qui a transformé une ancienne caserne en appartements avec création d’une galerie marchande et d’un plateau médical. Le projet a pris du retard et beaucoup de nouveaux logements sont encore inoccupés. « J’ai transféré un an trop tôt, analyse Pascal Delayen, mais je n’avais pas le choix, car quand le préfet accorde la licence, vous avez un an pour ouvrir l’officine. »
Chute inexpliquée dans l’Hérault
La Pharmacie d’Aubeterre à Teyran (Hérault) est sous le coup d’une procédure de sauvegarde. Pourtant rien ne le laissait présager. La pharmacie dirigée par Emmanuelle Galdemar et Isabelle Braure présente des chiffres convenables (chiffre d’affaires de 1,37 million d’euros en 2010, dégageant un résultat net de 62 000 euros) et, surtout, elle avait progressé de 37,8 % entre 2009 et 2010. Comment les difficultés ont-elles pu arriver aussi vite ?
Les cotitulaires n’ont pas souhaité répondre sur les causes qui ont précipité leur chute. Les raisons peuvent être multiples : refus de la banque à financer l’augmentation du besoin en fonds de roulement, rémunérations ou prélèvements trop importants des cotitulaires, associé récupérant son compte courant, rentabilité catastrophique…
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