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Station « services »
Le futur décret sur les conseils et prestations pouvant être proposés en officine restera général. Si la profession est quelque peu déçue, ce texte constitue néanmoins un progrès pour la pharmacie, qui pourra proposer une panoplie de services. Rémunérés ou pas. Les groupements se frottent déjà les mains.
Après neuf ans d’attente, le décret sur les conseils et prestations en officine, prévu par l’article 38 de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) du 21 juillet 2009, devrait enfin paraître. Plutôt au mois d’octobre, car la dernière version a été finalement transmise au Conseil d’Etat le 24 juillet. Cette bonne nouvelle ne suscite pourtant pas un franc enthousiasme de la part des représentants de la profession.
Le texte que Le Moniteur des pharmacies s’est procuré spécifie que le pharmacien d’officine pourra mettre en place des actions de suivi et d’accompagnement pharmaceutique avec, notamment, la prévention de l’iatrogénie médicamenteuse et le suivi de l’observance, ainsi que des actions de prévention et de promotion de la santé dans le cadre de la Stratégie nationale de santé. Il pourra aussi participer à des actions d’évaluation en vie réelle des médicaments en collaboration avec les autorités sanitaires, au dépistage des maladies infectieuses et maladies non transmissibles et à la coordination des soins avec l’ensemble des professionnels concourant à la prise en charge du patient. Pour l’application de ces dispositions, le pharmacien devra respecter la confidentialité des échanges avec le patient. Il « pourra » disposer d’un espace de confidentialité. Le pharmacien devra aussi s’engager à se former et à actualiser ses connaissances. Enfin, il intègrera les informations dans le dossier médical du patient lorsqu’il existe et informera le médecin traitant avec l’accord du patient. Quant à la rémunération, rien n’est spécifié. « Ce n’est pas écrit, mais ce n’est pas interdit. Le texte ouvre la porte à la possibilité de facturer des services aux patients », observe Jocelyne Wittevrongel, vice-présidente de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Un texte très (trop) général…
« Le ministère de la Santé voulait une rédaction très ouverte et très générale. Il ne souhaitait pas un inventaire à la Prévert », explique Alain Delgutte, président de la section A de l’Ordre des pharmaciens. « C’est vrai que nous attendions plus d’éléments précis et que nous sommes loin d’une liste de missions comme on aurait pu l’imaginer il y a neuf ans », remarque Jocelyne Wittevrongel. Même si certaines remarques des syndicats et de l’Ordre ont été intégrées à la dernière version. Ainsi, les missions de la Convention pharmaceutique, qui figuraient dans le premier projet, ont disparu. « C’était redondant de parler des missions de la Convention pharmaceutique, comme les entretiens pharmaceutiques et le bilan de médication », note Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). La mention de « patients chroniques » pour le suivi et l’accompagnement pharmaceutique a été enlevée à la suite d’une remarque de l’Ordre : « Un patient qui a un traitement temporaire, par exemple après une hospitalisation, peut avoir besoin d’un suivi. C’est une bonne chose que cela ne soit plus limité aux pathologies chroniques », commente le président de la section A. L’évaluation des médicaments en vie réelle a été ajoutée. Mais d’autres revendications de la profession ont été rejetées. Concernant les actions de prévention, l’Ordre souhaitait ajouter le terme « notamment », avant « dans le cadre de la Stratégie nationale de santé », afin d’élargir le champ des actions ; la FSPF voulait même que le texte n’y fasse pas référence. Le ministère n’en a pas tenu compte. « Les soins à l’officine, par exemple pour une personne qui tombe dans la rue, n’ont pas été prévus », souligne aussi Gilles Bonnefond. Surtout, l’ensemble de la profession réclamait que la PDA (préparation des doses à administrer) soit inscrite noir sur blanc. Peine perdue. Autre grand regret : la perte d’autonomie ne figure pas non plus dans le texte. « Il n’y a par conséquent rien sur la possibilité de livraison ou de portage de médicaments à domicile et de facturation de ce service. Or le pharmacien est un élément-clé dans le maintien à domicile », note Christian Grenier, président de Federgy. « C’est bien que le projet inclue l’observance et la prévention. C’est large mais, dans le même temps, il n’y a pas d’éléments concrets », résume Robin Tocqueville-Perrier, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). « Le texte est relativement ouvert, ce qui va permettre aux pharmaciens de “remplir les cases”, mais il laisse un goût d’inachevé », reconnaît Alain Delgutte. Albin Dumas, président de l’Association de pharmacie rurale (APR), est bien plus sévère : « Ce décret est un coup d’épée dans l’eau. Il n’y a rien de plus que ce qui est développé avec l’Assurance maladie. Globalement, cela ne nous donne pas le droit de faire des glycémies et de dépister l’hypertension », juge-t-il.
… mais une avancée
Malgré ces critiques, la majorité de la profession, notamment les groupements, s’accorde à dire que ce décret va constituer une avancée pour les pharmaciens. « Ce décret est très important pour les groupements, car notre valeur ajoutée est de trouver de nouveaux services, de les expérimenter, de les dupliquer et de rechercher des partenaires. Il peut s’agir de programmes de santé avec des objectifs précis », déclare Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). « Pour nous, ce décret, quel que soit le texte final, est une opportunité pour développer de nouveaux services. Il va légitimer nos actions comme le dépistage du diabète que nous avons déjà mis en œuvre depuis plus de dix ans. Ce texte est positif et nous allons faire le maximum pour en profiter et mettre en place dans les mois à venir de nouveaux services que nos pharmaciens adhérents pourront proposer aux patients, explique Vincent Le Floc’h, directeur d’Alphega Pharmacie. Notre rôle est d’accompagner et de soutenir nos adhérents dans l’application du décret en leur proposant des outils et des formations pour que tous partagent les bonnes pratiques. » « L’arrivée de ce texte, qui officialise les conseils et prestations en officine, va libérer les freins à se lancer », ajoute Laurence Bouton, directrice des relations institutionnelles d’Alphega Pharmacie. Selon Lucien Bennatan, président de PHR, « le texte est suffisamment vague et flou pour laisser place à l’interprétation. Ce qui nous encourage à accélérer et développer des conseils et prestations en dehors du cadre conventionnel ». Et de préciser que son groupe est en réflexion pour développer des services de télépharmacie afin de traiter des pathologies courantes (rhume, diarrhée, eczéma…) ou de maintien à domicile. Au sujet de la PDA, les groupements ne sont pas inquiets. « Il est vrai que tout le monde attendait une tarification de la PDA dans le texte. Mais je ne pense pas que cela soit un obstacle », remarque Vincent Le Floc’h. Quant à la rémunération, « le temps des services gratuits est tout bonnement révolu », résume Laurent Filoche.
À RETENIR
• juillet 2009 : loi HPST avec l’article 38 sur les conseils et prestations que peuvent proposer les pharmaciens, destiné à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes.
• juillet 2018 : projet de décret soumis à la profession et transmission du texte consolidé au Conseil d’Etat. Texte très général sans éléments concrets et sans mention de la PDA.
• octobre 2018 : parution probable du décret. Une fois paru, ce texte ouvrira la porte à la facturation de nouveaux services.
REPÈRES
Par Laurent Lefort – Infographie : Walter Barros
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