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Ruptures de médocs avouées, à moitié gérées
Les médicaments manquants sont le lot quotidien des préparateurs et des pharmaciens. Les laboratoires, les grossistes-répartiteurs et l’ordre des pharmaciens promettent que les choses vont s’améliorer, à commencer par la communication.
Pas un jour sans qu’un manquant s’affiche sur le bon de commande. Pour nombre d’officinaux, c’est le souci numéro 1 au comptoir. Le phénomène des ruptures de médicaments, défini comme « l’impossibilité pour un patient d’obtenir un médicament dans un délai de 72 heures » (1), prend une ampleur jamais atteinte. Le plus souvent, préparateurs et pharmaciens en ignorent les causes. La relative bonne nouvelle est que le sujet n’est plus tabou. Laboratoires, grossistes-répartiteurs et pouvoirs publics commencent à reconnaître ouvertement le problème et à réfléchir ensemble à de nouvelles solutions, notamment à améliorer la communication. Il était temps.
Un phénomène palpable
« Quand on reçoit les commandes, on a l’impression qu’il y aura bientôt davantage de manquants que de produits reçus, raconte Hélène Monteiller, préparatrice en région parisienne. Quand j’ai débuté, il y a dix ans, ce n’était pas le cas. Aujourd’hui, j’en ai une feuille et demie ! Des vaccins, mais nous sommes aussi à court de produits très courants comme l’Efferalgan ou le Vogalène ». De quoi susciter l’incompréhension des patients. « Nos clients ne nous prennent pas toujours au sérieux, se désole Aurélie Thonon, préparatrice en Seine-et-Marne. Beaucoup pensent que c’est de la faute de la pharmacie, qu’on ne fait pas assez de stocks, alors que ce n’est pas le cas ». Parfois, l’absence d’un médicament rend la situation houleuse. Calogero Sanfilippo a dû, un jour, évacuer une personne de l’officine quand il l’a entendue taper sur le comptoir. « C’était un patient psychiatrique, mais j’ai eu peur qu’il s’en prenne à la préparatrice ou aux clients, raconte le préparateur exerçant dans la Loire. C’est la seule fois que c’est arrivé mais, la plupart du temps, les gens sont agacés par la situation, voire carrément énervés ».
Selon un sondage Ipsos d’avril 2014 réalisé à la demande du Leem (Les entreprises du médicament), la moitié (55 %) des 1 000 personnes interrogées disaient avoir déjà été confrontées au phénomène d’un « manquant » et un tiers identifiaient ces ruptures d’approvisionnement comme « une menace pour leur santé ». Même si cette étude ne distingue pas une réelle rupture d’un simple retard de livraison, cette impression ressentie de part et d’autre du comptoir correspond à une réalité mesurée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Entre septembre 2012 et octobre 2013, elle a ainsi répertorié 324 ruptures de stock et 103 risques de ruptures. S’agissant des « produits indispensables », la hausse est inquiétante : 44 situations de ruptures en 2008, 173 en 2012 et plus de 200 en 2013. Parmi elles, on recense les ruptures de stock au niveau du fabricant et les ruptures d’approvisionnement rendant momentanément impossible la délivrance d’un médicament.
Production et demande en cause
Récemment, le Leem, qui représente les industriels, a décidé de jouer la transparence en rendant publique une enquête sur les causes des ruptures. « Pour les industriels, cette question est un phénomène complexe car la chaîne du médicament est elle-même très complexe », rappelait Philippe Lamoureux, directeur général du Leem, lors d’une conférence de presse en mai dernier. En 2013, l’organisation a enquêté auprès de 90 laboratoires ayant fait une déclaration de rupture auprès de l’ANSM entre septembre 2012 et octobre 2013. Cette photographie de 180 situations révèle une durée moyenne de 94 jours pour les ruptures. De 0 jour si le laboratoire a su gérer ses stocks résiduels jusqu’à l’arrivée de nouveaux stocks, à… 398 jours. Les causes sont très diverses. Les incidents liés à la production sont responsables de 33 % des situations de rupture. « La fabrication du médicament comporte de très nombreux contrôles de qualité car notre engagement est le zéro défaut », souligne Nathalie Le Meur, présidente du groupe « Ruptures d’approvisionnement » du Leem. Au moindre problème détecté, tout un lot peut être détruit. Incendie, inondation ou machine en panne, les problèmes ponctuels sur un site de fabrication sont aussi générateurs de ruptures. Dans 28 % des cas, c’est l’augmentation des ventes qui est en cause. Ainsi, lors de la généralisation de la mesure « tiers payant contre générique », les ventes ont connu une hausse subite et très importante. Difficile dès lors d’y répondre instantanément…
(1) Décret n° 2012-1096 du 28 septembre 2012 relatif à l’approvisionnement en médicaments à usage humain (Journal officiel du 30 septembre 2012).
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